Pour mieux prendre en compte la souffrance au travail, Xavier Luquetas, patron d’Éléas, préconise de former ensemble RH, élus du personnel et managers pour créer une conscience collective.
Comment les entreprises abordent-elles les risques psychosociaux ?
Encore trop souvent avec frilosité. Les plus grandes font faire des diagnostics mais elles ont du mal à aller au-delà des constats ou à les traduire en actions qui ne soient pas des solutions toutes faites. Nous avons rencontré des sociétés qui travaillent sur ce sujet depuis plus de dix ans et qui se sont dotées d’une direction des risques psychosociaux (RPS). Les actions qu’elles ont initiées (formation des managers, cellule d’écoute psychologique…) ne suffisent pas à réguler les risques.
Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ?
Ouvrir une ligne d’écoute est perçu comme une façon d’« externaliser » le traitement de la souffrance au travail et, paradoxalement, comme une non prise en compte par la direction des problèmes des salariés. Quant aux formations par fonction (managers, RRH, élus du personnel), elles ont souvent tendance à renforcer la stigmatisation d’une fonction au détriment d’une responsabilisation collective. Les managers ne se sentent pas non plus légitimes pour aborder le mal-être des collaborateurs. Or, quelle que soit l’origine des RPS, ceux-ci finissent toujours par « frotter » avec le monde du travail. Si l’entreprise ne s’en soucie pas, on arrive à des situations de crise, à la maladie, au contentieux.
Que proposez-vous ?
Il faut faire accepter par les directions qu’une organisation de travail puisse être cause de mal-être. Il faut aussi articuler les acteurs entre eux. Les formations préventives en silos montrent leurs limites face aux RPS. D’où l’intérêt de réunir au sein d’une même formation les différents acteurs de la prévention interne, en y associant le médecin du travail, pour que tous constatent que seul un traitement collectif est efficace. Nous préconisons aussi la création en interne d’un réseau d’écoute et de soutien composé de responsables RH, d’élus du personnel et de managers. Une de nos entreprises clientes, du CAC 40, vient de mettre en place un tel réseau. C’est une façon de créer une conscience de la prévention et d’apporter une réponse aux difficultés des salariés portée par l’entreprise.
