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Enquête

Des salaires à prix discount

Enquête | publié le : 02.11.2012 | Emmanuelle Souffi

Le smic sert de référence aux enseignes, qui jouent sur les primes pour gonfler artificiellement les fiches de paie.

Avril, mai, juin 2011. Trois mois de conflits dans les hypers, les entrepôts et les Market. Un printemps social tumultueux comme Carrefour n’en avait jamais connu. Le signe d’un ras-le-bol de salariés qui ont le sentiment de ne pas être rétribués à la hauteur des heures accomplies. Les enseignes ont beau se prévaloir de se mobiliser pour le pouvoir d’achat de leurs clients, distribuer des jouets à Noël et de la nourriture aux plus démunis, elles restent assimilées, en interne, à des mauvais payeurs.

Le smic est la valeur étalon. Au premier échelon, on perçoit 1 480 euros brut par mois chez Cora, 1 507 euros chez Auchan, 1 637 euros chez Casino… À temps partiel, les fiches de paie dépassent rarement les 1 000 euros net. Toujours ça de pris quand on démarre dans la vie sans diplôme. Plus compliqué quand on avance en âge. Les directions ont conscience de ce retard pénalisant également pour attirer des jeunes diplômés. Aux dernières négociations annuelles obligatoires, la plupart ont lâché du lest.

Chez Auchan, l’accord signé au printemps par tous les syndicats a permis de revaloriser les deux premiers niveaux de la grille, qui concernent l’essentiel du personnel. Idem chez Cora. Car, comme dans les autres branches, les hausses successives du smic ont contribué à gommer les différences salariales, et donc à pénaliser les rémunérations un peu au-dessus. « Ça fait dix ans qu’on dénonce ce phénomène de tassement. Un nouveau embauché au libre-service va gagner 1 500 euros. Un ancien, présent depuis dix ans, 1 524 euros : 24 euros, c’est ça la reconnaissance du professionnalisme ? » s’insurge Pascal Saeyvoet, délégué syndical central FO chez Auchan.

Fini, l’ascenseur social. Chez le hard-discounter Dia, un responsable de magasin perçoit à peine 30 euros de plus qu’un employé. Pas très motivant ! « La grande distribution, qui était un ascenseur social, devient un employeur de diplômés au chômage alors qu’aujourd’hui vous restez caissière toute votre vie ! » tempête Dejan Terglav, secrétaire fédéral FGTA FO. « La possibilité de faire des carrières fondées sur l’expérience a été freinée par l’exigence d’une formation supérieure », partage Mathias Waelli, sociologue à l’École des hautes études en santé publique, qui a enquêté en immersion chez Cora. Le coup de pouce au smic de juillet a une nouvelle fois tout fait voler en éclats.

Dans ce Leclerc, en cas d’absence de plus de trois semai nes, maternité comprise, la prime d’assiduité saute

FO, majoritaire dans la branche, plaide pour des augmentations différenciées selon les niveaux. Mais la CGT et le patronat refusent. L’intéressement et la participation (entre 324 et 902 euros chez Casino, un mois de salaire chez Carrefour) permettent d’améliorer le quotidien. Mais, chez les indépendants, ils varient d’un magasin à l’autre. De 300 à… 3 000 euros chez Leclerc ! Quant aux primes, par nature, elles ne sont jamais acquises. Les caissières du Leclerc de Vandœuvre-lèsNancy (Meurthe-et-Moselle) en savent quelque chose. Leur prime de nettoyage de caisse (30 euros par mois) a été supprimée voilà deux ans. La corvée ménage, elle, est restée. Toujours en Lorraine, au moindre avertissement, la gratification liée à l’assiduité et au volontariat (500 euros par an) est amputée de 50 euros. Et, en cas d’absence supérieure à trois semaines (arrêt maladie et… maternité !), elle saute. « Ce manque de lisibilité contribue à brouiller l’image du secteur. Au final, on ne sait jamais clairement combien on va toucher », note Mathias Waelli. Opaque, le système salarial est aussi vécu parfois comme inéquitable.

Entre 2009 et 2011, le montant des 10 rémunérations les plus élevées de Casino a bondi de 17,28 % pour atteindre 3 961 340 millions d’euros, selon le bilan social. Pendant ce temps, les salaires des 33 000 employés augmentaient à peine du montant de l’inflation.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi