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Enquête

Le grand désarroi des syndicats

Enquête | publié le : 04.05.2012 | Stéphane Béchaux

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Taux de syndicalisation selon le statut de l’emploi (en %)

Crédit photo Stéphane Béchaux

Érosion des troupes, carence de stratégie, déficit de rapport de force : pour les syndicats, les temps sont durs. Et le manque de relève n’augure rien de bon.

Si Nicolas Sarkozy cherchait à faire l’unanimité syndicale contre lui, c’est gagné. Lors de la campagne présidentielle, le chef de l’État n’a cessé de fustiger les militants cégétistes et cédétistes, les qualifiant de « permanents » qui « trompent leurs adhérents en faisant de la politique au lieu de défendre les intérêts des salariés ». Une sacrée volte-face. Voilà trois ans, au plus fort de la crise, le président de la République louait le sens des responsabilités des mêmes organisations syndicales, capables de négocier dans l’urgence des dispositifs de chômage partiel tout en canalisant la colère et les inquiétudes des salariés. De violentes charges dénoncées par François Hollande, qui, en défenseur des « corps intermédiaires », promet de faire vivre la démocratie sociale.

La polémique n’arrange guère les affaires des leaders syndicaux. Car tous sont en panne de stratégie. Durant le quinquennat, leurs centrales se sont montrées incapables de peser sur les projets gouvernementaux. Les négociations interprofessionnelles n’ont débouché sur rien, sinon sur l’instauration de la rupture conventionnelle – dont abusent désormais les employeurs – et la réforme de la représentativité, qui exacerbe les tensions sans fortifier les acteurs. Les mobilisations unitaires de masse n’ont pas davantage porté leurs fruits. Celles du printemps 2009, en pleine envolée du chômage, ont fait pschitt ! Celles de l’automne 2010 contre la réforme des retraites n’ont pas déplacé les curseurs d’un iota. Des échecs qui ont laissé des traces. À l’automne 2011, un gros tiers seulement des Français (35 %) disaient faire globalement confiance aux syndicats, selon le baromètre du Cevipof. Un taux très médiocre, quand bien même les partis politiques font nettement pire (13 %).

Dialogue en péril. Quel que soit le nom du futur hôte de l’Élysée, les prochaines années s’annoncent ardues pour les Thibault, Chérèque, Mailly ainsi que leurs successeurs. Chômage de masse, dette abyssale, compétitivité en berne, croissance atone… Les maux dont souffre l’Hexagone ne laissent guère entrevoir de « grain à moudre ». Ni dans les branches, de moins en moins vivaces, ni au niveau interprofessionnel, où se profile déjà la délicate renégociation de la convention d’assurance chômage. Un contexte très peu porteur pour les syndicats français, beaucoup plus à l’aise pour défendre les avantages acquis des salariés en place que pour se projeter dans le monde du travail du XXIesiècle. « La qualité des acteurs est le sujet central du dialogue social. Ce problème touche les syndicats, mais sans doute davantage encore le monde patronal. Celui-ci a également de plus en plus de mal à se faire représenter par les plus dynamiques et les plus innovants », juge un haut fonctionnaire du ministère du Travail.

Dans les entreprises, le résultat n’est pas plus brillant. Avec 8 % d’adhérents, les syndicats ont les pires difficultés à assurer la relève de leurs troupes vieillissantes, toujours sur représentées dans les grandes entreprises et le secteur public. Les causes en sont multiples : montée de l’individualisme, difficultés d’insertion des jeunes dans l’emploi stable, mutations incessantes des organisations du travail, incapacité des confédérations à repenser leur organisation… Censée renforcer leur représentativité, la loi du 20 août 2008 ne les y aide guère, créant davantage de confusion que de simplification du paysage social. Résultat, les adhérents, militants et élus se font rares, s’épuisent ou s’institutionnalisent. Ce qui met en péril la qualité du dialogue social d’entreprise. De très nombreux dirigeants, notamment dans les PME, ne s’en émeuvent guère, jugeant les syndicats comme une plaie. À tort. Car tout laisse à penser qu’ils auront, dans les prochaines années, besoin de partenaires sociaux de bon niveau. Pour négocier des accords de compétitivité, repenser l’organisation du travail ou les systèmes de rémunération.

14,7 % des salariés diplômés de l’université sont syndiqués contre…

3,4 % des non-diplômés

Source: Insee, 2005.

Auteur

  • Stéphane Béchaux