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Idées

Les principes, l’opinion et le droit

Idées | Bloc-notes | publié le : 02.11.2013 | Rose-Marie Van Lerberghe

Principes de laïcité et de non-discrimination religieuse

Dans notre société de plus en plus complexe et ouverte, on assiste sans cesse à des conflits de principes et de valeurs, à des évolutions contradictoires de l’opinion qui sont de plus en plus délicats à transcrire dans le droit. L’affaire Baby Loup vient de connaître un rebondissement saisissant dont l’impact pourrait largement dépasser le cas de cette crèche privée. L’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars sanctionnait une différence radicale entre public et privé : si, dans les services publics, le principe de laïcité interdit le port de signes religieux ostentatoires, notamment le voile, le principe de non-discrimination religieuse interdirait au contraire dans les entreprises privées ou les associations de licencier des personnes pour ce motif, même dans les cas où le règlement intérieur est très clair. Les réactions à cet arrêt avaient été vives et d’aucuns avaient suggéré la nécessité d’une loi, au moins pour les organismes privés exerçant des missions comparables à celles du public, comme l’accueil de la petite enfance. Or il s’avère qu’en général les entreprises privées démontrent leur capacité à trouver des solutions concrètes et adaptées à ce sujet, et l’Observatoire de la laïcité a majoritairement rejeté l’idée d’une loi.

La résistance de la cour d’appel de Paris

L’arrêt de la Cour de cassation renvoyait l’affaire au fond à la cour d’appel de Paris. Or le procureur général auprès de cette cour vient de proposer, fait assez rare, de « résister » au jugement de la Cour de cassation en considérant que « la liberté de conscience et de religion ne protège pas n’importe quel comportement motivé par des considérations d’ordre religieux ou philosophique ». Si, selon toute vraisemblance, cette position est confirmée par la cour d’appel de Paris, ce sera à la Cour de cassation, en assemblée générale, de trancher à nouveau la question. Elle pourrait bien retenir un avis différent de sa seule chambre sociale, entraînant ainsi une évolution de la jurisprudence, comme elle le fit récemment dans le domaine de l’environnement avec l’arrêt Total.

Protection des salariés et liberté du travail

Le débat récent sur le travail du dimanche n’est pas le premier du genre. Ce qui frappe, c’est l’évolution des esprits sur ce sujet et le fait que la voix des syndicats a perdu de sa force. Classiquement, ces derniers expliquent que l’impact sur l’emploi serait à peu près nul puisque la capacité de consommation n’est pas extensive et que ce qui serait acheté le dimanche ne serait pas acheté en semaine. Donc que les créations apparentes d’emplois seraient immanquablement compensées par des pertes d’emplois ailleurs. L’autre argument est la défense des intérêts de salariés auxquels la libéralisation du travail dominical risque d’imposer des contraintes sans les contreparties adéquates.

Cette fois, la voix dominante a été celle de la liberté du travail, de la liberté de choix des individus, avec la mise en scène de salariés réclamant de pouvoir continuer à bénéficier de compléments de salaire ou d’horaires leur permettant par ailleurs une autre activité. On s’est à cette occasion largement gaussés de la complexité de notre droit sans comprendre qu’elle provient précisément des dérogations au principe de l’interdiction du travail le dimanche. La seule façon de simplifier le droit serait de supprimer cette interdiction…, ce qui poserait bien d’autres problèmes, nos concitoyens étant majoritairement d’accord pour le travail dominical, mais pour les autres.

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe