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Idées

Le retour d’une critique sociale

Idées | Culture | publié le : 04.10.2013 | Anne Fairise

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Le retour d’une critique sociale

Crédit photo Anne Fairise

Plusieurs auteurs de la jeune garde se saisissent de la crise et amorcent une réflexion sur la société actuelle.

Un air de révolte plane sur la rentrée littéraire, où plusieurs auteurs de la jeune garde se saisissent de la crise sociale, sans sacrifier la forme. Yannick Haenel fait brûler Paris dans les étonnants et poétiques Renards pâles (éd. Gallimard, 16,90 euros), qui s’ouvrent sur un déclassement volontaire. Celui de Jean Deichel, son personnage fétiche, 43 ans et trop de mois aux Assedic, qui quitte sa chambre de bonne pour s’installer dans une voiture. Entre « ceux qui se tuent au travail » et « ceux qui se tuent pour en trouver un », il opte pour rien. « L’idée du travail s’était éteinte, estompée dans la lumière d’une auréole ; je préférais vivre à l’écart, avec peu d’argent, sans rien devoir à personne », dit le quadra anarchiste dont on suit l’errance jusqu’à sa renaissance politique, dans l’émeute provoquée par les sans-papiers.

« Hakim se trouve dans le rassemblement comme à l’intérieur d’un cœur », répond comme en écho Loïc Merle dans son premier livre épique et foisonnant l’Esprit de l’ivresse (éd. Actes Sud, 21,50 euros), où la banlieue s’embrase, après la mort d’un vieil ouvrier, et finit par renverser le gouvernement. S’il nous fait vivre l’ivresse des changements possibles, l’auteur parle d’un roman « existentiel » plutôt que politique, centré sur l’identité. Il prend le temps d’en décrire les fondements, à travers plusieurs personnages dont il dépeint la tectonique des sentiments avec minutie, assumant des phrases de 80 lignes. Pas question non plus pour Cloé Korman, présélectionnée pour les prix Renaudot et Médicis, de simplification sur les banlieues en feu. Pour y avoir enseigné, comme Loïc Merle, elle connaît la vie des habitants et nous sert dans les Saisons de Louveplaine (éd. Seuil, 21 euros) un roman débordant de couleurs et de bruits sur la périphérie. On y suit Nour, qui quitte son village près d’Alger pour chercher en Seine-Saint-Denis son mari dont elle est sans nouvelles.

Dans Faber : le destructeur (éd. Gallimard, 21,50 euros), Tristan Garcia, en lice pour le Médicis et le Femina, décrit un homme qui n’a pas voulu « prendre la file ». Hier adulé et leader des manifs sur les retraites de 1995, aujourd’hui reclus au fond de l’Ariège en « ermite délirant ». José, l’antihéros d’Iegor Gran (l’Ambition, éd. POL, 16,50 euros), pourrait aussi passer pour un loser puisqu’il refuse les ­chemins convenus. Mais il n’est pas sans ambition : celle-ci est simplement « Play­mobil » (« foutraque, fantasque, infantile ») et non « Lego » (construite, réfléchie). Et c’est vrai, il progresse, du commerce de fèves en ligne… au professorat à do­micile. Haut les cœurs ! A. F.

Auteur

  • Anne Fairise