logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

À Saint-Dizier, des édiles sur tous les fronts

Enquête | publié le : 02.04.2013 | Anne-Cécile Geoffroy

Économie solidaire, formation, soutien aux entreprises, rénovation, culture…, le maire et le sous-préfet jouent sur tous les tableaux pour freiner le déclin.

À Saint-Dizier, les mardis et jeudis, c’est vol de nuit pour le Rafale. À intervalles réguliers, les appareils décollent de la base aérienne 113 située à l’entrée de la vallée de la Blaise, quelques kilomètres au sud de la cité bragarde. « On ne fait plus attention. C’est même rassurant de les entendre », sourit une employée de la mairie. Avec 1 950 militaires et civils travaillant sur la base, l’armée de l’air est le premier employeur de la petite cité de 27 000 habitants. L’emploi public pèse ici plus de 31 % de l’emploi total. « Dans le nord de la Haute-Marne, chaque famille a ou a eu un militaire qui a servi ici. Le lien affectif est fort », note le colonel Jean-Pierre Montégu, commandant de la base. Ces dix dernières années, les effectifs ont grossi de 500 personnes. « En 2012, nous avons recruté localement 30 militaires du rang. En juin, avec l’arrivée du système de défense sol-air, on comptera près de 2 000 personnels militaires et civils, annonce le colonel. Cela représente une masse salariale annuelle de 45 à 50 millions d’euros. »

Une petite bouffée d’oxygène pour ce territoire marqué par la désindustrialisation et un taux de chômage à 11,2 %. « Et on a bien failli perdre la base, se souvient François Cornut-Gentille, député-maire (UMP) de Saint-Dizier depuis dix-huit ans. L’un de mes premiers dossiers a été de la sauver. Les Rafale étaient promis à Mont-de-Marsan. »

Dépeuplement. Depuis, c’est sur le front de l’emploi que le maire se bagarre. En dix ans, 3 400 emplois industriels ont disparu, mais ils constituent encore 22,3 % de l’emploi sur le territoire. Fermeture de l’usine de textile Devanlay, plan social du glacier Miko, lente agonie de l’usine de tracteurs McCormick. Rachetée il y a deux ans par l’entreprise chinoise Yto, la société compte aujourd’hui 190 salariés. Ils étaient 2 800 il y a vingt-cinq ans. À deux pas du centre, les Fonderies de Saint-Dizier sont toujours en activité. C’est ici qu’ont été coulées les entrées du métro parisien conçues par Hector Guimard au xixe siècle. Au nord, dans le nouveau parc d’activités, les terrils de sables de fonderie des Aciéries familiales Hachette et Driout (500 salariés) dominent le canal entre Champagne et Bourgogne.

Pourtant, le territoire se dépeuple. Près de 7 600 habitants ont quitté le nord de la Haute-Marne ces dix dernières années. Même les militaires rechignent à faire venir leur famille : « 400 personnes vivent sur la base et repartent le week-end, explique le colonel Montégu. Le phénomène est en augmentation. L’une des difficultés, c’est l’emploi du conjoint et les études supérieures des enfants. » Car, en dehors de quelques BTS, les jeunes Bragards doivent quitter la ville pour étudier à Reims, Nancy, Troyes.

Penser que les gens partent parce qu’il n’y a pas d’emploi, c’est une idée idiote, peste François Cornut-Gentille. On a des offres en quantité importante. S’ils quittent le territoire, c’est pour se rapprocher d’une métropole ou du bord de mer. Même Reims perd des habitants. À nous d’innover et de lutter contre les préjugés qui collent à ce territoire fragile. » Même discours au CFA Industrie. Martine Lescoat, responsable du centre, n’a qu’un problème : « Trouver des jeunes qui acceptent de se former aux métiers de l’industrie et faire en sorte qu’ils restent travailler dans les entreprises locales. » Six mois après leur sortie de formation, 93 % sont en emploi. Seul CFA à former des usineurs en Haute-Marne, il vient de s’allier au lycée public de Chaumont pour rouvrir une section d’usinage à la rentrée prochaine. « Nous devons trouver des solutions locales aux jeunes et aux entreprises. » Thilo Firchow, sous-préfet de Saint-Dizier, ne fait pas autre chose : « Mon sujet ici, c’est éviter que la situation ne s’aggrave. »

Depuis 2009, le fonds de revitalisation du territoire a versé aux entreprises locales 487 200 euros, « ce qui a permis de créer 186 emplois effectifs sur un prévisionnel de 374 emplois », comptabilise le sous-préfet. Thilo Firchow mise surtout sur l’économie sociale et solidaire. « On ne peut pas attendre que le marché s’intéresse à nous. Sur un territoire en déshérence, il faut que l’État donne aux acteurs les moyens d’innover. » À Saint-Dizier, c’est le sort des 42 salariés de l’entreprise Manathan qui mobilise en ce moment le sous-préfet. L’entreprise de mobilier industriel a mis la clé sous la porte en février. Pour sauver « les Manathan », il est allé chercher le Groupe SOS, dirigé par Jean-Marc Borello, qui s’intéresse au site. Avec la CCI et le Medef du département, Thilo Firchow monte également un pôle de coopération territoriale, industrielle et sociale. « Nous sommes en contact avec ERDF pour qu’une entreprise de l’économie sociale et solidaire reconditionne les compteurs qui seront remplacés dans les prochaines années. »

De son côté, le maire s’est attaché à rendre Saint-Dizier attractif pour les salariés. « J’ai voulu en faire la ville moyenne de proximité pour un bassin d’emploi qui va de Vitry-le-François à Bar-le-Duc et, au sud, Chaumont. » Avec son petit théâtre à l’italienne restauré il y a trois ans, son centre aquatique, la zone commerciale du Chêne Saint-Amand, un nouvel hôpital, « le seul construit en Champagne-Ardenne ces dernières années », souligne-t-il, un petit musée rouvert en février et une nouvelle salle de spectacle en construction… Même le quartier du Vert-Bois, en proie à des révoltes urbaines en 2007, a fait peau neuve. Plusieurs tours construites dans les années 60 ont été rasées. Logements sociaux et privés s’y côtoient désormais. « Saint-Dizier a longtemps été la ville faible. Aujourd’hui, nos voisines nous observent avec crainte. Si nous ne l’avions pas réveillée, ni Bar-le-Duc ni Vitry-le-François n’auraient pu le faire, et c’est tout le territoire qui en aurait pâti. En Champagne-Ardenne, aucune métropole ne fait vraiment figure de locomotive. »

La première formation bac + 3 de son histoire. Le maire estime avoir freiné le déclin. Comme preuve, il met en avant la « délocalisation » à Saint-Dizier d’un site de l’entreprise Métalux (120 salariés), fabricant de serrures, installé auparavant en région parisienne. Chez Yto, une nouvelle ligne de production de tracteurs est en phase d’installation. « L’entreprise vient de recruter un ingénieur, elle recrée un service de pièces de rechange. Nous accueillons aujourd’hui 15 apprentis alors qu’on n’en avait plus », veut se réjouir Raymond Roussinaud, le secrétaire CFDT du CE. Autres signes : l’installation d’un centre de formation professionnelle d’EDF à Saint-Dizier lié à la construction dans la Haute-Marne, à Bure-Saudron, d’un site d’enfouissement de déchets radioactifs, ou encore l’arrivée du Cnam avec une licence professionnelle « responsable de collectivités locales, de projets d’urbanisme et d’environnement ». Une implantation qui revient à l’action du sous-préfet, également professeur associé au Cnam, et qui permet à la cité bragarde d’afficher une formation à bac + 3. La première de son histoire.

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy