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Enquête

Ces offres d’emploi qui ne trouvent pas preneur

Enquête | publié le : 03.09.2012 | Stéphane Béchaux

On ne compterait plus les emplois « vacants » et les offres « non pourvues ». De là à en conclure que les chômeurs font la fine bouche… Pas si simple. Même si les difficultés à recruter sont bien réelles.

À chaque hausse du chômage, ça recommence ! La figure ô combien caricaturale du chômeur français qui se la coule douce ressurgit. Vous savez, ce paresseux cor rectement indemnisé, ne rendant de comptes à personne, jamais forcé à travailler, vivant aux crochets de la solidarité nationale… Normal. Comment concevoir que des centaines de milliers d’emplois soient dits « vacants » – 300 000 ? 500 000 ? Beaucoup plus ? Beaucoup moins ? – dans un pays flirtant avec les 10 % de chômeurs et accumulant semaine après semaine les plans sociaux ?

Sauf que le problème est un petit peu plus compliqué. Et nécessite, d’abord, de s’accorder sur le diagnostic et les termes du débat. « Il faut sortir des propos de café du commerce. On confond tout, les emplois vacants et les offres non pourvues, les pénuries de recrutement et les métiers en tension. Il s’agit de questions différentes, qu’on mélange allégrement », prévient Jean-Louis Zanda, à la direction des études de Pôle emploi. Et celui-ci de tordre le cou à la notion d’emploi vacant, incomprise des employeurs français sondés, car résultant d’une expression anglaise mal traduite. « Les emplois vacants, ce sont les postes qui, à un instant donné, donnent lieu à une recherche de candidats. D’une certaine façon, plus il y en a, mieux c’est. Ça signifie que le marché du travail est dynamique », assure-t-il. Une conclusion qui ne va pas franchement dans le sens de celle des pourfendeurs du modèle social tricolore.

4 % de recherches vaines. Autre indicateur, scruté à la loupe en ces temps de débâcle économique, les offres d’emploi non pourvues. C’est-à-dire les annonces déposées à Pôle emploi par les entreprises – en 2011, l’organisme en a collecté aux alentours de 280 000 chaque mois – puis finalement retirées sans avoir donné lieu à recrutement. Depuis des années, environ 10 % des offres entrent dans cette catégorie. Peut-on en déduire que les candidats boudent un emploi sur dix ? Pas du tout ! « Une part importante, qu’on ne sait pas quantifier, correspond à des besoins qui ont disparu », répond Jean-Louis Zanda. Un phénomène observé, aussi, à l’Association pour l’emploi des cadres. « Les abandons de recrutement restent stables dans le temps, autour de 11 % des offres. Un gros tiers seulement de ces échecs est dû à l’incapacité à trouver le bon candidat. Les annonces qui ne trouvent pas chaussure à leur pied, c’est donc 4 % du total », souligne Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec.

Des chiffres qui permettent de relativiser l’inefficience du marché du travail français. Mais pas de la nier. Car les difficultés à recruter existent bel et bien. Les employeurs avouaient au printemps à Pôle emploi, qui sonde tous les ans leurs besoins, anticiper des difficultés pour… 43 % des postes proposés, contre 38 % en 2011 ! Même s’il ne s’agit que du « ressenti » des recruteurs, et non de pénuries avérées, le taux peut tout de même surprendre dans un pays abritant plus de 4,3 millions de chômeurs de catégories A, B et C.

Défaut d’anticipation, volonté que le nouvel embauché soit « opérationnel dès demain », recherche du clone de l’ancien salarié : une foultitude de raisons, qui tiennent au comportement des employeurs eux-mêmes, expliquent leur difficulté à trouver la perle rare. D’autres motifs tiennent, eux, à la qualité des offres proposées. Horaires atypiques, contrats très partiels, conditions de travail pénibles, salaires planchers, inaccessibilité des locaux via les transports en commun… Autant de paramètres que les demandeurs d’emploi prennent en compte avant de se positionner. À raison, souvent. Comment attendre d’une mère célibataire qu’elle travaille en restauration le soir ou fasse le ménage à 6 heures du matin quand elle ne dispose d’aucun système de garde ? Mais à tort, parfois. Les petits et grands patrons qui, massivement, se plaignent du manque d’assiduité de leurs jeunes recrues, de l’absence d’implication de leurs troupes, de la disparition de la culture de l’effort ne sont pas tous de fieffés menteurs.

Malade du chômage de masse, l’Hexagone ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les droits et les devoirs des entreprises comme des chômeurs. Impossible pour François Hollande de rester muet sur un tel sujet, en se contentant de donner des moyens supplémentaires à Pôle emploi. Surtout quand son adversaire d’hier, Nicolas Sarkozy, avait, lui, promis de contraindre les demandeurs d’emploi à suivre une formation qualifiante dans un secteur en tension. Avec l’obligation, ensuite, d’accepter d’y travailler.

Auteur

  • Stéphane Béchaux