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Les quartiers, grands oubliés de la diversité

Actu | À suivre | publié le : 31.12.2013 | Stéphane Béchaux

Les signataires de la Charte de la diversité sont vertueux. Sauf à l’égard des habitants des ZUS. Un bilan sujet à caution.

L’ancée en 2004 à l’instigation de Claude Bébéar, alors patron d’Axa et président d’IMS-Entreprendre pour la cité, la Charte de la diversité fêtera son dixième anniversaire en fin d’année. Mais, déjà, l’heure est aux réjouissances pour les VRP du texte. Une déclaration d’engagement qui compte actuellement près de 3 100 signataires. « Les choses s’accélèrent, le débat glisse du bon côté. De plus en plus d’entreprises considèrent que la diversité ne relève pas du sociétal, mais de la performance économique », se réjouit Stéphane Roussel, membre de la direction de Vivendi et porte-parole de la charte. « Le bilan est très encourageant, on avance, même si les signataires ne représentent que 0,1 % des entreprises en France », confirme Fella Imalhayene, secrétaire générale de la charte.

Réalisé par Inergie, le bilan 2013 des actions engagées par les entreprises signataires – 1 300 ont répondu au questionnaire – affiche quelques résultats flatteurs. On y apprend ainsi que 87 % d’entre elles ont bien mis en place une démarche diversité. Et que cette dernière s’attaque en priorité aux discriminations liées au sexe (65 %), au handicap (56 %), à l’âge (48 %) et aux minorités visibles (38 %). De quoi faire de ces sociétés de bonnes élèves hexagonales puisqu’elles annoncent des taux de femmes cadres, de travailleurs handicapés, de jeunes et de seniors supérieurs à la moyenne. Certains indicateurs, en revanche, s’avèrent très mauvais. Ainsi, seuls 23 % des dirigeants déclarent inclure dans leur politique de diversité les « personnes habitant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Un chiffre en stagnation, masquant de vrais reculs. Parmi les entreprises d’au moins 50 salariés, 21 % se disent actives en leur faveur dans les recrutements (contre 36 % en 2010) et 13 % dans la gestion des carrières (contre 25 %). Une glissade observée également pour les minorités visibles. « Ce bilan démontre que les entreprises avancent. Mais que la question des discriminations à l’encontre des habitants des quartiers populaires demeure peu prise en compte », commente François Lamy, le ministre délégué à la Ville.

Un doux euphémisme. Car, d’un point de vue macroéconomique, les chiffres sont catastrophiques. Fin 2012, le chômage ­touchait ainsi 23,1 % des actifs habitant en zone urbaine sensible, contre 10,1 % en moyenne en France métropolitaine. Des taux respectivement en hausse de 6,9 points et 3 points en cinq ans. D’après tous les experts, rien ne permet d’espérer une embellie prochaine. Quand bien même le dispositif des emplois francs – le gouvernement en espérait 5 000 en fin d’année – monterait en charge. En temps de crise, les pratiques discriminatoires ont en effet tendance à prospérer, les employeurs relâchant par ailleurs leur vigilance. « Dans les entreprises, il y a une forte tension économique au sein des directions chargées de la diversité. Leurs budgets vont baisser en 2014 », note Alain Gavand, fondateur du cabinet de recrutement éponyme.

L’efficacité de la Charte de la diversité ne peut, par ailleurs, se mesurer à la simple lecture du bilan que ses promoteurs en font. Car, dans ce processus, tout est affaire d’autodéclaration. Aucune enquête de terrain ne vient ainsi jamais corroborer les belles affirmations des dirigeants signataires. Leur seule obligation ? Remplir une fois tous les deux ans le fameux questionnaire. Preuve de la faiblesse de l’implication de certains, quelque 500 entreprises ont été supprimées des listings mi-2013 pour ne pas avoir respecté cette consigne pourtant bien peu contraignante. Autre sujet d’interrogation, le manque de formalisation des engagements. Parmi les 1 300 répondants de la dernière enquête, seuls 30 % affirment que leur démarche diversité « a été mise en place et rédigée ». Un score très faible qui, en plus, ne dit rien du sérieux de l’élaboration des plans. Sur le site Web de la charte, les entreprises (la moitié s’y emploie) peuvent ainsi communiquer leurs « actions concrètes » en matière de diversité. L’indigence de certaines réponses ne peut que laisser songeur.

Auteur

  • Stéphane Béchaux