Sous forme d’hommage, cet ouvrage permet de revisiter Robert Castel, un de nos meilleurs penseurs du social. Le sociologue ouvre lui-même le livre par une réflexion sur son cheminement des années 60 à 2000, qui est en même temps une analyse sur ce qu’il appelle « la grande transformation » qui a traversé la société française. Il y a quarante ans, la critique sociale s’articulait inévitablement sur la référence à la classe ouvrière, qui paraissait alors « dotée d’une grande consistance et d’une certaine combativité ». Aujourd’hui, note-t-il, « une partie de l’ancienne classe ouvrière figure parmi les principales victimes de la “crise”. Ce qui domine désormais, ce sont les « incertitudes », l’idée que l’avenir contient autant, sinon plus, de menaces que de progrès en germe. Bernard Gazier suggère que la stabilisation du marché de l’emploi passe par une réforme de la relation de travail elle-même. En réponse à ces interpellations, le sociologue de la « société salariale » revient sur ce concept qui a fait une partie de sa notoriété. Deux moments forts du livre sont signés par Serge Paugam, qui poursuit son analyse de la perte du lien social, et Jacques Donzelot, liant ses idées sur la « question urbaine » à celles de Castel sur la « question sociale ». La conclusion du sociologue est un cri d’alarme face à ce qu’il nomme la stigmatisation de l’altérité : « les chômeurs “volontaires”, les assistés qui vivent aux dépens de la France qui se lève tôt, la racaille des banlieues, les immigrés, les sans-papiers, etc. ». Des thèmes en vogue sous le quinquennat Sarkozy. Robert Castel ne l’a jamais caché, son travail est aussi un engagement auprès des marginaux contre un certain ordre établi.

Changements et Pensées du changement, sous la direction de Robert Castel et Claude Martin. Éditions La Découverte. 366 pages, 27 euros.