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Politique sociale

La réussite scolaire, dernière mode du coaching

Politique sociale | publié le : 04.05.2012 | Adeline Farge

Angoissés par l’avenir, perdus dans le dédale de l’orientation, parents et étudiants s’adressent à des conseils privés. Du sur-mesure au prix fort, et non réglementé.

L’orientation postbac de sa fille a été une telle galère pour Sophie Laborde-Balen qu’elle a vendu son cabinet de podologie pour se muer en conseillère d’orientation. Après une formation, TonAvenir.net est sur les rails en 2009. « En France, les parents ont un problème d’information, et même si l’enfant est un bon élève, l’orientation est compliquée. » Chaque année, elle suit une centaine d’enfants, avec un pack vendu 530 euros comprenant quatre entretiens, des tests d’orientation, de graphologie, ainsi que des dates d’inscription et de journées portes ouvertes. Ce lundi, dans son cabinet de Saint-Cloud, elle reçoit Adrien, qui vient de subir un second échec en première année de médecine. Pendant cette séance à 80 euros, Sophie lui prodigue ses conseils pour bien choisir sa filière, ne pas louper le coche des inscriptions et réussir ses entretiens. « Dans mon université, les conseillers sont spécialisés en médecine. J’avais l’idée de me réorienter vers l’ostéopathie. Grâce à cette conseillère, je suis sûr de ne passer à côté de rien et de ne pas faire les mauvais choix », affirme-t-il.

Perdus dans cette jungle de l’orientation, parents inquiets pour l’avenir de leurs enfants et étudiants déboussolés sont de plus en plus nombreux à courir vers ces officines privées. De la quatrième au bac + 3, ils n’hésitent plus à investir dans un accompagnement personnalisé. « Certains parents sont anxieux quand leurs enfants sont en terminale et ils ont des difficultés à comprendre les systèmes d’inscription sur Admission Post Bac », souligne Acadomia, leader du soutien scolaire. Les familles en ont assez des conseillers débordés et des centres de documentation (CIDJ) qui ne répondent pas à leurs interrogations. « Les rendez-vous sont limités à vingt minutes et ne s’appuient que sur les notes, constate Marie-Gabrielle Charaix, diplômée de neuropsychologie et conseillère d’orientation à Acadomia. J’accompagne des personnes pour des bilans d’orientation ou des demandes ponctuelles : examens devant jury, rédaction de CV. On élabore aussi des tests de personnalité, inspirés du profilage en entreprise et employés pour les reconversions. On détermine ainsi leurs compétences et leur exploitation possible après la scolarité. » En 2011, 110 jeunes ont utilisé ces outils (389 euros le pack, 89 euros la séance).

Des bilans entre 300 et 1 500 euros. Son projet d’études de kiné abandonné, Sacha, élève de terminale au lycée Carnot, a été suivi par une conseillère psy d’orientation pendant sept mois. « Du test de mon profil, il est ressorti des projets de carrière, après des études courtes, dans la défense, le sport ou la santé, confie cet ancien rugbyman junior. J’ai pu évoquer aussi mon ressenti du lycée et mes projets d’avenir. Tout ce que je ne dis pas à mes parents. » Des conseils sur mesure qui se monnaient au prix fort. Chez Odiep, les bilans d’orientation coûtent entre 300 et 1 500 euros. Facturant 100 euros la séance à un étudiant, Philippe Vivier, créateur de Coaching-etudiant.net, ne négocie pas ses tarifs : « Je déplore que mes services soient inaccessibles aux personnes en difficulté. Mais on n’a pas une Porsche pour le prix d’une 205. » Marie Duru-Bellat préfère parler de délit d’initiés. « Lorsqu’on donne une information uniquement à ceux qui paient, c’est une pierre de plus contre l’égalité des chances », ajoute cette sociologue qui enseigne à Sciences po Paris.

Dans cette lutte acharnée pour la réussite, certains parents n’hésitent plus à offrir à leurs enfants le soutien d’un coach. « Le coaching est symptomatique de la perte de confiance dans les capacités de l’école. Il s’inscrit à la pointe des stratégies sélectives : choix des filières, d’une langue rare ou de l’établissement. Contrairement au soutien scolaire, qui permet d’éviter l’échec des plus faibles, le coach accompagne, comme dans le sport, le jeune vers l’exploit », estime François Dubet, sociologue à l’Ehess. Pas question de confondre coaching et bachotage.

« Le coaching vise à amener la personne à travailler sur un problème actuel en vue d’atteindre un objectif dans l’avenir. Cette méthode favorise la prise de conscience de ses propres ressources, les valorise afin de franchir une nouvelle étape », note Pascal Domont, président de la Société française de coaching.

Pour transformer un jeune en meneur, David Jarousseau, ancien professeur de lettres, a développé une méthode inspirée du close-combat, le fullcoaching, centré sur la communication agressive. « Le coach disparaît pour aider le jeune à acquérir ses propres réflexes et repousser ses limites. La décharge sur sac de frappe simule ainsi les conditions du stress et renforce l’aptitude à redevenir maître de soi-même. » Au moyen de jeux de rôle, la dizaine d’étudiants qu’il suit chaque semaine, à 30 euros la séance, gagne en confiance. Ce coach préconise aussi la lecture des Grands Discours du XXe siècle, de Christophe Boutin (Flammarion, 2009), pour développer la rhétorique. Selon les préceptes de Nicolas Bourgerie, leur président, les professeurs de Methodia se focalisent sur le fameux « apprendre à apprendre ». Des DRH de groupes comme Danone ou Veolia s’adressent à eux pour former managers et salariés.

Maturité émotionnelle. Consciente de la nécessité de créer une passerelle entre l’école et l’entreprise, la CCI de Paris, via son Biop, s’est lancée dans le coaching scolaire il y a quatre ans. Aux yeux de Françoise Winkelmann, responsable orientation-conseil, le terme savoir est dépassé : « La prise en charge à l’école évolue. Le livret de compétences est apparu alors qu’il était réservé à l’entreprise. Les stages de troisième et les rencontres avec les professionnels vont dans le même sens. » Pour cette coach formée au Cnam, les outils doivent être adaptés à la maturité émotionnelle.

Malgré le risque engendré par certaines prestations auprès d’un enfant fragile, cette profession n’est l’objet d’aucune réglementation. Chacun peut s’improviser coach. « Bien que peu de personnes en vivent, le coaching est perçu comme un eldorado. Une expérience dans l’enseignement et une formation sont essentielles. Seul un professionnel sait ce qui relève de l’intervention dommageable. Il existe des risques de prise d’influence », commente Pascal Domont, président de SFCoach. Philippe Vivier, qui a créé l’Association française du coaching scolaire et étudiant pour garantir la qualité des intervenants, n’est guère rassurant : « En France, une quinzaine de coachs connaissent le monde de l’enseignement. » Seulement…

Auteur

  • Adeline Farge