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Opération survie pour le Centre d’études de l’emploi

Actu | à suivre | publié le : 02.11.2013 | Stéphane Béchaux

Immense inquiétude au sein du Centre d’études de l’emploi (CEE). Dans les tout prochains jours, ses quelque 50 salariés permanents – auxquels il faut ajouter une quarantaine de chercheurs associés – devraient connaître le sort que les ministères du Travail et de la Recherche, leurs deux tutelles, leur réservent. « Voilà déjà plus d’un an qu’on se sait en difficulté. Mais là, on craint le pire, à savoir la suppression du Centre et la dispersion de son personnel », s’alarme Anne Eydoux, représentante des salariés au conseil d’administration. Les tempêtes, pourtant, le CEE connaît. Au cours de la dernière décennie, cette officieuse Maison des sciences du travail – elle abrite ergonomes, sociologues, statisticiens, économistes… – a connu pas moins de quatre patrons, trois périodes de vacance de direction et une grave crise de management. Mais sans jamais risquer le naufrage.

Cette fois, si. Car le CEE connaît de très sérieuses difficultés budgétaires, ayant pour origine le remboursement par Bercy d’un trop-perçu de TVA. Un pactole de 3,9 millions d’euros qui a conduit le ministère du Travail, son unique financeur, à réduire drastiquement sa subvention annuelle, en 2011. Une mesure initialement transitoire, mais qu’il entend bien pérenniser en ces temps de disette. Résultat, avec 4 petits millions d’euros de budget pour 2014, contre plus de 6 voilà cinq ans, le CEE n’est plus viable en l’état. Un constat qui, aux yeux de la Rue de Grenelle, plaide pour une remise à plat de sa gouvernance. Au centre du viseur, le statut d’établissement public administratif dont jouit l’organisme depuis 1986, qui lui offre une très grande autonomie mais au prix de frais de fonctionnement trop lourds.

Principal scénario retenu par le cabinet de Michel Sapin, l’intégration du CEE, sis à Noisy-le-Grand, au sein de l’université voisine de Marne-la-Vallée. Pour en faire un grand labo, sur lequel le ministère du Travail garderait un œil. Défendue par le patron de la Dares – qui dépend de la même ligne budgétaire que le CEE… –, cette option rencontre de nombreux opposants. Au printemps, Mireille Elbaum, professeure au Cnam, l’a ainsi « fermement » rejetée dans un rapport remis aux deux tutelles de l’opérateur. Le directeur du centre, aussi, s’en alarme. « L’idée d’un rapprochement avec l’université nous va bien, mais pas celle d’une intégration. Car si le CEE perd sa personnalité morale, sa capacité d’action propre en sera très affaiblie. Il ne pourra plus, notamment, recruter de chercheurs de disciplines et de provenances diverses », explique Jean-Louis Dayan. Une analyse partagée par Jacques Freyssinet, président du conseil scientifique. « Si le CEE se transforme en un gros laboratoire universitaire, il perd sa spécificité et disparaît du paysage », prévient-il. Un temps évoquée, la piste d’un rapprochement avec le Cereq refait surface. Mais bien tard.

La menace mobilise la communauté des chercheurs en sciences sociales et économiques. Mi-octobre, dix d’entre eux ont fait paraître une tribune de soutien à l’organisme. « Un de ces lieux rares qui tentent d’allier l’exigence scientifique avec la volonté de se saisir des enjeux du moment », y écrivent-ils. De fait, les travaux du CEE alimentent régulièrement les débats publics. À l’image de la toute récente réforme des retraites qui, dans son volet pénibilité, s’est nourrie des productions de l’unité de recherche « Âges et travail ». Rue de Grenelle, on assure que rien n’est encore acté, bien que Michel Sapin ait déjà mandaté l’Igas, mi-septembre, pour une mission « d’appui et de conseil au directeur », afin de mener une « profonde réforme conduisant à renforcer les liens avec l’université ». Quelle que soit la décision finale, le temps presse. Le conseil d’administration du centre doit en effet voter son budget pour l’an prochain. Et son conseil scientifique, dans l’expectative, n’a toujours pas délibéré sur le programme de recherche pour la période 2014-2018.

Auteur

  • Stéphane Béchaux