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Idées

Faut-il modifier les règles de l’épargne salariale ?

Idées | Débat | publié le : 31.12.2012 |

Alors qu’il avait promis durant sa campagne un alourdissement de la fiscalité de l’épargne salariale qui s’est concrétisé par la hausse du forfait social, François Hollande a annoncé une nouvelle législation sur la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié.

Pierre Havet Président du groupe épargne salariale-épargne retraite de l’ANDRH

Oui et non, car les dispositifs existants allient richesse et complexité. Au premier abord, les raisons de répondre par la négative sont assez nombreuses. La boîte à outils est déjà bien garnie ; beaucoup de pays nous envient cette richesse. Chaque réforme, au moins cinq au cours des dix dernières années, a compliqué les systèmes (ou en a « inventé » de nouveaux), sans qu’il en résulte un élargissement significatif du nombre de bénéficiaires de l’épargne salariale, pas plus qu’une explosion des montants placés, qui représentent toujours de l’ordre de 10 % des encours de l’assurance vie. Plus cyniquement, si une nouvelle réforme devait à nouveau s’accompagner d’évolutions telles que la hausse du forfait social, une invention de droite optimisée par la gauche, rien ne presse !

Alors, quels arguments en faveur du oui ? L’extension du nombre de bénéficiaires (secteur et fonction publics, PME de 10 à 49 salariés…) doit être considérée comme une priorité. Soit dit en passant, l’alourdissement du forfait social aurait pu être évité par l’application de cette mesure équitable d’élargissement de l’assiette ! L’incitation à un blocage des sommes résultant de la participation et de l’intéressement ne doit définitivement plus être rangée dans la catégorie infamante des niches sociales ou fiscales. Les sommes ainsi épargnées facilitent l’acquisition si onéreuse de la résidence principale, nourrissent des suppléments de retraite et s’investissent dans le développement de notre économie. Les garanties de gouvernance peuvent encore être améliorées, mais l’essentiel est d’acter une bonne fois pour toutes que les sommes versées dans un plan d’épargne pour la retraite, voire dans un plan d’épargne d’entreprise, ne supportent aucune cotisation.

En contrepartie, pour les salariés qui choisissent le versement immédiat, on pourrait admettre que la disparition de la « niche sociale » serait fondée ; rappelons qu’il n’y a pas de « niche fiscale » dans cette éventualité. Enfin, des simplifications portant sur la formule de calcul de la participation pourraient être introduites afin d’en faciliter la compréhension par les dirigeants comme par les salariés. La conséquence serait une plus grande implication de tous les acteurs dans la recherche d’amélioration des résultats et, en cas d’actionnariat, dans l’orientation des décisions stratégiques.

Daniel Gee Délégué général de Fondact

Depuis leur création, les mécanismes d’épargne salariale ont connu bien des évolutions. Si les réformes fiscales régulièrement subies par les entreprises et les salariés ont pu générer des incertitudes, force est de constater que les objectifs fondateurs de l’intéressement, de la participation et de l’actionnariat n’ont jamais été remis en cause par les gouvernements successifs, quelle que soit leur couleur politique. La dernière décennie a ainsi été riche en réformes positives, avec la démocratisation de l’épargne salariale instaurée par la loi Fabius en 2001 et la création du Perco avec la loi Fillon de 2004. On regrettera cependant la disponibilité immédiate de la participation, à laquelle s’étaient pourtant opposées les entreprises comme les organisations syndicales. Alors que les enjeux sont aujourd’hui majeurs, avec plus de 10 millions de salariés bénéficiaires, un encours de 85 milliards d’euros qui participe au finan cement des entreprises et de l’économie, plus de 3 millions de salariés actionnaires de leur entreprise, un Perco qui apporte un soutien de plus en plus significatif au financement de la retraite, est-il réellement indispensable de rebattre à nouveau les cartes ?

La réponse est oui s’il s’agit de replacer l’intéressement au plus près de l’unité de travail, de sorte que cet outil managérial permette au salarié d’influer sur l’atteinte d’un objectif, sur le montant de sa prime. Oui s’il s’agit de moderniser la formule de calcul de la parti cipation pour la rendre plus compréhensible et mieux adaptée à la structure de nos entreprises, moins capitalisées aujourd’hui car plus orientées vers les services. Oui s’il s’agit de mieux orienter l’épargne vers l’investissement productif, en particulier pour financer le développement des PME les plus créatrices d’emplois. Oui pour aider davantage les salariés à se constituer un complément de retraite afin de faire face à la baisse inéluctable du revenu de remplacement. Oui pour permettre aux membres de la fonction publique d’accéder à l’intéressement et aux plans d’épargne. Mais non s’il s’agit de remettre en cause les fondements de mécanismes qui ont fait la preuve de leur efficacité, qui se sont développés de manière harmonieuse au travers de négociations consensuelles et qui participent au financement de l’économie et à la protection des salariés pour leur retraite.

Pierre-Yves Chanu Conseiller confédéral, représentant de la CGT au comité intersyndical de l’épargne salariale

La CGT a toujours été extrêmement critique à l’égard des dispositifs d’épargne salariale, qui viennent en concurrence avec les augmentations de salaire et occasionnent des pertes de recettes importantes pour la protection sociale. En dix ans, les versements au titre de l’épargne salariale ont presque doublé, passant de 8,8 milliards d’euros en 2000 à 16,5 milliards en 2010. Leur taux de croissance annuel représente plus du double de celui de la masse salariale (6,6 % contre 3,1 %). Pour autant, nous considérons l’épargne salariale comme un élément de la rémunération des salariés. La CGT défend donc des propositions de réforme dans le sens des intérêts des salariés. Nous proposons trois pistes de réforme.

La première a trait au mode de calcul de la participation. Les salariés doivent pouvoir en bénéficier dès que l’entreprise fait des bénéfices. La participation devrait être calculée à partir du résultat comptable, et non du résultat fiscal, comme actuellement, ce qui permet de multiples dispositifs d’optimisation fiscale qui privent les salariés de la participation dans de très nombreux cas, en particulier dans les groupes. Par ailleurs, la participation devrait être distribuée dès le premier euro de bénéfices. La deuxième concerne la gouvernance des fonds. Comme il s’agit de l’argent des salariés, les conseils de surveillance des FCPE devraient être majoritairement composés de représentants de ces derniers. En outre, les modalités de représentation des salariés devraient être fondées sur les règles de représentativité des or ganisations syndicales et patronales afin de mettre en place des conseils de surveillance de taille restreinte. Car, dans la situation actuelle où toutes les entreprises doivent être représentées dans les fonds multientreprises, les conseils de surveillance sont théoriquement composés de plusieurs centaines de membres. Ces modalités permettraient par exemple aux conseils de surveillance d’exercer un droit de vote dans les assemblées générales des entreprises dans lesquelles leurs fonds sont investis, au lieu de les déléguer à des sociétés de gestion. Enfin, dernière piste, il faudrait créer des dispositifs permettant d’investir l’épargne salariale dans des fonds au service de l’emploi et du développement des territoires, notamment en mobilisant ces moyens financiers au bénéfice des PME. Cela permettrait de créer des alternatives au placement quasi exclusif de l’épargne salariale au profit de grands groupes cotés au CAC 40 ou au SBF 120.