logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Le contrat de génération vient brouiller les cartes

Dossier | publié le : 31.12.2012 | Sabine Germain, Rozenn Le Saint

Le tout nouveau contrat de génération vise à favoriser l’emploi des jeunes et des seniors. Comme l’alternance, il exige un tuteur. Mais, contrairement à elle, il n’est pas qualifiant.

Contrats de génération, d’apprentissage, de professionnalisation, emplois d’avenir… Il y a de quoi s’y perdre. Pourtant, le contrat de génération, cher à François Hollande, ne devrait pas marcher sur les plates-bandes de l’alternance. D’abord, le premier vise à stimuler l’emploi des jeunes, mais aussi des seniors, par la transmission des savoirs. « Le contrat de génération et l’alternance ne se concurrencent pas. Celui-là sera mis en place dans le cadre de la réactualisation des accords seniors, dans les grandes entreprises. Il sert avant tout à recruter, contrairement à l’alternance, dont l’objectif reste de former », observe le député PS Jean-Patrick Gille. Cette absence de diplôme qualifiant dans le cadre du contrat de génération inquiète d’ailleurs Gilles Moreau, sociologue et spécialiste de l’apprentissage à l’université de Poitiers. « Quelle forme de reconnaissance de compétences acquises aura le jeune à l’issue de son contrat de génération ? Si elles ne sont pas reconnues dans les autres entreprises, ces contrats risquent de constituer une sorte d’effet d’aubaine pour les employeurs et de se limiter à une utilité de court terme pour le jeune. »

Même différence établie par Stéphane Dime, chef de produit alternance à l’Afpa. « En alternance, la formation est réalisée dans un centre partenaire et animée par des formateurs professionnels, alors que pour le contrat de génération, elle sera assurée par des seniors peu ou pas formés. » Le contrat de génération peut éventuellement être envisagé comme une suite au contrat en alternance, mais il n’aurait pas vocation à le remplacer ou même à le concurrencer. À moins que… « Si l’objectif est de réaliser un prérecrutement et que le diplôme n’est pas une barrière à l’embauche, alors le choix entre le contrat de professionnalisation, qui a aussi pour but de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle, et le contrat de génération sera motivé par le montant des aides financières », anticipe Stéphane Dime. Interrogé par les Échos le 19 septembre, le ministre délégué à la Formation professionnelle et à l’Apprentissage, Thierry Repentin, envisage la possibilité de coupler contrat de génération et en alternance. Il estime qu’ « il ne faut pas les voir de façon opposée, mais complémentaire. Le contrat de génération sera un contrat à durée indéterminée. Cela devrait pouvoir concerner un contrat en alternance dès lors qu’il est en CDI, ainsi que les embauches en CDI à l’issue de la période d’alternance. »

Quoi qu’il en soit, les contrats de génération et ceux en alternance demandent la mobilisation de tuteurs dans l’entreprise. Faut-il s’attendre à une pénurie de salariés pédagogues aptes à la transmission des savoirs ? La crainte est repoussée par Jean-Patrick Gille : « Il suffit de former les tuteurs, en partenariat avec les Opca. Cela renforcera les liens entre les salariés dans l’entreprise. Par ailleurs, le jeune n’aura plus le sentiment de servir de bouche-trou dans l’entreprise. » Mais si, dans les grandes structures, des programmes de formation au tutorat sont facilement envisageables, cela coincera davantage dans les petites entreprises. En conséquence, ces dernières « risquent de moins mettre en place le contrat de génération », anticipe le député UMP Gérard Cherpion. Par ailleurs, « tous les seniors ne sont pas forcément des tuteurs potentiels, mais, sur le nombre, il devrait y en avoir suffisamment, à condition que des formations soient prévues. Mais attention aussi, on ne va pas transformer l’entreprise en formatrice ! » met en garde Pierre Courbebaisse, vice-président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP).

Subsiste également le problème de la reconnaissance des tuteurs. « Il faut prévoir des formes de valorisation du tutorat qui ne soient pas seulement symboliques, comme du temps libéré ou des compléments financiers, estime le sociologue Gilles Moreau. A priori, cela dépendra strictement de la volonté des entreprises… Peut-être que les grandes mettront en place des dispositifs, c’est moins probable dans les petites. » Dernière mise en garde : « On a besoin de donner de la lisibilité dans l’entreprise. Plus on met en place de dispositifs et moins les entreprises, surtout les petites, s’y retrouvent », estime Joël Mendez, directeur emploi-formation de l’UIMM. Une mission de plus pour le gouvernement.

R. Le S.

90 000

C’est le nombre de jeunes en contrat d’alternance dans les entreprises de la construction, parmi lesquels 12 000 en contrat de professionnalisation.

Niveau 5

Les contrats de niveau CAP-BEP sont ceux qui concernent le plus grand nombre d’apprentis.

20 %

C’est la part que représente le secteur de la construction dans les contrats en alternance.

Les emplois d’avenir, une formule attractive

Pour éviter le chômage, une autre option s’offre maintenant aux jeunes non qualifiés : les emplois d’avenir. Pas grand-chose à voir avec l’alternance, puisqu’il s’agit d’un CDI ou d’un CDD de longue durée à temps plein (prioritairement). Seuls les secteurs non marchands (associations, mairies, hôpitaux, etc.) ou marchands dans certains services comme ceux à la personne ou le développement durable, par exemple, peuvent embaucher des jeunes de 16 à 25 ans avec cette formule. Contrairement au contrat de génération, les compétences acquises durant ce premier emploi sont reconnues par une attestation d’expérience professionnelle.

Une concurrence pour l’alternance.

La formule est attractive pour l’employeur puisque l’État prend en charge 75 % du smic pour les structures du secteur non marchand et 35 % pour les autres. C’est à ce niveau-là que les emplois d’avenir entrent en concurrence avec les contrats en alternance. « Les aides de l’État étant très intéressantes, davantage que pour les contrats en alternance pour les secteurs concernés, il peut y avoir à la marge des substitutions », estime Pierre Courbebaisse. Pour les 16-25 ans aussi, les emplois d’avenir peuvent paraître plus séduisants. « Dans une vision à court terme, le jeune peut privilégier un emploi d’avenir à un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, et je crains que cela ait un impact sur l’alternance, prévoit Gérard Cherpion. Pourtant, un jeune qui se dirige vers l’apprentissage gagne moins, mais à la sortie il dispose d’un vrai diplôme et, dans 80 % des cas, d’une embauche. »

Auteur

  • Sabine Germain, Rozenn Le Saint