logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Décodages

Daltys distribue un peu plus à ses salariés que Selecta

Décodages | Entreprises | publié le : 03.09.2014 | Éric Béal

Salaires au plancher chez les leaders de la distribution automatique de boissons. Si Daltys préserve la participation, Selecta a un dialogue social plus construit. Mais les deux veulent doper la motivation.

Un leader historique d’origine suisse et un challenger français constitué par rachats successifs de PME. Tout oppose Selecta et Daltys, deux entreprises spécialisées dans la distribution automatique de boissons et friandises. L’histoire du premier remonte aux années 1950, et ses distributeurs rouges trônent depuis des décennies sur les quais du métro parisien et dans les gares du réseau SNCF. Le second n’a pas encore fini son intégration capitalistique et organisationnelle et ses distributeurs portent pour quelques mois encore les couleurs des différentes PME constitutives du groupe. À l’instar d’Autobar, autre leader d’origine britannique sur le marché français, les deux entreprises revendiquent pourtant des chiffres d’affaires bien supérieurs à la moyenne des 1 250 gestionnaires de distributeurs automatiques installés en France. La majorité d’entre eux sont des entreprises artisanales, seule une vingtaine réalise un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros, quand Selecta affiche 212 millions et Daltys 175.

Pour autant, les deux concurrents sont confrontés à des problèmes identiques. Sous le coup des fermetures de sites industriels, de la baisse du pouvoir d’achat et de la multiplication des cafetières dans les bureaux, l’activité du secteur a reculé de 2,5 % en 2013, avec un chiffre d’affaires total de 1,9 milliard d’euros. De plus, les clients ont pris l’habitude de demander une redevance pour abriter les machines et les marges bénéficiaires se sont réduites comme peau de chagrin. Pour rebondir, les deux entreprises innovent : ­machines à expresso et café de qualité supérieure chez Selecta, agencement de l’espace de pause chez Daltys. Parallèlement, leurs machines évoluent et serviront bientôt des plats chauds ou des morceaux de musique à télécharger, en plus des friandises et des boissons.

Minima salariaux. Les trois dernières années ont été une période difficile pour Selecta. Les résultats négatifs ont conduit le P-DG d’alors, Philippe Mauguy, à resserrer tous les boulons. L’entreprise n’avait pas augmenté les salaires depuis trois ans avant d’octroyer 3 % cette année, distribués en deux temps. « Nous avons dû adapter nos effectifs au recul de l’activité. Heureusement, le taux naturel de turnover, de l’ordre de 15 % chez les vendeurs approvisionneurs (VAP), a facilité les choses », indique Philippe Quilliot, le DRH France. Les VAP, qui constituent quelque 70 % des effectifs (les techniciens, commerciaux, managers et administratifs forment les 30 % restants), ont subi la réorganisation de leur tournée pour ajuster les coûts d’exploitation.

De quoi déprimer un peu des salariés dont les rémunérations sont collées aux minima de la profession et proches du smic. « Le métier d’approvisionneur s’est dévalorisé. Il y a vingt ans, les rémunérations les plus basses étaient 25 % au-dessus du smic et les collègues pouvaient organiser leur tournée comme ils le souhaitaient. Aujourd’hui, un approvisionneur commence au smic et 70 % des salariés sont aux minima de la grille conventionnelle. La machine indique l’état des stocks et la consommation grâce à un relevé électronique effectué à chaque passage et le manager planifie la tournée », expliquent Manuel Soler et Frédéric Piquepaille, DS CFDT. Hugues Averty, leur collègue de FO, précise qu’une prime récompense le suivi du planning concocté par le manager. « La moindre initiative vous est reprochée et votre prime est supprimée. » Une situation d’autant plus durement ressentie, à en croire les syndicalistes, que la société ne distribue plus de participation depuis 2007, après son rachat par Allianz Capital Partners au moyen d’un LBO. « La direction utilise la réserve de participation pour rembourser. C’est légal », note Thierry Batistoni, le représentant de la section syndicale CFTC. Auparavant, les bonnes années, chaque salarié bénéficiait de l’équivalent d’un mois de salaire en plus. « L’accord de participation est toujours en place et le treizième mois a été préservé pour tous les non-cadres », souligne Philippe Quilliot.

Entités autonomes. Constitué autour d’une PME, la SGDA, située à Gardanne (Bouches-du-Rhône), puis d’un regroupement d’entreprises locales destiné à répondre aux appels d’offres nationaux, le groupe Daltys reste fidèle à son histoire. « C’est un projet entrepreneurial, indique David Nezar, son directeur général chargé des RH, de la vente et des opérations. Plutôt que de développer des services centraux, nous avons fait le choix de garder les organisations régionales pour préserver une meilleure réactivité à l’égard des clients. » Le groupe Daltys est divisé en cinq entités régionales qui possèdent chacune leur atelier de réparation de machine, leur logistique, leur management, dont un responsable de la gestion des ressources humaines. Cette segmentation semble efficace : les résultats sont positifs et la holding du groupe a attiré des partenaires financiers pour soutenir sa croissance externe. Dernière acquisition en date, l’activité de distribution automatique de Coca-Cola, et ses 102 salariés, a intégré le groupe début 2014.

Mais la montée en puissance de Daltys, en concurrence avec Selecta lors du dernier renouvellement du marché de la SNCF, ne se traduit pas par de meilleurs salaires. Édifié par croissance externe, le groupe n’a pas mis l’accent sur l’homogénéisation des rémunérations. Dans certaines entités, la paie des approvisionneurs débutants correspond au minimum de la grille de la branche. À l’inverse, tous les salariés bénéficient de la participation. « La dette du groupe est portée par la holding Daltys II, précise David Nezar. Nous laissons les régions consolider leurs résultats et la participation est calculée à ce niveau. De cette façon, la rémunération des salariés est préservée. » Mais le résultat peut être sensiblement différent suivant les régions.

Cette logique décentralisée qui prévaut chez Daltys s’applique également au dialogue social. Chacune des filiales régionales a été récemment dotée d’un comité d’entreprise ou d’une délégation unique du personnel. David Nezar s’implique peu dans le dialogue social et laisse la main aux responsables des ressources humaines locaux. L’issue des négociations annuelles obligatoires dépend des résultats locaux. À part à Daltys Sud où officie l’unique délégué syndical (CFDT) présent dans le groupe, ce sont les élus du CE qui négocient. « Nous essayons de nous coordonner au cours de réunions téléphoniques, mais l’exercice n’est pas facile, raconte le syndicaliste. D’autant plus qu’il n’existe nulle part d’accord pour faciliter le dialogue social. » Résultat, la situation est très disparate. Alors que la CFDT se bat pour obtenir des primes de panier, les CE dans d’autres régions ont choisi de demander des titres-restaurants. « Mais le dialogue social est de bon niveau, assure le syndicaliste. Nous sommes en phase d’expansion. Cela facilite la négociation. »

À l’inverse, le dialogue social chez Selecta s’appuie sur un comité d’entreprise national. CFDT, FO, CFE-CGC, CGT et CFTC sont représentées. Mais cette présence massive des syndicats ne fait pas de miracles. À son arrivée en 2012, Philippe Quilliot a dénoncé tous les accords en place. « Nous étions dans une impasse, justifie le DRH. Il y avait une négociation sur le temps de travail qui traînait depuis six ans et chacun restait sur ses positions. Nous avons employé ce moyen pour faire comprendre à nos interlocuteurs qu’il fallait revenir à la table de négociations. » Une interprétation que dénie Hughes Averty (FO). « Le CE avait attaqué l’entreprise en justice pour contester la réduction des effectifs au fil de l’eau ainsi que la généralisation du travail du dimanche. La direction a dénoncé les accords pour reprendre la main. » Tous les accords ont été renégociés et les partenaires sociaux de Selecta bénéficient de droits syndicaux et d’avantages sociaux à l’identique. Les syndicats ont obtenu que le travail du dimanche soit basé sur le volontariat et bénéficie d’un doublement de salaire et d’une prime. Mais la direction ne compense plus la carence de rémunération pour le deuxième congé maladie sur douze mois glissants. D’autres négociations devraient aboutir ou commencer dans les mois qui viennent : le temps de travail, la pénibilité, l’égalité hommes-femmes ou encore le contrat de génération.

Motivation des troupes. Les deux directions font des efforts pour renforcer la motivation de leurs troupes. Daltys s’est doté d’un site Internet commun avec un nouveau logo. Dans les prochains mois, l’entreprise devrait fournir à ses collaborateurs des vêtements de travail avec son sigle. Elle tente aussi d’harmoniser les pratiques managériales en proposant une ­session de formation mensuelle sur dix mois à ses managers. David Nezar ajoute que, parallèlement à la mise en place d’un réseau informatique unique, l’entreprise souhaite développer une GRH unifiée dans les années à venir. La direction propose déjà à ses approvisionneurs de compléter leur savoir-faire avec des formations à la gestion et à la relation commerciale pour faciliter leur évolution de carrière. « Nous pensons que ce sont les individus qui font la différence. Bien sûr, nous souhaitons optimiser nos tournées grâce à l’informatique, mais nous leur laissons beaucoup d’autonomie au niveau de la relation commerciale », affirme David Nezar. « La croissance de l’entreprise offre des perspectives de promotion à ceux qui souhaitent s’en saisir », confirme de son côté le DS CFDT.

Selecta tente de modifier sa culture interne. La direction a tourné le dos au lean management et recrée des postes de chefs d’équipe dont elle choisit les recrues parmi ses collaborateurs. Elle facilite la mobilité géographique des promus par des aides financières. Côté organisation, elle tente d’instiller une certaine autonomie au niveau des agences en redonnant du pouvoir de décision aux managers. Elle propose aussi une formation au management participatif à tous ses collaborateurs. L’idée : améliorer le bien-être général en partageant mieux l’information et la réflexion.

Daltys

EFFECTIF

1 350 salariés.

CHIFFRE D’AFFAIRES

175 MILLIONS d’euros en 2013.

NOMBRE DE DA *

50 000

* Distributeurs automatiques.

Selecta

EFFECTIF

1 260 salariés.

CHIFFRE D’AFFAIRES

203 MILLIONS d’euros en 2013.

NOMBRE DE DA*

25 000

* Distributeurs automatiques.

Auteur

  • Éric Béal

Articles les plus lus