Au coeur de la crise, carnets ouvriers, Sébastien Junca. Éditions Demopolis. 140 pages, 22 euros.

Parti pris original ! Sébastien Junca, ouvrier autodidacte, a voulu raconter au jour le jour sa vie dans une grande entreprise, numéro un mondial de la construction de voiliers (les lecteurs avisés auront déjà deviné), où il travaillait depuis cinq ans. Sans intention de dénonciation, il a souhaité tout simplement témoigner de ce qui se passait dans un groupe important, confronté comme le reste de l’économie à la longue crise de langueur qui frappe l’Europe, à partir de son quotidien dans son atelier. Le livre commence en septembre 2012 : en même temps que de nouvelles rumeurs de chômage partiel gâchent la rentrée, le management met en place une nouvelle méthode, le TQM. « La gestion des hommes n’est décidément plus qu’une gestion de boutiquiers et de marchands de tapis », se lamente l’auteur. Il se plaint beaucoup dans son journal. Des acquis qui se réduisent comme peau de chagrin. De « la médiocrité généralisée à tous les niveaux de la hiérarchie ». Et même des chocolats offerts à Noël par le chef d’atelier ! « Certaines friandises trahissent l’idée que d’aucuns se font de la communication. »

Le 6 mars, un accident survient dans l’atelier de moulage : une énorme poutre est tombée sur le pied de l’opérateur. Occasion de s’insurger une fois de plus contre le primat de la productivité imposé par la direction. « Je ne suis pas de ceux qui tirent systématiquement à boulets rouges sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un patron », prend soin de préciser Sébastien Junca. Il ne les épargne pas beaucoup tout de même, ses dirigeants ! Son récit s’achève par le dépôt d’une rupture conventionnelle de contrat en mai 2013. Sa lecture, gâchée par une tendance à aligner les généralités sur un ton un peu sentencieux, apporte un utile éclairage sur le fait que la crise économique est aussi une crise des rapports humains dans l’entreprise. Dans sa belle préface, Gérard Mordillat le souligne : « Le renouveau économique et social que chacun espère passera inexorablement par le renouveau de nos comportements. »