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Clermont-Ferrand, côté social

Des entreprises soucieuses de l’intégration de leurs salariés

Clermont-Ferrand, côté social | Métropoles | publié le : 02.02.2013 | Anne Fairise, Rozenn Le Saint

À côté des leaders industriels Michelin ou Limagrain, des PME développent des politiques RH qui cherchent à anticiper des difficultés de recrutement ou de transmission des compétences.

Quand, en 2009, la crise a fait sentir ses premiers effets dans la zone industrielle du Brézet, la plus importante de Clermont-Ferrand, une poignée d’entreprises ont mis leurs salariés à la disposition d’autres sociétés, pour éviter de s’en séparer. Ainsi vont les entreprises locales. Si elles ne travaillent pas avec acharnement leur « marque employeur », cela ne les empêche pas de veiller à leurs équipes. À l’image de Michelin et de Limagrain, qui soignent l’intégration des nouveaux venus.

Limagrain travaille sa cohésion

L’emménagement fin 2013 dans un siège flambant neuf, au sein du Biopôle Clermont-Limagne, sera l’affaire de l’année chez le groupe coopératif, créé en 1942 dans le village de Chappes et devenu premier semencier européen, plus connu pour ses marques, comme Pain Jacquet. C’est tout un symbole pour Limagrain, détenu par 3 500 agriculteurs auvergnats, qui vit une internationalisation rapide de ses activités. Sur les 7 800 salariés dans 42 pays (des chercheurs pour 20 % d’entre eux), la moitié réside en France et 15 % en Auvergne. « L’internationalisation ne se fait pas au détriment de la France : les effectifs français ont progressé de 25 % depuis 2008 », souligne Catherine Pennec, DRH groupe, qui prévoit de 300 à 400 embauches cette année. Le groupe vise d’ici à 2015 les 2 milliards de chiffre d’affaires (1,7 milliard en 2011) et, d’ici à 2017, les 10 000 salariés !

Autant dire que le semencier étoffe sa politique RH. « L’enjeu est de maintenir un lien très fort entre nos salariés et nos adhérents agriculteurs, et de les faire participer au changement de dimension du groupe », résume la DRH, qui veut concilier ancrage auvergnat et dimension internationale. Pour suivre au plus près l’évolution des métiers – et alimenter le catalogue de formations – et celle des carrières des managers ou des cadres, les DRH des 14 business units dans le monde se réunissent tous les trois mois. Le groupe coopératif a formalisé, par une charte, sa politique de mobilité et lance une Académie Limagrain, dont les formations seront ouvertes aux adhérents. En projet aussi, la révision du parcours d’intégration de trois jours, pendant lesquels les bac + 5 de tous pays, recrutés depuis un an, rencontrent en Auvergne la direction générale, visitent usines, laboratoires et exploitations. Il sera proposé aux plus anciens, et moins qualifiés.

VVF fidélise les saisonniers

L’Auvergne a beau n’accueillir que 10 % des 103 VVF Villages, l’ensemble des ressources humaines du leader du tourisme social et familial est géré depuis le siège clermontois. Même s’il n’est pas confronté à de vives difficultés de recrutement, par la force de sa grille salariale, les premiers échelons étant payés 10 à 15 % au-dessus du smic, VVF Villages a voulu anticiper et « déprécariser » les conditions d’emploi de ses 3 200 saisonniers. Depuis 2010, l’accès au statut de « saisonnier titulaire » est plus rapide : obtenu au bout de deux saisons dans le même village et au même poste, il leur permet de bénéficier, comme les permanents, du treizième mois, de la prime d’ancienneté… VVF Villages a mis en place un régime de mutuelle et de protection sociale à l’année, avec une prise en charge des cotisations patronales hors contrat. L’opérateur, qui a lancé un campus interne pour former 10 directeurs de village, CDI à la clé, s’est aussi engagé à recruter 300 jeunes en emploi d’avenir. Ils débuteront comme polyvalents dans l’animation, la restauration, l’hébergement, avant de se spécialiser. « VVF fait le pari qu’après avoir découvert nos métiers ils ne les lâcheront plus », note le DRH, Didier Rembert.

Michelin diversifie ses embauches

Avec 11 500 salariés à Clermont – près de 50 % des effectifs français et 10 % des troupes mondiales –, Michelin reste l’indétrônable premier employeur privé de l’agglomération. Depuis la restructuration de 2009, assortie de 3 000 suppressions de postes hors Auvergne, pour spécialiser ses usines hexagonales, le leader mondial du pneu a stabilisé ses effectifs.

Après avoir intégré 1 000 Français en 2012, il prévoit de 700 à 800 embauches en CDI en 2013. Pour moitié des agents de maîtrise, cadres et chercheurs. Si les trois quarts rejoindront le siège social auvergnat, ses deux usines ou son centre technologique européen, tous auront droit au stage d’intégration, variant de trois jours à… trois mois pour les cadres expérimentés ! Pour découvrir en détail le groupe, son organisation, ses produits, jusqu’à passer quinze jours en trois-huit. « Un fondamental de la politique RH », selon Stéphane Roy de Lachaise, directeur du personnel France. « Il permet aux nouvelles recrues de mieux comprendre la culture Michelin, ses valeurs, et de se projeter. Nous ne recrutons pas pour un poste mais pour proposer un parcours dans la durée », précise le directeur du personnel, qui comptabilise en 2012 « six jours de formation, en moyenne, par salarié ». Afin de consolider la culture de groupe (70 sites de production dans 18 pays), ces stages intègrent aussi les cadres étrangers. Près de 300 ont résidé un mois en 2012 à Clermont.

Nouveauté depuis deux ans, Michelin diversifie ses embauches en recourant à la méthode de recrutement par simulation avec Pôle emploi. « Cela nous ouvre l’éventail de candidats. L’entreprise doit refléter la société où elle évolue », souligne le DRH, qui veut augmenter le nombre de salariées, représentant un quart des cadres et agents de maîtrise mais seuls 5 % des Bibs à la production. Symbolique, 50 % des embauches en 2012 les auront concernées.

Aussi en développement, le recours à l’alternance, avec 3 000 personnes du CAP à bac + 5, la Manufacture proposant un CDI à 40 % d’entre eux. Non contente d’avoir maintenu depuis 1924 son école d’enseignement technique, elle a enrichi les formations proposées à 130 jeunes en difficulté, à partir du CAP, à la rentrée 2012. Ce n’est pas le seul particularisme de Michelin. Pour renforcer la responsabilisation des ouvriers, le leader du pneu propose depuis fin 2012 des « ateliers de transition professionnelle » aux salariés d’un site, en s’inspirant de l’expérimentation menée en 2008 lors de la fermeture d’une usine à Toul…, pour gérer les départs !

Santerne transmet ses compétences

Même à 59 salariés, on se préoccupe de GPEC ! » Jean-Pierre Simonis, patron de Santerne Énergies, PME spécialisée à Clermont dans les travaux d’installation électrique et de chauffage, en connaît l’importance. « Toute la difficulté de nos métiers de gestion de travaux, au-delà des aspects techniques, est qu’ils s’apprennent sur le terrain. »

Confronté au départ à la retraite d’un chef de projet expérimenté, il a monté un tandem avec le technicien d’études appelé à le remplacer. Pendant six mois, chaque semaine, le duo s’est réuni pour faire le point sur les avancées de la transmission de compétences, après avoir identifié celles des deux participants. Des enseignants-chercheurs de l’ESC Clermont, associés à l’expérimentation via le Club des 1 000 entreprises citoyennes d’Auvergne, ont aidé cette filiale de Vinci Énergies à définir les facteurs de réussite : un projet identifié, l’adhésion des participants, la présence d’un superviseur externe pour les réajustements. Sans compter l’implication du chef d’entreprise. « Les réunions se tiennent sur le temps de travail. Il faut intégrer cet aménagement, sinon le quotidien prend le pas », note Jean-Pierre Simonis, qui a reconstitué un duo, avec une nouvelle recrue.

Clubs restreints mais réseau suractif

À première vue, dans Clermont-Ferrand et sa métropole, les responsables des ressources humaines n’ont pas l’embarras du choix pour trouver un cercle dédié. Le très sélect club RH du Medef Puy-de-Dôme n’ouvrant ses portes qu’aux dix plus gros employeurs du cru, il ne leur reste qu’à rejoindre le groupe ANDRH Auvergne, 60 adhérents, des PME pour l’essentiel, regroupées autour de figures locales, du semencier Limagrain au sidérurgiste Aubert et Duval. Au menu ? « Du concret » distillé lors de rencontres mensuelles avec des acteurs locaux de l’emploi. « Nous voulons permettre aux jeunes professionnels, issus de PME en pleine structuration RH, de se constituer des réseaux », note Didier Rembert, DRH de VVF Villages et nouveau président, qui n’omet pas la réflexion. Il a fait sensation en 2012 en lançant un premier séminaire RH et management, où le philosophe André Comte-Sponville a décortiqué la valeur travail devant 100 personnes.

Mais les autres occasions d’échanger ou de se former ne manquent pas. Entre les Matinales RH, qu’organise tous les deux mois l’École supérieure de commerce (ESC) avec une flopée de partenaires, ou les manifestations mensuelles du Club des 1 000 entreprises citoyennes d’Auvergne, présidé par le directeur régional de Vinci Énergies, Thierry Vallenet, qui milite pour une entreprise « citoyenne, apprenante, éthique ». De quoi plancher sur la norme ISO 2006 ou connaître les travaux de son Cercle d’innovation sociale, qui expérimente, parmi les entreprises adhérentes, des dispositifs réfléchis avec des enseignants-chercheurs de l’ESC. Sur la transmission de compétences ou l’égalité professionnelle (via une conciergerie interentreprises). « Il ne se passe pas un mois sans une manifestation nous concernant », résume un DRH. C’est la force de l’interclubs, structure informelle d’échange et de lobbying et « spécificité clermontoise », selon son animateur, Gilles Flichy. En réunissant chaque mois les 18 présidents des clubs économiques (3 800 entreprises représentées), il permet de construire un agenda fourni et d’assurer le succès des manifestations. Hors du réseau, le club RH de Pôle emploi Auvergne peine à décoller, avec une quinzaine de participants, issus de quatre départements, à chacun de ses ateliers trimestriels.

Auteur

  • Anne Fairise, Rozenn Le Saint