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Idées

Rhétorique politique et réalisme économique

Idées | Bloc-notes | publié le : 31.12.2012 | Rose-Marie Van Lerberghe

LA MISE EN SCÈNE DU RAPPORT GALLOIS

Il faut reconnaître que la mise en scène du rapport Gallois a été du grand art. On a commencé par expliquer que la compétitivité/coût ne devait pas faire oublier la compétitivité hors coût. Certaines voix à gauche se sont élevées pour nier qu’il y ait un problème de coût du travail. Avant même d’être rendu public, le rapport Gallois était désavoué sur l’une de ses principales pro positions : le choc de compétitivité et le transfert massif de charges vers l’impôt. Et le lendemain même de sa publication sort du chapeau l’idée du crédit d’impôt calculé sur la masse salariale de l’ensemble des salaires jusqu’à un montant bien plus élevé que les traditionnelles exonérations sur les bas salaires. Ce qui revient à admettre, mais sans le dire, qu’il y a en France un problème de coût du travail. Les temps ont bien changé. D’après les entourages ministériels, une des raisons qui ont amené le gouvernement à récuser le transfert de charges sociales prôné par le rapport Gallois est la crainte de le voir ra pidement compensé par des hausses de salaire consenties par les entreprises. On est loin de la conférence nationale de 1997 où était mise en avant la baisse des salaires dans la valeur ajoutée et donc l’impérieuse nécessité de les augmenter d’une manière ou d’une autre.

L’INCONVÉNIENT D’ÊTRE TROP HABILE

L’ennui, c’est que la rhétorique politique utilisée pour faire accepter cette évolution au parti majoritaire favorise tous les débordements prévisibles au Parlement sur le thème des contreparties et que la mesure, pourtant astucieuse, risque de ne pas produire tous ses effets, faute d’être bien comprise par les chefs d’entreprise. À force de vouloir emporter l’adhésion de ses alliés, le gouvernement s’est privé de bien « vendre » la mesure aux chefs d’entreprise, qui n’ont pas tous réalisé, par exemple, que c’est l’ensemble des salaires versés jusqu’au niveau retenu qui donnera lieu à crédit d’impôt et pas seulement ceux qui sont inférieurs à ce niveau. Ce qui peut changer sensiblement les anticipations attendues sur l’investissement et l’emploi.

LA MISE EN SCÈNE DE LA NATIONALISATION DE FLORANGE

L’affaire de la nationalisation de Florange s’apparente également à une mise en scène avec cette fois un partage des rôles. Dans celui du gentil défenseur des salariés, pourfendeur du capitalisme financier international, le ministre du Redressement productif. Son idée de nationalisation de Florange était surtout destinée, dans l’esprit de ceux qui ont fait mine de la prendre au sérieux, à faire plier la famille Mittal. Le Premier ministre, qui a repris la main, a bien, malgré les critiques, obtenu des concessions de Mittal et réussi à éviter un plan social, au moins dans l’immédiat. L’ennui, c’est que les salariés qui ont cru à la nationalisation se sentent trahis et que les chefs d’entreprise en France comme à l’étranger se voient confortés dans leurs préventions vis-à-vis de ce gouvernement. C’est l’avenir qui nous dira si l’habileté mise au service du réalisme économique est la bonne solution compte tenu du contexte et des mentalités.

Auteur

  • Rose-Marie Van Lerberghe