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Tableau de bord

Faut-il supprimer la prime pour l’emploi ?

Tableau de bord | publié le : 01.04.2012 |

Jean-Luc Biacabe Économiste, directeur de la prospective économique à la CCIP

La PPE a plein de défauts : mal ciblée, peu lisible, avec un mauvais rapport qualité/prix (incitation à travailler/coût pour les finances publiques). On peut comprendre les velléités pour la réformer. Faut-il pour autant aller jusqu’à la supprimer et redéployer les 2,5 milliards qu’elle coûte ? Pour répondre, il faudrait élargir la vision et considérer les deux leviers dont disposent les pouvoirs publics pour garantir un revenu minimum aux personnes en activité : le smic et, donc, la PPE. Celle-ci est pleinement une allocation ; le smic est un coût pour les entreprises. Son niveau trop élevé au regard de la productivité des personnes peu ou pas qualifiées induit, pour cette catégorie, un taux de chômage très élevé. Pour y remédier, les pouvoirs publics ont dû mettre en place des politiques coûteuses d’exonérations de charges sur les bas salaires ou de TVA à taux réduit pour les secteurs employeurs de smicards. Magnifique exemple d’usine à gaz à la française ! Le smic n’est donc pas le bon moyen pour lutter contre la pauvreté au travail. Reste la PPE. En la ciblant mieux (sur les personnes à temps partiel, sur les smicards…), elle pourrait bien être le bon outil pour garantir un revenu d’activité minimum.

Guillaume Allègre Économiste au département des études de l’OFCE.

Depuis la création du RSA, la PPE a été rognée. En 2008, son poids était de 4,5 milliards d’euros et un salarié à temps plein au smic touchait 1 040 euros annuels. Entre 2008 et 2012, son poids a baissé de 1,7 milliard d’euros sous l’effet du gel du barème (en 2012, un salarié à temps plein au smic ne touche plus que 825 euros annuels), de la déductibilité du RSA « activité » des primes versées de PPE, du chômage et de l’absence de coup de pouce au smic qui réduisent le nombre d’individus éligibles au taux plein. Plus faible, la PPE est toujours illisible et versée avec un décalage important du fait de son caractère fiscal. Le remplacement de la PPE par un abattement de cotisations sociales salarié tel que voté par le gouvernement Jospin en 2000 et proposé par Nicolas Sarkozy en 2012 serait une avancée. Toutefois, cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel (et remplacée par la PPE) car il avait jugé que la progressivité de la CSG devait tenir compte de la situation familiale. La fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu et son prélèvement à la source permettraient de réduire l’imposition pour les bas salaires et de contourner la censure constitutionnelle avec une mesure visible sur la fiche de paie.

Denis Clerc Économiste , membre de l’Observatoire national de la pauvreté.

Comment dépenser 2,5 milliards sans faire d’heureux ? Réponse : la PPE. Son coût est saupoudré entre plus de 7 millions de ménages. Certains se trouvent dans le cinquième des ménages les plus aisés, mais très peu dans le dixième des plus pauvres, qui, en 2009, ont perçu moins de 2 100 euros en revenus d’activité, alors qu’il en faut au moins 4 000 pour la toucher… dans la quasi-totalité des cas avec un an de décalage. La supprimer n’est donc pas une bête idée. On aurait pu le faire en la fusionnant avec le RSA « activité », en majorant le tout et en le versant aux 3 à 4 millions de travailleurs vivant dans des ménages au niveau de vie dépassant de peu le smic. C’est l’inverse qui a été fait : le RSA activité est désormais une avance sur la PPE, ce qui revient à la supprimer pour les ménages de travailleurs pauvres. La proposition du président-candidat risque fort d’accentuer le mouvement. Certes, les salariés concernés bénéficieront de 4 milliards au lieu de 2,5. Mais ce surplus ira tout entier vers les travailleurs à temps complet (toute l’année à temps plein) gagnant moins de 1,3 fois le smic. Tant mieux pour eux. Mais tant pis aussi pour ceux qui crient misère en raison d’emplois trop temporaires ou trop partiels.

Pour en savoir plus

Rapport annuel 2011 de la Cour des comptes.

www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/2_finances_publiques_depenses_fiscales.pdf.

Vérités et mensonges sur la PPE. Simon Porcher.

http://lecercle.lesechos.fr/presidentielle-2012/221143797/verites-et-mensonges-ppe.

Le blog de campagne 2012 de l’OFCE.

Guillaume Allègre.

www.ofce.sciences-po.fr/blog/?p=1400.

Le blog de Denis Clerc.

http://alternatives-economiques.fr/blogs/clerc/2012/03/05/la-confusion-presidentielle-des-sentiments.