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Portage salarial, le retour à la case départ

Actu | À suivre | publié le : 05.05.2014 | Sabine Germain

Le Conseil constitutionnel annule le cadre juridique du portage salarial. Le législateur doit remédier à cette lacune d’ici au 1er janvier 2015.

Patatras ! « Considérant […] qu’il incombe au législateur […] de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail », les partenaires sociaux n’auraient jamais dû se mêler de définir le contrat de portage salarial. Tel est, en substance, le message que le Conseil constitutionnel leur a envoyé le 27 mars dernier, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité posée par Force ouvrière. Organisations syndicales et patronales n’avaient pourtant fait qu’obéir à l’injonction inscrite dans l’article 8 de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Il leur était ainsi donné deux ans pour aboutir à un accord sécurisant ce type de contrat liant un travailleur indépendant et son donneur d’ordres à une entreprise de portage chargée de transformer les honoraires en salaire.

Deux ans ! Le délai semblait intenable, alors que les professionnels du portage salarial ne reconnaissaient aucune légitimité au Prisme, le patronat de l’intérim, mandaté pour mener la négociation. Et pourtant, il a été tenu : l’accord du 24 juin 2010 donnant un cadre juridique sécurisé au portage salarial est alors ratifié par la CGT, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Sécurisé… ou presque : le texte reconnaît, certes, la réalité économique et sociale de cette activité née dans les années 1980 et représentant environ 40 000 emplois équivalents temps plein. Mais les partenaires sociaux ont pris des libertés avec le droit. Dès 2011, l’Inspection générale des affaires sociales pointe ainsi « l’impossibilité juridique d’étendre cet accord ». Elle reproche aux partenaires sociaux d’être sortis du mandat que leur avait confié la loi de 2008 en subordonnant l’application de l’accord à plusieurs modifications législatives alors qu’ils auraient dû organiser le portage à l’intérieur du cadre juridique existant. Autres critiques, le périmètre d’application « réservant cette activité aux cadres » et le choix d’une approche focalisée sur le seul droit du travail, minorant les interactions avec les droits civil et commercial.

Alors ministre du Travail, Xavier Bertrand se garde bien d’étendre l’accord du 24 juin 2010. Contrairement à Michel Sapin, qui se montre bien moins prudent et signe l’arrêté d’extension le 24 mai 2013. Une brèche dans laquelle s’engouffre FO, seul syndicat non signataire. « Nous sommes légalistes, justifie Stéphane Lardy, secrétaire confédéral chargé de l’emploi et de la formation professionnelle. C’est maintenant au législateur de faire son travail en donnant une définition précise du portage salarial. » Celui-ci a jusqu’au 1er janvier 2015 pour le faire. Sinon, l’accord du 24 juin 2010 tombera. « Je ne suis pas très inquiet. La décision du Conseil constitutionnel ne remet pas en cause les contours juridiques du portage salarial tels qu’ils ont été définis par les partenaires sociaux. La Direction générale du travail devrait donc reprendre les grandes lignes de l’accord du 24 juin 2010 », répond André Martinie, président du Cinov Peps, le syndicat des professionnels de l’emploi en portage salarial. Une structure née en 2012 du rapprochement de la Fenps et du Sneps, regroupant plus de 80 % des entreprises de la branche.

Dans cette histoire, les signataires côté syndical ne se sont pas bousculés au portillon pour défendre leur paraphe. La CFDT Services a ainsi été la seule organisation à monter au front face au Conseil constitutionnel. Son avocat, Olivier Coudray, note du reste que les Sages « n’ont pas retenu l’argumentaire soulevé par FO, qui contestait notamment la présence du Prisme au banc des négociateurs de l’accord ». C’est un fait, les entreprises de portage salarial n’ont que modérément apprécié d’être représentées, lors des discussions, par leur frère ennemi. « Mais nous avons appris à travailler ensemble et sommes arrivés à un bon texte », rappelle André Martinie. On verra ce que le législateur en retiendra dans les prochains mois.

Auteur

  • Sabine Germain