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Les start-up cultivent leur différence

À la une | publié le : 05.03.2014 | Emmanuelle Souffi

Quatorze ans après l’éclatement de la bulle Internet, les « Petit Poucet » ont gagné en maturité, mais sans perdre leur âme. Simplicité, autonomie, proximité restent leurs fondamentaux.

La PS3 ou Kinect sont à la start-up ce que la salle de gym est à l’en­treprise à la papa : un sas de décompression. Tous les midis, chez Ebuzzing, c’est tournoi de Call of Duty ou de Fifa 2014. À deux pas du Bon Marché, à Paris, il n’est pas rare d’entendre résonner la vuvuzela quand un nouveau contrat est signé. Pas de stores ni de box, mais des bureaux en enfilade où chacun travaille au coude à coude, s’apostrophe. Décontracté quoi ! « Si je n’entendais pas un bruit, je serais dépité ! souligne Hicham Berrada, directeur général. Il faut que ça vive, mais ça n’est pas non plus Jardiland ! » Ni le pays des Bisounours ! Dans cette start-up de 250 salariés qui a grossi à coups de rachats successifs (neuf au total), comme dans toutes celles nées dans l’euphorie des années 2000, le think different est plus qu’une posture. Une marque de fabrique revendiquée comme un pied de nez aux dinosaures du CAC 40. « Avant, on était différents de façon inconsciente. Aujourd’hui, c’est très conscient. Le secteur bougeant très vite, on doit se remettre en cause en permanence, on n’est pas là pour s’encroûter », résume Pierre Kosciusko-Morizet, P-DG de PriceMinister.

UN CONCENTRÉ D’AGILITÉ ROBUSTE

Au-delà de la console de jeux, du baby-foot et de l’espace cuisine chers au monde de l’e-biz, le credo reste simple : une entreprise où il fait bon travailler est une société où il fait bon vivre. Une évidence mais qui, sur le terrain, recouvre une réalité bien concrète. « Contrairement aux mastodontes, les réussites de l’entreprise sont nos réussites », partage Bérengère, qui a travaillé dans de grandes agences de communication avant de rejoindre Ebuzzing. La devise de Sarenza, le vendeur de chaussures sur la Toile relancé par Stéphane Treppoz, ancien patron d’AOL France ? « Faire notre travail sérieusement sans se prendre au sérieux », lance-t-il.

Mouvantes, les organisations épousent le rythme des clics de l’internaute. « On est capables de repositionner rapidement un département de l’entreprise en fonction de nos besoins », abonde Amélie Denis, DRH de Meetic, qui évoluait avant dans la banque. Ce qui pouvait s’apparenter aux yeux du néophyte à un gros bazar se révèle en fait être un concentré d’agilité plutôt robuste. « La force d’Internet est cellulaire, analyse Gilles Babinet, serial entrepreneur et auteur de l’Ère numérique, un nouvel âge de l’humanité (Le Passeur Éditeur, 2014). Dans le monde du code, il y a des tâches nobles et d’autres moins. Mais la mobilité sociale est très forte, on peut vite grimper. » Sauter d’un projet ou d’un poste à l’autre, mixer les compétences… L’écosystème plaide pour toujours plus de flexibilité. « On fait régulièrement tourner les équipes pour éviter que des baronnies s’installent », explique le P-DG de PriceMinister.

SPONTANÉITÉ ET AUTONOMIE

Aux processus lourds et chronophages de la vieille économie, les start-up privilégient la spontanéité et l’autonomie. « Il n’y a pas de codes chez nous, on s’est fondés autour d’une valeur : l’amitié. On fait les choses vite et simplement », dit Augustin Paluel-Marmont, cofondateur de Michel et Augustin, le roi des yaourts et des cookies comme à la maison. Chez Parrot, le fabricant de drones, les demandes d’investissement, par exemple, se règlent en cinq minutes. « Il n’y a pas de procédure de demande d’achat, de notes, de signature ni de validation, égrène Christophe Sausse, le DRH, qui était avant chez Bouygues Telecom. Les seules contraintes que le P-DG tolère, ce sont les contraintes légales. »

Time is money, et le business réclame réactivité. « Entre l’idée et la réalisation, il ne s’écoule pas des mois », relève Laure Wagner, responsable communication de BlaBlaCar et première embauchée il y a cinq ans du site de covoiturage qui compte désormais 75 salariés en France. Sur le bureau du patron fondateur, Frédéric Mazzella, et dans la bibliothèque partagée de l’open space, Rework, réussir autrement, un best-seller qui a inspiré quantité d’entrepreneurs à la recherche de contre-modèles de management.

Aux processus lourds et chronophages, les start-up privilègient la spontanéité et l’autonomie
PAPERBOARD ET POST-IT

Ces geeks restent des adeptes du papier et du scrum (« mêlée » en anglais). Une méthode de gestion de projets diablement efficace : un paperboard, trois colonnes (To do, Doing, Done), des Post-it bleus, verts, rouges résumant les tâches à effectuer. Tous les lundis matin, le scrum master décide avec son équipe de développeurs du temps qu’il faut pour déplacer les Post-it de la gauche vers la droite, le but étant qu’à la fin de la semaine tout soit du bon côté. « C’est comme accepter un défi, ça crée une émulation et donne une visibilité claire sur ce que chacun doit faire », résume Laure Wagner. En cas d’échec, pas de mise au pilori. Car l’échec permet de se bonifier.

La croissance aidant et le marché devenant mature, les petites boîtes du Web ont dû renforcer l’encadrement de leurs équipes sans perdre leur essence. Chez Meetic, le service RH se compose désormais de cinq personnes. Parcours d’intégration, entretien annuel d’évaluation… Le formalisme a fait son entrée. Indispensable dans une PME de 300 salariés, mais pas toujours évident à faire comprendre quand par le passé l’oralité et la confiance servaient de référence. « Il y a des combats auxquels on ne peut pas déroger et d’autres où on tolère une certaine souplesse, admet Amélie Denis. Il faut éviter de passer en force. » Car, dans des boîtes où la moyenne d’âge ne dépasse pas les 30 ans, les mécontents auraient tôt fait de prendre la tangente, le marché étant porteur pour les audacieux.

ORGANIGRAMME

Voilà un an, Ebuzzing s’est structuré en quatre pôles et s’est doté d’un organigramme. Mais sans que cela devienne l’armée mexicaine. « Nous ne vivons pas dans un système où on crée de l’éloignement avec les salariés », souligne le jeune boss qui va régulièrement prendre un apéro avec ses équipes au café d’en face. Du patron à l’assistante, le tutoiement est également de rigueur chez Parrot. Rien n’empêche un commercial de mentionner « directeur marketing » sur sa carte de visite simplement pour gagner en crédibilité auprès de ses clients, même si cela ne figure pas sur son contrat de travail. Les attributs du pouvoir en vigueur dans les multinationales n’ont pas cours ici. Surtout quand le P-DG est un ancien cadre qui en a soupé des process indigestes. « On refuse les postures politiques, milite Stéphane Treppoz. Ça n’est pas du paternalisme moderne car on ne regarde pas les gens d’en haut en voulant faire leur bien. » Ce patron travaille au milieu de l’open space, dans la cohue ambiante, comme n’importe qui. Quand il reçoit un cadeau d’entreprise, il organise un tirage au sort parmi le personnel. Hôtel, avion… Même classe pour tout le monde.

Partant du principe qu’une bonne information doit être partagée et non pas jalousement gardée pour se faire valoir, les start-up les mettent dans un pot commun. Le mercredi, de 11 h 30 à 12 heures, c’est BlaBlaTalk chez BlaBlaCar : une équipe différente vient décrire à tous ce qui l’a occupée durant les six semaines précédentes et ce qu’elle fera pendant les six suivantes. Les bureaux européens assistent aux débats en visioconférence. Les good practices sont diffusées sur un site dédié. Ebuzzing a quant à lui créé un Facebook interne via le réseau Yammer. De quoi renforcer la proximité et la cohésion autour d’une histoire commune…

Auteur

  • Emmanuelle Souffi