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Enquête

Nice, la métropole qui fait de l’ombre

Enquête | publié le : 02.04.2013 | Nicolas Lagrange

La création de Nice Côte d’Azur, seule véritable métropole au sens de la loi, bouscule les petites communes. Elles craignent d’y perdre leur identité et leur attractivité.

Trois vagues, deux bleues et une blanche, symbolisant la mer, les montagnes et le ciel…, le logo de Métropole Nice Côte d’Azur (NCA) orne 1 500 véhicules de service (eau, voirie, déchets, chasse-neige…) depuis le 1er janvier 2012, date de la création de l’entité territoriale. Né de la fusion de quatre intercommunalités, le nouvel ensemble compte 46 communes et 550 000 habitants ; il s’étend de la prome nade des Anglais au sommet du Mercantour, à 3 000 mètres d’altitude. Pour l’heure, il s’agit de la seule métropole française, un statut spécifique défini par la loi de décembre 2010. « J’ai voulu doter notre territoire des armes et de la taille qui lui permettront d’être concurrentiel dans la compétition des grandes villes européennes et de devenir la métropole la plus internationale de Méditerranée », assure Christian Estrosi, président de la métropole et député-maire UMP de Nice. Dotés du deuxième parc hôtelier de France, du deuxième aéroport français, du premier port de croisière, de six stations de ski, deuxième destination pour le tourisme et pour le tourisme d’affaires, Nice et le territoire métropolitain ont de solides atouts à faire valoir.

Autrefois dans l’ombre de Marseille, suspectée de drainer les principales sub ventions régionales, Métropole Nice Côte d’Azur s’émancipe. Riche et puissante, elle s’appuie sur un budget annuel de 1 milliard d’euros, la moitié de celui de la région Paca…, laquelle a rendu un avis défavorable à la création de ce nouvel échelon territorial, en juin 2011, le président socialiste Michel Vauzelle dénonçant une « tentation séparatiste ». « Le concept de métropole est dénaturé par l’intégration des villages de montagne, critique le socialiste Patrick Allemand, premier vice-président du conseil régional et conseiller métropolitain. La métropole a été découpée en fonction de critères politiques et sa marge de manœuvre est limitée, car la métropole a dû reprendre la dette de toutes les communes. »

Les communes perdent la main

A contrario, Christian Estrosi vante la capacité d’action nouvelle de la métropole, qui a récupéré une compétence du conseil régional, la promotion économique internationale, et deux compétences du conseil général, les transports scolaires et la voirie. La prise en charge des routes départementales simplifie les travaux dans les communes, une amélioration mise en avant par le socialiste Antoine Damiani, maire de Carros, une grande zone industrielle appartenant au territoire métropolitain. Les partisans de la mé tropole insistent aussi sur la remise aux normes des stations d’épuration, que de nombreuses communes n’auraient pas pu financer, et sur l’enveloppe de 13,5 millions d’euros versée l’an dernier au titre de la solidarité intercommunale.

« La métropole est une intercommunalité à vocation urbaine difficilement compatible avec l’identité économique et culturelle des villages ruraux, déplore pour sa part Francis Tujague, maire communiste de Contes et président de la communauté de communes du Pays des Paillons (26 000 habitants, 12 communes), à l’est de l’agglomération niçoise. L’ampleur des besoins urbains pèse sur les choix budgétaires de la métropole, les communes perdent la main sur les plans locaux d’urbanisme et le conseil général est moins en capacité de veiller à l’équi libre des territoires. » Avec notamment deux cimenteries, de beaux villages touristiques haut perchés (Lucéram, Peille), un secteur social et médico-social développé, le Pays des Paillons estime être en mesure d’assurer lui-même son développement.

Un sentiment partagé par Jean Leonetti, président d’une autre communauté d’agglomération, celle de Sophia Antipolis, située à l’ouest de l’agglomération niçoise. « Il est légitime que la Métropole NCA renforce sa dimension économique internationale, estime le député-maire UMP d’Antibes, mais l’intérêt de cette décision n’est pas perceptible pour les petites communes. » Quant au risque que la métropole fasse de l’ombre à Sophia Antipolis, notamment avec Éco-Vallée, son pôle de croissance verte, il est balayé par Jean Leonetti : « Cela fait plus de quarante ans que Sophia favorise l’émergence de nouvelles activités. Nous venons d’installer un nouveau campus des technologies de l’information et de la communication. L’Éco-Vallée, elle, est en devenir et sera centrée sur l’environnement ; les deux projets sont complémentaires. »

« La Métropole NCA n’a pas vocation à s’ériger en îlot isolé au cœur des Alpes-Maritimes », juge son président, Christian Estrosi. Ce qui ne l’empêche pas d’énumérer les efforts d’attractivité : installation d’un pôle innovation, formation et recherche au cœur de l’Éco-Vallée, incitations financières et logistiques au dépôt de brevets ou encore création du Passeport Nice Côte d’Azur pour les entreprises qui s’implantent, avec des aides à la clé. Des actions pour le futur, car les entreprises innovantes de l’Éco-Vallée, telles que PhotoFuel (technologies propres), Advansolar (abris solaires) ou Zelya Energy (conseil sur le marché de l’énergie) étaient presque toutes présentes avant la création de l’instance métropolitaine. « La métropole constitue un levier d’action important. De son côté, Sophia Antipolis bénéficie d’une solide renommée internationale, estime Jean-Noël Durvy, directeur général de la Fondation Sophia Antipolis. À long terme, il faut veiller à ce qu’il y ait une vraie complémentarité entre les différents sites. Même chose avec le pôle microélectronique de Rousset, à 45 kilomètres de Marseille. On doit développer des spécialisations fines pour éviter une concurrence intrarégionale. »

Difficile aujourd’hui de tirer un premier bilan économique et social de la Métropole NCA seulement quinze mois après son lancement. Sur les six premiers mois de 2012, l’emploi du secteur industriel a progressé de 3,2 % par rapport au premier semestre 2011, alors qu’il régressait en France, selon Christian Estrosi, et les créations d’entreprises ont été plus dy namiques. Mais ces résultats sont-ils à mettre au crédit de l’institution métropolitaine ou de l’attractivité déjà forte de l’agglomération niçoise ? À terme, de nombreux élus craignent que les flux d’emplois s’orientent davantage vers la métropole que vers les autres agglo mérations. « L’université Nice Sophia Antipolis a la particularité d’avoir deux grands pôles à Nice et Sophia et des formations délocalisées à Menton, Grasse ou Cannes, tempère Frédérique Vidal, sa présidente. Nous œuvrons ainsi à la synergie entre les grandes villes du dé partement. »

« Après avoir été critiqué, le statut de métropole est repris et conforté par l’actuel gouvernement dans le cadre de la préparation de l’acte III de la décentralisation », considère Christian Estrosi. Mais le président métropolitain affirme aussi qu’on ne pourra pas éluder le problème de la taille des régions françaises par rapport à leurs homologues européennes. Un avis qui rejoint celui de Jean Leonetti et de Patrick Allemand. Même si l’arti culation entre régions, départements et intercommunalités, elle, reste tout entière en débat.

Auteur

  • Nicolas Lagrange