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Tableau de bord

Comment mieux évaluer les politiques publiques ?

Tableau de bord | publié le : 02.02.2013 | Pierre-David Labani

Agnès Bénassy-Quéré Professeure à l’École d’économie de Paris, présidente déléguée du CAE. Avec Clément Carbonnier Maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise, chercheur associé au Liepp de Sciences po.

Les politiques publiques ne peuvent être évaluées à l’œil nu, à l’aide de simples corrélations et de calculs de coût par bénéficiaire. Par exemple, un rapport négatif entre dépenses de santé et état sanitaire ne signifie pas que les dépenses de santé dégradent l’état de santé des populations, mais plutôt qu’on dépense davantage, en moyenne, pour un malade que pour un individu en pleine forme. Pour évaluer l’efficacité des dépenses de santé, il va donc falloir corriger cette causalité inverse et éviter bien d’autres pièges classiques de l’évaluation. Il existe des techniques pour cela. Encore faut-il les maîtriser et, bien sûr, disposer des données adéquates qui, souvent, sont confidentielles car relatives à des individus ou à des entreprises.

Pour bénéficier de ce savoir-faire, mais aussi pour écarter tout soupçon de partialité, l’évaluation des politiques publiques doit être conduite par des experts indépendants. Les administrations concernées doivent apporter l’expertise institutionnelle nécessaire à l’évaluation sans pour autant exercer la moindre pression sur l’évaluateur, ce qui suppose par exemple qu’elles ne le choisissent pas. De même, la publication systématique des résultats de l’expertise est un gage d’indépendance.

Julien Damon Sociologue, professeur associé à Sciences po, ex-président de l’Onpes.

Souvent l’évaluation des politiques verse dans une métaphysique de l’action publique. Prophètes et donneurs de leçons pontifient sur ce qu’est et ce que n’est pas l’évaluation. La chose, en réalité, est beaucoup plus simple qu’on l’imagine. Il s’agit, d’abord, de savoir si l’on a atteint des objectifs. Et cela suppose donc, au préalable, que des objectifs aient été fixés ! Sans objectifs, l’évaluation devient une sorte d’archéologie, intéressante mais peu opérationnelle, des fins d’un gouvernement. Ce qu’il faut, c’est une doctrine, sobre et efficace, de l’évaluation. Celle-ci pourrait tenir en trois « e » : efficacité, efficience, effets.

L’évaluation consisterait, en premier lieu, à vérifier l’atteinte des résultats (efficacité). Puis à mesurer les moyens effectivement déployés (efficience). Enfin, à mettre au jour les effets sur les populations concernées, mais également auprès du grand public. On rétorquera que les politiques publiques ne doivent pas sombrer dans une « dictature de l’indicateur ». Toute la subtilité est de permettre une démocratie de l’indicateur, c’est-à-dire des données simples, fermes et consensuelles. Institutionnellement, le Centre d’analyse stratégique, rebaptisé, pourrait jouer un rôle pivot.

Sylvie Trosa Chargée de mission à l’évaluation à la Cour des comptes.

Quels blocages lever pour développer l’évaluation des politiques publiques ? D’abord celui du tropisme à juger au lieu de comprendre, ce qui veut dire mettre en évidence des effets réels, même s’ils sont partiels, sur la société et comprendre comment ces résultats se sont produits. Cela suppose que différentes disciplines travaillent ensemble, économie, sociologie, statistique, analyse des politiques publiques, car toutes ces dimensions interfèrent dans un phénomène humain. L’indépendance des conclusions est à ce prix, elle se construit. Grâce à un « diagnostic partagé » avec le plus large spectre d’acteurs, et des solutions opérationnelles. Tant que l’on restera dans la prise de positions et la négociation, il n’y aura pas d’évaluation. Enfin, l’évaluation doit être normale (obligatoire et renouvelée dans le temps), intégrée dans le cycle de management, et non un acte ad hoc dont la solitude ne peut qu’entraîner peurs, fausses interprétations et difficultés pour le politique. Au contraire, elle peut permettre de démontrer des avantages acquis non justifiés. L’évaluation est donc une culture qui suppose modestie et pragmatisme, et non l’idée qu’au fond on en connaissait les conclusions avant les travaux.

Pour en savoir plus

Marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques

www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Marche-du-travail-face-a-un-chomage-eleve-mieux-cibler-les-politiques.

La modernisation de l’action publique (MAP)

www.gouvernement.fr/premier-ministre/jean-marc-ayrault-lance-le-chantier-de-la-modernisation-de-l-action-publique.

Auteur

  • Pierre-David Labani