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Idées

La reproduction sociale renforcée

Idées | Livres | publié le : 02.04.2013 | Jean Mercier

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La reproduction sociale renforcée

Crédit photo Jean Mercier

Revenant deux décennies en arrière, Camille Peugny rappelle la thèse alors en cours parmi les sociologues : celle de la disparition des classes et de la « moyennisation » de la société. Henri Mendras avait brillamment théorisé « l’émiettement des classes sociales », voire leur disparition liée à la diminution des inégalités économiques. Cette analyse se fonde très largement sur le mouvement de recul de la reproduction sociale que l’on constatait dans les statistiques. « Au début des années 90, rappelle l’auteur, près de deux hommes sur trois et de huit femmes sur dix appartiennent à une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. » Un résultat qui illustre l’ampleur des progrès de la mobilité sociale durant les quarante années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Mais, contrairement aux conclusions qui en sont tirées, toutes les classes ne sont pas en train de se fondre dans une grande classe moyenne. Dans les sondages, de plus en plus de Français ont tendance à s’assimiler aux couches moyennes. Dans les faits, c’est beaucoup moins évident : même aujourd’hui, plus d’un emploi sur deux reste un emploi d’ouvrier ou d’employé. À l’inverse, un phénomène crucial est en train de se produire : les jeunes générations sont de moins en moins assurées d’atteindre un statut et un niveau de vie supérieurs à ceux de leurs aînés. Une dégradation qui touche en priorité les jeunes les plus fragiles. Et qui a pour effet de conforter la reproduction sociale au bénéfice des couches venant de milieux culturellement et financièrement mieux armés pour défendre leur position sociale. « En 2003 comme en 1993, les enfants nés de parents diplômés sont nettement favorisés dans l’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur », souligne Camille Peugny. Selon lui, « ce n’est pas à une stabilisation de la reproduction qu’il faut conclure, mais bien à une intensification ». Depuis une dizaine d’années, la « pénalité » liée à une origine sociale modeste a plutôt augmenté. Pour enrayer cette évolution alarmante, le sociologue propose de combattre ces inégalités dès l’école primaire. Il plaide pour une formation universelle tout au long de la vie, à base de bons à tirer durant toute sa vie professionnelle. « Un tel dispositif ferait progresser l’égalité des chances, mais surtout il ferait progresser l’égalité des « places ». » Au bout du compte, c’est à la dualité croissante de la société qu’il faut s’attaquer. Les pays nordiques l’ont fait et ont obtenu des résultats, preuve que la bataille n’est pas désespérée.

Le Destin au berceau, Camille Peugny. Éditions Seuil, collection « La République des idées ». 112 pages, 11,80 euros.

Auteur

  • Jean Mercier