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Les discriminations syndicales au grand jour

Actu | Veille | publié le : 02.11.2012 | Stéphane Béchaux

Massives, les pratiques antisyndicales restent néanmoins méconnues. Pour y remédier, la Fondation Copernic veut créer un observatoire.

Les beaux discours des DRH vantant les vertus du dialogue social n’y changent presque rien. Près de quarante-quatre ans après la loi du 27 décembre 1968 relative à l’exercice du droit syndical dans l’entreprise, il ne fait toujours pas bon militer à l’usine ou au bureau. Sauf à vouloir prendre la porte ou finir au placard… « Dès qu’on se syndique, encore plus quand on prend un mandat, on entre dans l’œil du cyclone », estime Véronique Lopez-Rivoire, du secteur juridique de FO. Les salariés du privé ne s’y trompent d’ailleurs pas. Sondés, en 2008, par l’institut CSA sur les freins à la promotion, ils classent le syndicalisme en tête, devant le handicap, l’âge, l’origine et le sexe.

Intimidation, mise à l’écart, harcèlement, gel de salaire, carrière bloquée… Les pratiques discriminatoires prennent des formes très variées. Quand bien même toutes sont passibles de lourdes sanctions devant les tribunaux, pouvant aller jusqu’à trois ans de réclusion et 45 000 euros d’amende. « Dans les textes, il existe une véritable répression de cette délinquance. Mais si on rapporte les quelques condamnations prononcées chaque année, de surcroît avec sursis, aux dizaines de milliers de cas qui surviennent dans les entreprises, on est en fait dans l’impunité totale », note Emmanuel Dockès, professeur de droit à l’université Paris Ouest Nanterre. De très rares sanctions liées, en partie, au refus des victimes de saisir les tribunaux. « Les syndicalistes ne se défendent pas car on les juge plus crédibles s’ils sont eux-mêmes crucifiés par leur patron. C’est le syndrome de Jésus », décrypte Laurent Bernard, cégétiste chez Orange. « On en a fini avec ce goût du martyr. Maintenant, on défend vraiment nos militants. Nous avons des outils pour cela », nuance Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT. Pionnier de la lutte, François Clerc. Un délégué de l’usine Peugeot de Sochaux qui, voilà quinze ans, a mis au point une méthode pour comparer les carrières des salariés selon qu’ils ont, ou non, milité dans l’entreprise. Afin d’obtenir réparation du préjudice pécuniaire devant le juge.

Phénomène ancien et massif, la discrimination syndicale n’en reste pas moins une boîte noire, que sociologues, politiques et économistes n’ont jamais ouverte. « Il n’y a aucune étude ni données de bonne qualité, c’est un désert total. Cette carence pose problème pour mener des travaux », explique le chercheur Thomas Breda, de l’École d’économie de Paris. Un manque criant qui a poussé la Fondation Copernic à prendre langue avec les confédérations syndicales pour jeter les bases d’un observatoire de la répression et de la discrimination syndicales. Objectifs : mettre en lumière ces pratiques, rassembler de la documentation et impulser des travaux de recherche. Hormis la CFDT, qui n’a pour l’instant pas donné suite, les principales centrales – CGT, FO, CFTC, Solidaires et FSU – soutiennent le projet. Ce qui promet des débats très animés, la discrimination consistant parfois, pour les directions, à privilégier certains acteurs syndicaux, réputés conciliants, au détriment des autres. Encore en gestation, l’observatoire devrait voir le jour en 2013. Pour faciliter sa naissance, il peut compter sur un comité de parrainage prestigieux. En sont membres l’avocate Hélène Masse-Dessen, l’économiste Jacques Freyssinet, les profs de droit Emmanuel Dockès et Antoine Lyon-Caen, le so ciologue Michel Pialoux et le conseiller d’État Jean-Michel Belorgey.

Auteur

  • Stéphane Béchaux