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Idées

Un grand commis du social

Idées | Livres | publié le : 02.11.2012 |

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Un grand commis du social

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Les lecteurs de Liaisons sociales magazine connaissent bien Bernard Brunhes. Pendant plusieurs années, il leur a fait partager ses réflexions sur l’évolution des relations sociales dans notre pays au travers d’une chronique toujours pertinente et informée. Le social, il l’a pratiqué sous tous ses aspects, succédant à Jacques Delors à la tête de ce département du Plan, puis à Raymond Soubie au poste de conseiller à Matignon avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, ouvrant par la suite son propre cabinet de conseil, médiateur apprécié dans des conflits emblématiques, mais aussi, et c’est moins connu, animateur d’associations destinées aux plus démunis. Atteint d’une méchante tumeur au cerveau, il en est mort en septembre 2011, non sans avoir eu le temps, avec l’aide de ses amis, de regrouper ses souvenirs dans ce livre intitulé En mission. Il y raconte, pour commencer, longuement ses interventions de médiateur, car elles étaient à ses yeux symboliques de tout ce qu’il a recherché dans les engagements de sa vie : être un « passeur de frontières », entre l’approche intellectuelle et l’action, entre le monde de l’entreprise et l’État, entre les patrons et les syndicats… Issu d’une famille bourgeoise, promis à de belles études qui le mèneront à Polytechnique, il a pris d’emblée une orientation très différente de son père, officier de marine, devenu sénateur de la droite. À l’X, il ne rêve que de faire de l’économie, entre à l’Insee, où il va s’imposer comme le « pape » de la comptabilité nationale, auteur d’un ouvrage qui a nourri des générations de hauts fonctionnaires. Son expérience dans le cabinet Mauroy reste sans doute une des périodes les plus passionnantes de sa vie professionnelle, même s’il lui fallut parfois en rabattre sur certaines de ses positions, comme ce fut le cas pour la retraite à 60 ans, qu’il n’aurait pas voulu instituer de la façon dont elle l’a été. De cette lecture, qui ouvre aussi des portes sur des moments moins publics de la carrière de Bernard Brunhes, comme ses années de guerre en Algérie, il ressort un parfum de nostalgie pour une époque où les hommes de gauche croyaient encore qu’ils pourraient « changer la vie » en accédant au pouvoir, après en avoir été si longtemps écartés. Au lieu de quoi ils y ont découvert une école de réalisme, parfois de cynisme. Réaliste, Brunhes l’est vite devenu plus que bien d’autres, mais lui a su ne pas trahir pour autant son idéal.

En mission. Une vie engagée, Bernard Brunhes. Éditions Descartes & Cie. 196 pages, 17 euros.