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Politique sociale

La job machine repart à Houston

Politique sociale | publié le : 04.05.2012 | Caroline Crosdale

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La job machine repart à Houston

Crédit photo Caroline Crosdale

Dans un Texas champion de la libre entreprise, Houston fait tourner le business. Avec pour moteur les secteurs de l’énergie et de la santé.

Signe qui ne trompe pas, les majors du pétrole, les Chevron, ExxonMobil, Shell ou Total, qui ont chacune leur gratte-ciel à Houston, ont repris de plus belle les forages autour de la ville. En 2011, 2 800 permis de forer ont été délivrés contre 1010 l’année précédente. Or, au Texas, quand le pétrole va, tout va. Dans la capitale texane, la machine à créer de l’emploi est repartie bien plus vite qu’à New York, Detroit, Los Angeles ou Chicago. « Durant la « grande récession », la métropole a perdu 116 900 emplois, rappelle l’économiste Patrick Jankowski, vice-président chargé de la recherche du Greater Houston Partnership, un club de 2 000 entreprises du cru. Mais elle est entrée en récession plus tard que les autres et, surtout, elle a commencé à rebondir dès la fin de 2009. » Pour 2010 et 2011, la balance est largement favorable, avec un solde net de 148 200 emplois. Et le taux de chômage de l’agglomération (7,6 %) est inférieur au taux moyen américain (8,3 %).

L’or rouge des hôpitaux. L’industrie pétrolière est un des deux poumons de la ville. Avec le secteur de la santé. À Houston, le Texas Medical Center, le plus grand complexe hospitalier au monde, aligne sur plus de 3 millions de mètres carrés 14 hôpitaux et 21 centres de formation et de recherche. Hôpitaux pour enfants, instituts spécialisés dans le traitement du cancer, dans celui des maladies cardio-vasculaires, en neurochirurgie… La cité hospitalière emploie en tout 250 000 médecins, infirmières, ambulanciers, agents d’entretien… Six millions de patients fréquentent chaque année cette myriade d’établissements, parmi lesquels 18 000 venus de l’étranger. Dans la salle de réception du Greater Houston Partnership, sur un montage photo en noir et blanc, le cow-boy texan voisine d’ailleurs avec l’aventurier du forage, le médecin en blouse blanche, l’astronaute de la Nasa ou encore le géant chinois Yao Ming, qui était il y a peu la vedette des Rockets, la grande équipe de basket de Houston.

Pour aider l’économie locale à se développer, les décideurs de Houston multiplient les gestes en direction des entreprises. « Le business de Houston… c’est le business », avoue la maire, Annise Parker, successeur démocrate d’une tripotée d’hommes aux tempes grisonnantes. La législation du Texas est particulièrement favorable. L’État à l’étoile solitaire porte en lui « l’ADN de la libre entreprise », assure Jeff Moseley, président du Greater Houston Partnership. Il n’y a pas d’impôt sur le revenu, les entreprises qui réalisent des infrastructures bénéficient d’allégements fiscaux ; il n’y a pas non plus de risque de faillite pour les professionnels de santé. La réforme Tort, votée en 2003, limite le montant des dommages et intérêts que peuvent obtenir les malades contre un hôpital ou un médecin. Le Texas fait également partie des right-to-work states. En clair, il n’y a pas obligation de se syndiquer pour travailler dans les entreprises locales. Cette règle du jeu réduit les possibilités d’implantation des organisations syndicales et rend plus difficile d’obtenir des augmentations de salaire.

Houston y ajoute ses propres règles. Dans la métropole, il n’y a pas de zones réservées à l’habitation et d’autres aux entreprises. « Quand un entrepreneur trouve l’endroit qui lui convient, pas besoin de s’adjoindre les services d’un avocat pour naviguer dans la bureaucratie locale. Il suffit de démarrer son activité », résume Jeff Moseley. La maire n’hésite pas à vanter les vertus du Texas en Chine, au Brésil, mais aussi dans les États voisins. « Pour vivre le rêve de la classe moyenne américaine, il faut gagner plus de 123 000 dollars par an à New York, indique Pooja Kumarhia Patel, une analyste du Greater Houston, et plus de 80 000 à Los Angeles. À Houston, 50 000 dollars suffisent. » Les Californiens sont, semble-t-il, sensibles à cet argument. En dix ans, 100 000 d’entre eux sont venus au Texas, si l’on en croit les recensements.

Le recyclage des astronautes. Même l’université publique, University of Houston, s’est mise au diapason. Son centre de recherche sur l’énergie mixe fonds publics et privés. Sans les dollars de Furukawa Electric, ABB, Westinghouse ou Emcore2, impossible pour le professeur Venkat Selvamanickam de fabriquer des câbles capables de transporter l’énergie solaire ou celle des éoliennes, cinq à dix fois plus efficaces que les conducteurs habituels. Au sein de l’incubateur Houston Technology Center, Steven Gonzalez est chargé d’aider les ingénieurs faisant partie des quelque 3 500 personnes dont s’est séparée la Nasa au cours des deux dernières années à créer leur entreprise, en s’appuyant sur les technologies spatiales. « Chaque année, dit-il, l’agence spatiale met sur le marché 200 technologies. » C’est ainsi que DreamSaver, qui utilise la technologie des tuiles de fusées, légères et très résistantes au feu, pour en faire des coffres destinés à protéger les biens précieux, a vu le jour. L’incubateur, qui assiste les start-up pendant deux ans, crée en moyenne 4 000 emplois par an.

Pour les créateurs pressés, il y a aussi Surge (la Vague). Dans une maison de briques rouges, 10 jeunes pousses du secteur de l’énergie ont trois mois pour peaufiner leur projet avec l’aide d’une centaine de mentors. Cofondateur de Surge, Kirk Coburn investit 50 000 dollars dans l’entreprise en prenant 6 % du capital et aide à la recherche de capital-risqueurs. Benjamin Mailian, l’un des fondateurs de Snugg Home, spécialisé dans les diagnostics informatiques pour faciliter les économies d’énergie dans l’habitat, fait partie du programme. Ce Français travaille avec sept autres salariés, installés sur la côte est et dans le Colorado. Surge lui apporte « le savoir-faire d’entrepreneurs d’un certain calibre ».

Vu de Surge, le secteur de l’énergie, dont la capitale texane tire 45 % de sa richesse avec le pétrole et le gaz naturel, est un vivier d’emplois pour de nombreuses années. Houston veut y croire. « L’avenir est radieux, c’est pour cela que je porte toujours des lunettes de soleil », plaisante Leonard Waterworth, le responsable du port. Du moins tant que le prix du pétrole monte…

7,6 %

C’est le taux de chômage de l’agglomération, contre 8,3 % en moyenne aux États-Unis.

Auteur

  • Caroline Crosdale