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Idées

La rente contre le travail

Idées | Livres | publié le : 02.04.2013 | J. M.

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La rente contre le travail

Crédit photo J. M.

La crise de 2007 a conduit Pierre-Yves Gomez, professeur spécialisé dans l’étude de la gouvernance des entreprises, à se demander s’il n’y avait pas un fossé croissant entre « la vraie vie » et celle qu’étudient les économistes. La « financiarisation » de l’économie est aussi une manière de faire disparaître le travail des cadrans de l’économiste. Ce livre est donc le fruit de son enquête pour comprendre comment on en était arrivé là. Il met d’abord l’accent sur l’importance prise par « l’esprit de rente » par rapport à « l’esprit de travail » : « Nous produisons trois fois plus, en travaillant deux fois moins, observe l’enseignant de l’EM de Lyon, la différence permet de généraliser le versement de revenus de plus en plus déconnectés du travail : la rente s’est démocratisée. » Mais cette démocratisation a un prix, dans lequel l’auteur voit « le cauchemar de Karl Marx » : sans profits, pas de rente, moins de profits sans l’exploitation du travail, et si une majorité de la population vit en partie de la rente, sous forme de prestations sociales, cela veut dire que les salariés assurés sociaux deviennent les propres exploiteurs des salariés producteurs qui sont souvent les mêmes ! Ce qui a permis la construction de cette « économie de rente de masse » dans laquelle nous vivons désormais ; c’est la finance moderne et ses outils incompréhensibles pour le commun des mortels. « L’explosion d’innovations depuis les années 80 n’est pas due à un réveil soudain de l’intelligence humaine, analyse Pierre-Yves Gomez, elle trouve son origine et sa fin dans l’économie de rente de masse. »

Cette financiarisation a bouleversé la hiérarchie des élites dans nos sociétés, mais encore plus celle des valeurs. Pour l’auteur, la véritable fracture sociale et politique ne se situe plus désormais entre actionnaires et autres parties prenantes de l’entreprise, mais entre l’oligarchie financière et le reste du corps social. Plus grave, cette financiarisation s’est étendue au travail lui-même, qui a été « assimilé » à sa contribution au profit. « On a assisté à une normalisation comptable et financière des organisations et donc du travail », note le professeur de management. Il montre que, dans nos entreprises « sans usines », les travailleurs réels sont devenus invisibles, disparus en tant que créateurs du corps social. Pour lui, la révolution à venir serait une économie où l’on s’intéresse de nouveau au travail réel des personnes réelles, ce dont il fait son projet en conclusion.

Le Travail invisible. Enquête sur une disparition, Pierre-Yves Gomez. François Bourin Éditeur. 254 pages, 22 euros.

Auteur

  • J. M.