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Idées

L’accord et la loi : des relations tumultueuses

Idées | Bloc-notes | publié le : 02.03.2013 | Rose-Marie Van Lerberghe

ACCORD DES PARTIES ET SOUVERAINETÉ NATIONALE

Jusqu’à une période récente, on a toujours considéré en France que la loi, expression de la souveraineté nationale, devait être supérieure à l’accord des parties. C’est d’ailleurs cette tradition qui explique pour beaucoup la faiblesse des syndicats dans notre pays : difficile de devenir des acteurs crédibles et responsables quand il n’y a pas suffisamment d’enjeu. En France, nous admirons la qualité du dialogue social et le sens des responsabilités des syndicats dans les pays nordiques, mais cela tient essentiellement à la volonté commune des partenaires sociaux dans ces pays d’éviter toute intervention de l’État dans les relations du travail.

LA RÉFORME DE LA REPRÉSENTATIVITÉ ET DE LA VALIDITÉ DES ACCORDS

Sous le gouvernement précédent, la volonté de responsabiliser les syndicats avait conduit, à partir de la position commune, à la réforme de la représentativité et des règles de validité des accords. On observera que l’accord du 11 janvier a encore été conclu sous l’empire de l’ancienne législation (validité en cas de signature de trois syndicats sur cinq). L’annonce du résultat des élections qui donnera le poids respectif des organisations syndicales au niveau national se situe fort opportunément après la conclusion de l’accord et probablement sa transposition législative. Or il ne serait pas étonnant que la CGT et FO représentent à elles seules plus de 50 %, ce qui, dans le futur système, leur donnerait le droit d’opposition.

LA TENTATION LÉGISLATIVE

Le gouvernement Fillon s’était déjà engagé à faire précéder les lois concernant les relations du travail par des négociations et à respecter l’accord qui en résulterait. Mais on se souvient du tollé qu’avait provoqué la décision du ministre du travail de l’époque, Xavier Bertrand, de raccrocher une mesure concernant le temps de travail à la transposition d’un accord qui avait soigneusement évité le sujet. Preuve que la tentation de l’État d’intervenir est une constante dans notre pays.

QU’EN SERA-T-IL POUR L’ACCORD DU 11 JANVIER ?

Le gouvernement a indiqué sa volonté de respecter scrupuleusement l’équilibre de l’accord en s’engageant à soumettre le projet de loi aux partenaires sociaux. Pourtant, dans le même temps, une loi est annoncée qui obligerait les industriels à revendre leur site plutôt qu’à le fermer. Dans l’accord du 11 janvier, les partenaires signataires se sont engagés à ce qu’une solution de reprise soit activement recherchée. L’obligation de revendre un site va beaucoup plus loin : sans même parler du droit constitutionnel de propriété, elle méconnaît les réalités économiques. Il y a deux lectures de cette annonce : manœuvre pour contourner l’engagement de respect de l’accord ou, au contraire, suprême habileté permettant d’en préserver le délicat équilibre en renvoyant à un autre texte un débat qui s’annonce très passionnel dans un pays où la culture économique des citoyens mais aussi de leurs représentants est notoirement faible. Un texte qui serait susceptible d’être édulcoré ou censuré par le Conseil constitutionnel…

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe