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Le système attend encore sa réforme

Dossier | publié le : 04.05.2012 | Valérie Devillechabrolle, Bénédicte Foucher

Difficile de compter indéfiniment sur les complémentaires pour colmater les brèches. La crise du système de santé appelle une réforme d’ampleur. Mais le débat espéré pendant la campagne présidentielle n’a pas eu lieu.

La santé doit avoir sa place dans le débat de 2012 ! » martelait, dès septembre, la Mutualité française, fortement échaudée par la hausse de la taxe sur les conventions d’assurance et le passage en force du gouvernement sur la prise en charge de certains dépassements d’honoraires. Trois ans après la loi hôpital, patients, santé et territoires de 2009, le prochain président de la République pourra difficilement échapper à une nouvelle réforme du système de santé, que l’OMS qualifiait pourtant en 2000 de « meilleur du monde ». La médecine de ville et l’hôpital public sont en crise. Le taux de renoncement aux soins avoisine les 15,8 %. Surtout, avec 10 milliards d’euros de déficit, l’Assurance maladie est victime de la crise de 2008, qui a entraîné l’effondrement des recettes et interrompu le redressement ­engagé depuis 2004. Après l’alerte de la Cour des comptes en septembre 2011, le récent rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) enfonce le clou : « Le comblement [des déficits doit] se faire sans délai. »

En guise de réponse, les candidats à l’élection présidentielle se contentent d’avancer des propositions sur des thèmes grand public : les dépassements d’honoraires et la démographie médicale. Côté financement, on ressort les recettes habituelles : maîtrise médicalisée, baisse du prix des médicaments… En 2007, le débat promis par Nicolas Sarkozy sur la redéfinition du champ de la solidarité n’a pas eu lieu. Il est désormais renvoyé aux travaux d’un futur Haut Conseil du financement de la protection sociale. Une chose est sûre : « On ne pourra plus se contenter de taxer indéfiniment les complémentaires pour colmater les brèches du régime de base », affirme Mathias Matallah, du cabinet Jalma.

Si seul François Hollande a évoqué, au nom de l’accès aux soins, la possibilité de revenir sur la hausse de la taxe spéciale sur les conventions ­d’assurance, tous les autres candidats jurent de ne pas renchérir, conscients de la place qu’occupent aujourd’hui les complémentaires. En effet, si l’Assurance maladie prend encore à sa charge l’essentiel de la consommation de soins (75,8 %), seulement 55 % des soins de ville sont remboursés par la Sécurité sociale pour les patients – la grande majorité – qui n’entrent pas dans le champ des affections de longue durée (ALD). « Nous ne sommes plus dans un système où les complémentaires améliorent la situation des assurés à la marge, comme un luxe, affirme Étienne Caniard, le président de la Mutualité française. Nous sommes au contraire appelés à le financer de plus en plus. »

Dans son observatoire de la santé 2012, le cabinet Jalma donne une idée de l’ampleur des mesures à prendre pour éviter d’atteindre les 20 milliards d’euros de déficit attendu en 2020. « Un retour à l’équilibre impliquera des mesures bien plus radicales que le cocktail de baisses de prix et de plafonnements d’honoraires mis enœuvre depuis 2005 », prévient Mathias Matallah. La solution passerait, selon lui, par une limitation drastique des entrées en ALD – ce régime pourrait concerner 13 millions d’individus en 2020, contre 9 millions aujourd’hui –, un désengagement du régime obligatoire du « petit risque » (optique, dentaire et pharmacie à 35 %) ainsi que la suppression de la prise en charge des indemnités journalières, qui incomberait aux employeurs. Avec, à la clé, une croissance spectaculaire du reste à charge et, potentiellement, « un doublement du prix des complémentaires en cas de prise en charge à 100 % des désengagements ». Un scénario peu vraisemblable, mais qui donne clairement la tendance.

Parcours de santé. Moins tranchant dans ses positions, le HCAAM mise sur le respect d’un « parcours de santé » rigoureux qui fleure le conventionnement sélectif (remboursement uniquement de l’utile, refus de ce qui n’apporte pas d’amélio­ration du service médical rendu) et « la responsa­bilisation des acteurs, assurés compris », souligne son secrétaire général, Jean-Philippe Vinquant. Ce qui n’exclut pas un rôle accru des assureurs. Ces derniers pourraient ainsi participer à des « offres de services personnalisées de soins », proposées notamment aux malades en ALD. Par ailleurs, dans le cadre de ce parcours de santé, le HCAAM invite à débattre de l’« opposabilité des tarifs » pour les soins jugés essentiels, avec le souci d’assurer une juste rémunération des professionnels de santé et de lutter contre les dépassements excessifs.

Une des options envisagées, également étudiée de près par la CFDT et la Mutualité, consisterait à combiner les remboursements de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie complémentaire pour reconnecter les tarifs de prise en charge au coût réel des soins. Une idée contenue dans de nombreuses propositions de réforme systémique depuis le rapport Chadelat (1997) et reprise par les deux principaux candidats, Philippe Juvin, responsable de la santé à l’UMP, allant jusqu’à évoquer une complémentaire obligatoire. Les complémentaires obtiendraient les moyens de mieux gérer le risque pour agir sur les tarifs et le comportement des assurés – un domaine où, jusqu’à présent, elles sont loin d’avoir fait leurs preuves. La Mutualité se verrait notamment accorder le droit de conventionner les professionnels de santé, inscrit dans la loi Fourcade d’octobre 2010, et censuré par le Conseil constitutionnel. En contrepartie, les complémentaires s’engageraient à davantage de lisibilité sur leurs offres et leurs tarifs. Un point sur lequel insiste le PS. « Il faut voir comment favoriser des contrats sans sélection du risque, qui encouragent la qualité, la proximité et prennent en charge certains actes », déclarait en février Marisol Touraine, responsable du pôle social, santé au Parti socialiste.

Régulation par la concurrence. L’idée ne fait évidemment pas l’unanimité. Dans une partie de la famille mutualiste comme chez les assureurs, on juge plus efficace de faire jouer la concurrence pour faire baisser les prix ou de passer par des accords directs avec les professionnels. De plus, pour ses défenseurs, un tel système de régulation devrait s’accompagner, pour assurer une forme de solidarité entre assurés – bienvenue en cas de transfert massif de charges –, de mécanismes de mutualisation entre actifs et retraités ou encore d’une modulation de la fiscalité en fonction des populations couvertes. Un chantier controversé, dont l’enjeu est aussi de ne pas pénaliser massivement les contrats individuels, qui pourraient rapidement ne plus couvrir que les retraités…

D’autant que, principe de réalité oblige, aucun candidat à la présidentielle n’a remis en cause les exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les ­entreprises mettant en place des contrats collectifs. Enfin, l’échec récent des négociations sur les soins dentaires et les discussions engagées sur la label­lisation des contrats éligibles à l’aide à la complémentaire santé témoignent de cette difficulté à entrer dans une logique d’encadrement des contrats.

Le bouclier sanitaire encore dans la course ?

Défendu par Martin Hirsch, ancien haut commissaire aux solidarités actives, le mécanisme du bouclier sanitaire, qui instaure un plafond annuel de « reste à charge » au-delà duquel la Sécu rembourse tout à 100 %, n’a pas émergé dans la campagne. Seuls Laurence Parisot, patronne du Medef, et François Bayrou, candidat du MoDem, l’ont récemment évoqué. Dans son rapport, le HCAAM évacue, lui, d’emblée cette idée. Pourtant, elle fait encore son chemin, comme le confirme Jean-Pierre Door, député UMP du Loiret, qui donne « rendez-vous après la présidentielle ». Les complémentaires, potentiellement très concernées par un tel dispositif, fourbissent déjà leurs armes, comme en atteste une étude interne finalisée par un assureur. Pour allier économies et « acceptabilité sociale », il propose un système à trois étages. Le premier est composé des franchises actuelles, renforcées par de nouvelles sur les actes et recours qui n’en disposent pas actuellement (urgences hospitalières), dans la limite de la somme de 50 euros par an et par assuré. Pour l’effet vertueux, ce niveau serait inassurable par les complémentaires. Un deuxième étage constituerait l’équivalent d’un bouclier sanitaire, dont le niveau, fonction du revenu, serait divisé par deux pour les assurés en ALD. Les dépassements d’honoraires ne seraient pas inclus. Enfin, un troisième étage, au-delà du bouclier, serait pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale sur tous les actes.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Bénédicte Foucher