Au cours des dernières décennies, l’entreprise a perdu un de ses plus précieux carburants : la confiance. Pis encore, elle a évolué à rebours de la société : celle-ci est devenue plus horizontale, plus collaborative, plus souple, alors que, dans le travail, le système mis en place « se rigidifie et se hiérarchise, fonctionne sur la contrainte, valorise la performance individuelle, repose sur les rapports de force et la méfiance ». Les dégâts engendrés par ce décalage sont énormes, selon Éric Albert, un de nos grands spécialistes du stress professionnel : à plus de 60 %, les salariés français pensent que leurs propres dirigeants ont des intérêts divergeant des leurs. L’auteur va s’employer à mettre au jour les dysfonctionnements du management moderne et à présenter des modèles alternatifs. Il décrit avec justesse ce qu’il appelle « la tyrannie du reporting », démultipliée par le nombre de niveaux hiérarchiques, la solitude que l’on ressent dans son travail, accentuée par une mise en compétition systématique, qui s’exerce notamment à travers les redoutables key performance indicators. La financiarisation est passée par là qui a fait du dirigeant, dopé aux actions, un être à part, « plus préoccupé par ses propres intérêts que par ceux de l’entreprise dont il a la charge ». Ce n’est pas le cas de tous, et Éric Albert montre qu’il y a une catégorie de dirigeants qui « malgré tout croient à ce qu’ils font et continuent de vouloir faire œuvre utile ». Sa méthode pour changer de modèle : se fixer des valeurs, poser des règles qui laissent une large part de pouvoir aux acteurs eux-mêmes, établir de nouveaux indicateurs bien adaptés aux priorités de l’entreprise. Un conseil d’ami que les dirigeants auraient tort de ne pas entendre.

Partager le pouvoir, c’est possible, Éric Albert.

Éditions Albin Michel.192 pages, 16 euros.