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Idées

La maison CGT revisitée

Idées | Livres | publié le : 02.03.2013 | Jean-Paul Coulange

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La maison CGT revisitée

Crédit photo Jean-Paul Coulange

Un changement de secrétaire général à la CGT constitue un signal fort dans notre démocratie sociale. A fortiori lorsqu’il s’agit de Bernard Thibault, ancienne icône du mouvement cheminot de l’hiver 1995, qui tirera sa révérence lors du 50e congrès de son organisation. Ce n’est pourtant pas à un bilan de ses treize années passées à la tête de la confédération que s’est attelée Leïla de Comarmond, journaliste sociale aux Échos après l’avoir été à Liaisons sociales magazine, mais à une analyse fouillée, riche en anecdotes et en révélations, de l’évolution de la centrale ouvrière au cours des deux décennies écoulées. Pourquoi avoir situé le début de cette saga en 1992 ? Parce que cette période correspond au point le plus bas de la CGT, tombée à moins de 650 000 adhérents après en avoir compté 6 millions en 1946, et à l’arrivée au secrétariat général de Louis Viannet, qui est au fond le personnage central de cette enquête. Dépeint comme un « excellent porte-parole », Bernard Thibault ne s’est illustré, selon l’auteure, ni comme patron de l’organisation ni comme moteur de la transformation cégétiste. Sur ce qui fonde l’ADN actuel du syndicat, la rupture avec le Parti communiste, l’adhésion à la Confédération européenne des syndicats, la normalisation des relations avec les autres centrales au nom du « syndicalisme rassemblé », mais aussi avec le patronat, c’est le postier Viannet – et non le cheminot Thibault – qui aura laissé l’empreinte d’un grand réformateur. L’auteure ne crédite le secrétaire général sortant que de l’importantissime réforme de la représentativité syndicale et d’une appétence pour les sujets sociétaux mais mineurs (la lutte contre les discriminations, les sans-papiers…). De ce flash-back sans concession, il ressort l’incapacité chronique de la CGT à moderniser ses structures, son impuissance à imposer ses projets, comme celui de la sécurité sociale professionnelle, sa frilosité à l’égard des intellectuels… Pis, son leader actuel, pourtant plébiscité en 1999 par l’appareil, a échoué à organiser le passage de relais et à installer un successeur légitime. Dans une forme d’indulgence à l’égard de la centrale de Montreuil, Leïla de Comarmond décrit une « organisation donnée mourante il y a vingt ans qui a su puiser en elle les ressources pour déjouer les pronostics ». Mais on est en droit de s’interroger sur la perte d’influence de ce qui reste le premier syndicat français.

Les vingt ans qui ont changé la CGT, Leïla de Comarmond. Éditions Denoël. 466 pages, 24,50 euros.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange