Non, car la France est encore dans sa plus grande crise depuis 1945. Le niveau de richesse créé n’atteint que 94 % de ce qu’il était, en tendance, avant la crise. L’ajustement douloureux s’est fait non par la baisse des salaires et du smic, mais par des suppressions d’emplois. L’urgence est donc de favoriser la création d’emplois par rapport à l’augmentation des salaires et donc de limiter le coût du travail. On me répondra qu’il faut augmenter le smic pour relancer la croissance. Non, car la France subit aujourd’hui une crise majeure de compétitivité : notre déficit extérieur est de presque 4 % du PIB. La dernière chose dont la France ait besoin aujourd’hui serait une relance de la consommation. Celle-ci se transformerait immédiatement en déficit commercial supplémentaire, rapprochant l’Hexagone des crises financières que subissent la Grèce et le Portugal. Il faut aujourd’hui renforcer l’offre productive et non la demande. Enfin, rappelons que smic signifie salaire minimum interprofessionnel de croissance ; il est censé faire bénéficier le salaire minimum des gains de la croissance. Or, depuis 2008, la France n’a pas connu de croissance et n’en connaîtra pas cette année.
Pendant de nombreuses années, la France a fait le choix d’un salaire minimum élevé progressant plus vite que les gains de productivité. C’est le résultat d’un système de protection sociale qui fait assumer à la politique salariale une partie du rôle normalement dévolu à la politique de redistribution. Le corollaire est qu’aujourd’hui la France a un coût du travail au niveau du salaire minimum, presque deux fois plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE. Le smic est un très mauvais outil de lutte contre la pauvreté : il est loin d’être suffisant pour une famille nombreuse, tandis qu’il pèse sur l’emploi des moins qualifiés, notamment les plus jeunes.
De nombreuses études démontrentqu’une progression trop dynamique du coût du travail au niveau des bas salaires détruit des emplois dans tous les secteurs, particulièrement dans les services. Poursuivre cette politique est néfaste et de plus en plus coûteux pour l’État, qui compense une partie du surcoût via des allégements. Il faut plutôt utiliser le RSA activité qui, comme complément du revenu du travail variant en fonction de la situation familiale, soutient le pouvoir d’achat tout en favorisant l’emploi.
Si cette mesure peut paraître populaire et donc tentante, elle s’apparente a un cadeau empoisonné. En effet, toute augmentation généralisée des salaires entraînera mécaniquement un accroissement au moins similaire des prix à la consommation. Ce que les salariés gagneront à court terme, ils le perdront à moyen terme. Toute progression des salaires doit correspondre à une création de richesses supplémentaires, par exemple via des gains de productivité. Si tel n’est pas le cas, l’alourdissement du coût du travail ne manquera pas de casser le peu de croissance qui reste. Cela se traduira par une aggravation du chômage, donc par une détérioration du pouvoir d’achat. Nous arriverons donc au résultat exactement inverse à celui qui était escompté. Si l’on veut donner plus de pouvoir d’achat aux Français, il faut abaisser les charges qui pèsent sur les salaires et sur l’ensemble des revenus. Il serait, par exemple, opportun de diminuer la pression fiscale, et notamment la CSG, qui est devenue une « vache à lait » pour les pouvoirs publics. La baisse des charges sur les salaires est le seul moyen de relancer la machine à créer des emplois et d’augmenter les revenus.
Le smic.
L’Affaire des sept smic,
V. Chauvin, E. Heyer.
Rapport du groupe d’experts sur le smic.
Une augmentation du smic détruirait de nombreux emplois, F. Kramarz.
