logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Idées

L’adieu à la classe ouvrière

Idées | LIVRES | publié le : 01.04.2012 | Jean Mercier

Image

L’adieu à la classe ouvrière

Crédit photo Jean Mercier

La campagne présidentielle en apporte la preuve : la référence au vote ouvrier est devenue totalement désuète. Désormais, on parle des « classes populaires », voire du « peuple », des précaires, des « Français qui se lèvent tôt », mais plus un seul candidat ne se fait, comme naguère celui du PC, le porte-parole de la classe ouvrière. Xavier Vigna montre comment cette perte de « centralité de la classe ouvrière » est étroitement liée à la disparition de la classe ouvrière en tant que telle. C’est en 1911 que le nombre d’ouvriers en France, 6 millions, dépasse celui des agriculteurs. La Belle Époque en est une pour le développement de l’industrie, moins pour la condition ouvrière dans les usines, où la « rationalisation de l’organisation du travail » fait ses premiers pas. Le « tournant taylorien » est pris dès 1904, sous l’action d’industriels comme Louis Renault ou Marius Berliet. Ce qui va accélérer la recomposition interne de la main-d’œuvre, les manœuvres spécialisés augmentant très vite aux dépens des ouvriers qualifiés. Un des intérêts de ce flash-back est de faire apparaître le lien étroit entre cette structuration de la classe ouvrière et le développement de politiques sociales d’origine patronale, prolégomènes de l’État providence de l’après-guerre. La crise des années 30 frappe durement le monde ouvrier, mais elle fut aussi le moteur d’une prise de conscience idéologique sur laquelle le PC va bâtir son pouvoir d’influence. Xavier Vigna récuse toutefois l’image monolithique que cette hégémonie communiste a pu donner de la classe ouvrière. Les pages les plus remarquables de cet ouvrage sont celles consacrées à l’âge d’or de la société salariale, des années 50 aux années 70, qui voit le salaire ouvrier tripler en francs constants, mais au prix souvent d’une pression considérable, par le biais des heures supplémentaires et des primes de rendement. Mai 1968 fut à la fois l’apogée de cette grande époque et l’amorce de la dilution de la classe ouvrière dans le plus vaste ensemble des catégories populaires, qui s’est produite entre la fin des années 70 et le début des années 80. La question ouvrière disparaît des écrans radars malgré la victoire de François Mitterrand. Sur le terrain, les restructurations mettent à mal le mouvement ouvrier. De nouveaux clivages culturels le divisent profondément, comme le révèle l’audience croissante du Front national. Des évolutions fondamentales, qui permettent de mieux comprendre les fragilités et les tiraillements de la France d’aujourd’hui.

Histoire des ouvriers en France au xxe siècle, Xavier Vigna. Éditions Librairie académique Perrin, coll. « Pour l’histoire ». 400 pages, 24 euros.

Auteur

  • Jean Mercier