L’avenir du chimiste Legré Mante était scellé d’avance. En une poignée de plans, Disparaissez les ouvriers ! nous le fait très vite comprendre. Lorsqu’on voit la situation idéale du fabricant d’acide tartrique, au pied des calanques marseillaises. Lorsqu’on constate l’état de délabrement complet des installations rongées par l’acide et recouvertes de rouille, qui en dit long sur les conditions de travail, déplorables. « Un risque de blessure tous les centimètres », résume un ouvrier. « On a mis notre vie en danger pour faire tourner une usine vouée à être fermée », commente un autre.

Cependant, la réalisatrice Christine Thépénier, costumière et documentariste, a pris tout son temps en filmant l’occupation du site, de juillet à décembre 2009, par les ouvriers opposés à la liquidation judiciaire « bidon » et à leur patron voyou. Et c’est là toute la force de son documentaire, toujours à l’affiche trois semaines après sa sortie. Plus cinématographique que militant, le film prend des allures de reconstitution de la vie des ouvriers. On les suit, seuls ou à plusieurs, sur le site à l’arrêt. On les voit réfléchir à la liquidation truquée, s’interroger sur leur condition de travailleurs, débattre de la pertinence de la stratégie syndicale. Une lutte pourtant perdue d’avance.

Disparaissez les ouvriers !, documentaire de Christine Thépénier et de Jean-François Priester (78 minutes). Sortie nationale le 9 mai.