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Montluçon étrenne la garantie jeunes

Décodages | Insertion | publié le : 03.02.2014 | Adeline Farge

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Montluçon étrenne la garantie jeunes

Crédit photo Adeline Farge

Formations, stages, apprentissage de l’autonomie…, pour les jeunes exclus bénéficiant de ce nouveau dispositif d’insertion, allocation à la clé, le programme est intensif. Reportage à la mission locale de la cité auvergnate qui les accompagne.

En cercle avec ses neuf camarades de promo, filles et garçons, Clément prodigue avec soin les premiers secours à une poupée. À la mission locale de Montluçon, dans le bâtiment de la chambre de commerce et d’industrie, il écoute avec sérieux les recommandations du formateur de sauveteurs secouristes du travail. Depuis novembre, il est inscrit dans un nouveau dispositif d’accompagnement dont l’expérimentation est prévue pour deux ans dans 10 territoires, dont l’Allier et le Puy-de-Dôme : la garantie jeunes. « Les conseillers nous soutiennent et nous aident à retrouver un emploi. Je vais faire un stage en février comme agent d’entretien. J’ai envie de commencer un projet professionnel, de mener une vie stable. Grâce à l’allocation, je vais pouvoir prendre un appartement », se réjouit le jeune homme de 19 ans.Originaire de la cité auvergnate, il a connu un parcours chaotique. « Avec ma famille, nous n’avions jamais les mêmes points de vue, sur rien. Ils ont fini par me jeter dehors », confie-t-il. Il abandonne son bac pro maçonnerie le jour de l’examen. Montpellier, Bordeaux, Lille… , il a vagabondé durant deux ans, touché à l’alcool et à la drogue. « Une nuit, j’ai réfléchi. Je ne pouvais pas continuer à faire tous les 115 de France. Au centre d’hébergement social, j’ai pris rendez-vous avec la mission locale de Montluçon. »

Impulsée en octobre par le gouvernement, « cette brique française à la garantie européenne pour la jeunesse » assure aux jeunes de moins de 25 ans les plus précaires, sans formation ni emploi ni soutien familial, un minimum de ressources et l’accès à une première expérience professionnelle. Décrocheurs de l’école, jeunes sous main de justice, « décohabitants » qui ne vivent plus sous le toit familial…, les profils ciblés figurent parmi les plus éloignés du marché du travail. « Ces jeunes sont en situation de rupture et ont perdu toute confiance en eux. Leur CV n’est pas vendeur. Cet accompagnement vise à sécuriser leur parcours et à leur transmettre les codes de l’entreprise. On ne peut pas assurer que demain ils seront en emploi, mais la mission locale va les aider à monter en compétences », explique Florence Gelot, chef de mission insertion des jeunes à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. Alors que le taux de chômage des moins de 25 ans frôlait, en novembre, les 18,5 % à Montluçon, d’ici à la fin 2014, environ 135 jeunes intégreront le dispositif orchestré par la mission locale de la ville.

Responsabilisation. Dans ce parcours, dont le jeune doit être le moteur, différentes étapes sont prévues. La première : conduire les participants vers l’autonomie et les revaloriser. Le dispositif met ainsi en avant les compétences fortes. Débrouillardise, sens des responsabilités, esprit d’équipe, capacité d’adaptation, persévérance… Dans leur vie personnelle, les jeunes ont développé des qualités transposables au monde de l’entreprise. Deuxième étape : travailler le projet professionnel et les qualifications avant de les mettre en relation avec de potentiels employeurs. Pour mieux s’insérer dans l’emploi, les jeunes, signataires d’un contrat avec la mission locale, se verront proposer stages, immersions en entreprise et expériences professionnelles. « La garantie jeunes n’est pas un droit ouvert. On recherche des volontaires prêts à s’engager dans un programme intensif. Ils doivent se consacrer à temps plein aux démarches d’insertion professionnelle. Si les règles du jeu ne sont pas respectées, des radiations sont possibles. L’objectif est de les responsabiliser », pointe Pierre Bassot, directeur de la mission locale, qui accueille chaque année 2 500 jeunes.

Afin de les impliquer davantage et d’alléger leurs difficultés du quotidien, une allocation mensuelle d’un montant proche du RSA (433,75 euros) est versée aux jeunes entrés dans le dispositif, sous condition d’assiduité au temps de formation et dégressive en fonction des revenus d’activité. « La garantie jeunes va m’aider à prendre mon envol, affirme Romain. Je vais pouvoir louer un logement. À la maison, les tensions deviennent pesantes. » Après avoir abandonné l’école en troisième à 16 ans, il espère s’orienter enfin vers un CAP de boucherie. Jusqu’à présent, ses candidatures pour entamer une formation en alternance sont restées lettre morte. « À la fin, je ne tentais plus rien. Comme à Montluçon j’ai peu d’amis, pendant trois mois je ne suis plus sorti de chez moi et je ne me réveillais pas avant 13 heures. Cela fait du bien de se lever le matin, dit-il avec un sourire. Avec la formation, je me suis intégré dans un groupe qui s’entraide. »

Au cours de la première phase de formation, d’une durée de six semaines, qui précède l’entrée en stage, la vie du groupe est calée sur celle d’une entreprise, avec ses règles et ses contraintes. Retards, absences, comportements, tenues vestimentaires… Lors de la rédaction du règlement intérieur, les jeunes se sont imposé eux-mêmes les limites à ne pas franchir. Insultes, violence physique, harcèlement moral et racket sont motifs d’exclusion. « En cas de dépendance à un produit illicite, alcool, drogue, médicaments, le participant devra être dans un état lui permettant de suivre la formation. Si ce n’est pas le cas, le référent devra lui dire de rentrer chez lui », est-il précisé. En dehors de l’apprentissage de leurs droits et devoirs en collectivité, les ateliers se focalisent sur le quotidien. Comment gérer un budget, louer un logement, être couvert par la Sécu ou manger équilibré à moindre coût. Tous les mercredis après-midi, les jeunes partent à la rencontre d’institutions telles que les associations dédiées à la jeunesse, les agences d’intérim ou les bailleurs sociaux et se consacrent à leurs démarches personnelles. « On a concentré en quelques semaines ce que les parents pouvaient transmettre mais ne font pas. Nous leur donnons des repères pour qu’ils accèdent à l’autonomie et on vérifie que tout est en ordre avant leur insertion professionnelle. Si le jeune est confronté à un problème personnel, il a peu de chances d’accéder à un emploi », souligne Marie-Christine Telléchéa, référente sociale à la mission locale.

Savoirs de base. Savoir compter, lire, écrire, mais aussi se présenter à un entretien, rédiger CV et lettres de motivation.Pendant ces temps d’information, les conseillers reprennent les savoirs de base avant de présenter les jeunes à des recruteurs.Parrains de la garantie jeunes, ces derniers ont une place centrale dans le dispositif. Tout au long de l’année, des chefs d’entreprise sont invités à témoigner de leurs ex­périences, à faire découvrir leurs métiers, mais aussi à proposer des stages et des visites d’entreprises. Aide à la personne, bâtiment, transport, industrie, associations ou école de gendarmerie, les secteurs représentés seront larges afin de répondre aux aspirations de tous. « Certains jeunes n’ont jamais vu leurs parents travailler et ils n’ont eu qu’un contact négatif avec l’entreprise. De leur côté, les employeurs doivent baisser leurs critères de recrutement. Il faut donc multiplier les rencontres pour faire changer le regard », estime Pierre Bassot.

À l’issue de l’accompagnement collectif, ce mois-ci, les jeunes mettront un premier pied dans l’emploi. Ces stages leur permettront de peaufiner leur projet et de mesurer l’écart entre leurs compétences et celles attendues. « C’est l’occasion pour eux de trouver leur vocation. Comme le transport souffre d’une mauvaise image, on reçoit peu de demandes de stage et on peine à intégrer plus de jeunes dans nos équipes, témoigne Éric Figlionlos, responsable de Bourrat Distribution. Pourtant, ils peuvent apporter une autre vision des choses aux collaborateurs. » Dans cette entreprise de Montluçon où la moyenne d’âge frise les 45 ans, un contrat de professionnalisation de conducteur routier pourra être signé.

Entrée en formation, CDD, CDI, intérim, emploi d’avenir…, malgré la crise économique, l’équipe est confiante pour ses recrues, qui continueront d’être encadrées par la mission locale. « On va solliciter tout type de contrat pour permettre aux jeunes de trouver un emploi et aux entreprises d’embaucher », note Nadège Thomas, conseillère. À force de créer des occasions, elles finiront bien par être payantes.

REPÈRES

13

C’est le nombre de régions françaises concernées par la garantie jeunes, déclinaison du dispositif de garantie européenne pour la jeunesse de l’UE.

600 MILLIONS

C’est le montant que l’UE doit débloquer pour les expérimentations françaises en 2014-2015.

18,6 %

C’est le taux de chômage des moins de 25 ans à Montluçon en novembre dernier.

Une mesure européenne

Un jeune actif européen sur cinq est au chômage. Pour lutter contre ce fléau dans les régions les plus touchées, le 22 avril 2013, le Conseil européen a adopté la « garantie européenne pour la jeunesse », qui vise à proposer aux moins de 25 ans une offre d’emploi, une entrée en apprentissage, un stage ou une formation dans les quatre mois qui suivent la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi. L’Europe s’est inspirée des pays exemplaires comme l’Autriche et la Finlande. L’UE a dégagé 6 milliards d’euros de son budget pour 2014-2020. Au total, l’enveloppe consacrée à cette initiative, entrée en vigueur le 1er janvier, grimpe à 45 milliards d’euros sur trois ans. Reste que bon nombre de pays traînent les pieds. À la fin 2013, seuls 11 États membres sur 28 avaient soumis leur programme d’action à la Commission européenne.

Auteur

  • Adeline Farge