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Idées

Le cumul des profs de droit fait débat

Idées | Lecteurs | publié le : 03.12.2012 |

La publication, dans LSM n° 135 d’octobre, d’un article sur les activités complémentaires des professeurs de droit social a suscité des réactions. Nous publions ci-dessous le courrier que l’avocat Jacques Barthélémy, fondateur du cabinet éponyme et ancien professeur associé à la faculté de droit de Montpellier, nous a fait parvenir.

J’ai lu avec beaucoup d’attention votre article « La double vie des profs de droit social ». Son contenu appelle de ma part quelques remarques, dont le seul objectif est d’optimiser l’information, étant entendu que sa qualité est indiscutable. L’intervention d’universitaires relevant des disciplines du droit de l’entreprise au sein des cabinets est très ancienne. D’éminents professeurs, créateurs de véritables écoles de pensée, comme Jean Paillusseau à Rennes ou Dominique Schmidt à Strasbourg, avaient même créé le leur. Beaucoup d’entre eux interviennent dans l’arbitrage, qu’ils soient avocats ou pas. On ne peut donc isoler les « travaillistes » sous peine de ne pas appréhender le phénomène dans sa globalité. Pendant longtemps, on a considéré que les études de droit ne nécessitaient pas de confrontation avec la pratique. Dans les anciens DES, aucun stage en entreprise n’était prévu dans le cursus pédagogique. C’est pour cette raison que les « écoles » de Rennes, de Montpellier et d’Aix ont créé ensemble un diplôme d’université, le DJCE. L’intention était d’améliorer la qualité des enseignements par, d’un côté, l’intervention massive de praticiens dans l’enseignement et, de l’autre, l’intégration d’un stage en entreprise dans le cursus de ce bac + 5. C’est au demeurant en raison du succès du DJCE qu’ont été par la suite formatés sur son modèle les DESS. […]

Pour ces universitaires, privilégier le droit pour le droit ne permet pas de grandir leur discipline. Ils estiment préférable de l’utiliser, dans la culture de l’approche organisationnelle chère à Jean Paillusseau, comme instrument au service de finalités non juridiques. Surtout, la connaissance de problèmes pratiques, d’actualité ou pas, permet d’enrichir la réflexion du chercheur. De même que le fait d’enseigner permet au praticien d’améliorer sa compétence de conseil. À cet égard, la question qui se pose n’est pas celle du temps consacré par l’universitaire à des activités de conseil. Certains (probablement peu nombreux) de ceux n’ayant pas d’activités autres qu’universitaires se contentent de leurs heures de cours ! Ils sont sans nul doute moins performants que ceux qui, en plus, déploient des activités au sein de cabinets !

Le regretté Jean-Marc Mousseron avait coutume de dire : « Un universitaire est un salarié normal. Il effectue quarante heures par semaine, dont deux cents heures de cours par an ! » Il entendait par là que la qualité de l’universitaire dépend d’un investissement lourd au-delà de sa charge d’enseignement. Bien sûr, études, conférences, rapports contribuent à la réalisation de cet objectif. Mais la connaissance de la pratique par des activités de conseil également, d’autant que ce n’est pas incompatible avec la recherche pure. Surtout s’agissant de disciplines techniques. Il ne faudrait pas, en ce domaine, sombrer dans l’hypocrisie. Si on fustige les universitaires qui sont aussi avocats ou consultants, il faut faire de même à l’égard de ceux qui dirigent des collections dans des sociétés d’édition, activité qui contribue aussi, mais pas davantage, à une amélioration de la connaissance du chercheur. Puisque cette activité complémentaire se traduit habituellement par un temps de travail supérieur à la durée légale, il faut seulement éviter que l’activité de praticien nuise à celle d’enseignant […]. Non seulement ce n’est pas le cas le plus souvent, mais encore la qualité du pédagogue s’améliore du fait que son horizon de connaissances s’élargit.

J’ai été le premier à créer, au sein du cabinet qui porte mon nom, un conseil scientifique (solution copiée par de nombreux cabinets, ce qui montre son intérêt). Je suis donc bien placé pour soutenir que la participation de représentants de la doctrine y est d’autant plus productive (sur le plan de l’inventivité) si ce conseil vise la recherche à partir de la pratique. Si, en revanche, le conseil scientifique intervient dans des dossiers, il ne correspond pas à sa vocation et le cabinet fait alors de l’existence affichée de cette instance un support de marketing.

Que l’universitaire soit aussi avocat (si la loi l’autorise à cumuler les deux, c’est que l’activité de conseil ne nuit pas par principe à celle d’enseignant) ou qu’il participe aux travaux d’un conseil scientifique, cette activité complémentaire est, sauf exception, profitable à celle d’enseignant. Dit-on que l’activité de praticien des professeurs de médecine nuit à leur activité universitaire ?

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