La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires veut faire économiser à l’État près de 980 millions d’euros en 2012 et 3 milliards en 2013. Mais cette mesure est loin d’être neutre sur le pouvoir d’achat des travailleurs. D’après un rapport parlementaire de 2011, cette défiscalisation profitait à 9,2 millions de salariés, pour un montant moyen de 450 euros par an. Un smicard réalisant quatre heures supplémentaires par semaine jouissait d’un coup de pouce estimable de 800 euros par an. La gauche considérait cependant la défiscalisation des heures supplémentaires comme source de chômage. Selon elle, sa suppression constituerait un soutien à l’emploi. Il s’agit là d’un raisonnement erroné ; le même qui, en 2000, avait mené à la semaine des 35 heures. À volume de travail supposé fixe, si le temps de travail des actifs occupés se réduisait, davantage de personnes seraient susceptibles de travailler et le chômage baisserait. Or le travail et la consommation des uns génèrent de l’activité pour les autres. Dans le contexte actuel, la refiscalisation des heures supplémentaires ne devrait donc avoir d’autre effet que d’affaiblir davantage la consommation des ménages.
Pour être efficace, une hausse ou une baisse d’impôts doit s’appuyer sur des éléments vérifiables. Or les heures supplémentaires sont facilement manipulables dans les déclarations dès lors que l’employeur et l’employé se sont mis d’accord. Leur défiscalisation représentait donc une manne potentielle pour payer moins d’impôts sans avoir à travailler plus. Il suffisait pour cela de payer sous forme d’heures supplémentaires des primes autrefois fiscalisées. Avec Pierre Cahuc, nous avons évalué ce dispositif à l’aide de données individuelles : si les heures sup ont bien augmenté à partir d’octobre 2007, les heures totales effectivement travaillées n’ont pas varié. Ce phénomène est particulièrement clair pour les salariés dont les horaires sont peu contrôlables, comme les cadres, les professions intellectuelles et intermédiaires. Il y a donc eu optimisation. La suppression de cette mesure inefficace est donc une bonne chose, mais on ne doit pas s’attendre à des effets sur l’emploi : puisque la défiscalisation n’a pas eu d’impact décelable sur les heures effectivement travaillées. Elle n’a certainement pas freiné les embauches ; à l’inverse, sa suppression ne relancera pas l’emploi.
En maintenant l’exonération de charges patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés, il est possible d’imaginer que cette réforme n’aura pas d’impact sur le volume d’heures supplémentaires effectuées dans ces PME : celui-ci devrait se maintenir à plus de 310 millions par an. En revanche, pour les autres entreprises, l’incitation à un plus fort recours disparaissant, on peut supposer que ce volume diminuera en revenant en 2013 vers un niveau plus compatible avec le cycle conjoncturel : ce volume devrait revenir vers celui enregistré fin 2009-début 2010, à savoir proche de 380 millions. Au total, la baisse des heures supplémentaires pourrait être de 1,2 % en 2012 et de 5,9 % en 2013. À l’horizon 2014, si la baisse des heures supplémentaires prévue se réalise, cette réforme permettra la création ou la sauvegarde de 17 900 emplois. Ce résultat est la conséquence de deux effets de sens inverse : le premier, négatif, est lié à la baisse du pouvoir d’achat des salariés bénéficiant des heures supplémentaires (– 29 000 emplois) ; le second, positif, résulte de la réduction du recours aux heures sup dans les entreprises de plus de 20 salariés (46 900 emplois).
Faut-il revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ?
E. Heyer.
Défiscalisation des heures sup : les enseignements de l’expérience française.
P. Cahuc et S. Carcillo.
Les salaires dans les entreprises en 2007 : une forte progression.
S. Bessière et S. Depil.
Évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires.
Rapport de J.-P. Gorges et J. Mallot.
