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L’alternance c’est tendance

Dossier | publié le : 01.04.2012 | Rozenn Le Saint, Mariette Kammerer

Rémunération, insertion dans l’entreprise, acquisition d’une expérience : pour les candidats à un master, l’alternance n’a que des avantages. La demande de cursus sous cette forme progresse. L’offre aussi.

Le master en alternance comme solution au chômage ? En cette période de vaches maigres, des jeunes diplômés privilégient deux années de formation supplémentaires rémunérées plutôt que l’inactivité. C’est ce qu’a choisi Jean-Baptiste Bruzac, 26 ans. Son bac + 5 en électronique ne lui a pas permis de trouver un emploi. « Quand on termine une école d’ingénieurs, vu les promesses que l’on vous fait à l’entrée, on pense trouver du travail facilement, mais ce n’est pas le cas. Avec la crise, le secteur automobile, par exemple, ne recrute pas », regrette-t-il. Il s’est donc résolu à compléter son diplôme en rejoignant l’Afti, école fondée en 1991 par des entreprises telles que Thales, Alcatel-Lucent, Orange, SFR, etc., pour former des professionnels des hautes technologies. Deux années supplémentaires pour se « donner un peu d’air ». Il est payé 1 750 euros net par mois par Thales, soit beaucoup plus que la rémunération moyenne d’un alternant, qui se situe autour de 800 euros. Avec, à la clé, « de bonnes chances d’être embauché » chez le géant de l’électronique. Une perspective bien plus réjouissante que le chômage.

Et, dans son école, il n’est pas le seul à avoir opté pour cette solution. David Petiot a cherché du travail pendant plus d’un an, mais son diplôme d’ingénieur en biotechnologies n’y a rien fait… Alors, en novembre 2011, il a intégré une première année de master en alternance en développement de logiciels. L’Afti lui a ouvert les portes d’un contrat en apprentissage chez Orange, rémunéré 1 100 euros net par mois. « C’est d’autant plus pratique que l’année commence par cinq mois de cours à Orsay (Essonne), puis nous enchaînons avec sept mois d’entreprise. La mienne se situe à Lannion (Côtes-d’Armor) ; je n’ai pas besoin de payer deux loyers en même temps, je quitterai mon logement francilien à la fin de la période de cours », se réjouit-il.

Ces facilités financières séduisent. D’autant plus en période de crise économique. Et si l’entreprise d’accueil de l’alternant met la clé sous la porte, son statut est protégé et sa rémunération maintenue. Elle prend généralement en charge les frais de scolarité, parfois exorbitants, des écoles de commerce. Un master à l’Edhec Business School, par exemple, revient à 11 200 euros l’année. « Le contrat d’apprentissage est un outil de diversité sociale », reconnaît Anne Zuccarelli, directrice entreprises et carrières de l’école, qui totalise 200 alternants, soit 15 % des effectifs totaux.

Actuellement, 600 000 personnes sont en alternance en France, et la plus forte progression concerne les étudiants de l’enseignement supérieur. Le gouvernement ne compte pas s’arrêter là puisqu’il table sur un objectif de 800 000 en 2015. Le nombre de masters professionnels prévoyant cette formule est donc appelé à augmenter, d’autant que la loi dite Cherpion du 28 juillet 2011, qui facilite le développement des contrats en alternance, notamment avec l’obligation faite aux entreprises de plus de 250 salariés de compter 4 % de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation dans leurs effectifs, a été durcie, le quota légal passant à 5 %.

Pour les moins de 26 ans, le contrat en apprentissage s’impose, et pour ceux qui ont dépassé cet âge, celui de professionnalisation prend le relais. L’étudiant signe un contrat de travail qui lui confère un véritable statut de salarié. Mêmes avantages, mêmes contraintes : cinq semaines de congés payés ; « l’apprenti cotise déjà pour sa retraite, mais quand il est malade il est en arrêt maladie, un mot d’excuse ne suffit pas », s’amuse Francis Vasse, qui dirige un master en alternance à l’université Paris-Est Créteil (Upec).

Intégrés à des projets au long cours.En tant que salariés, les étudiants ne sont pas considérés comme de simples stagiaires, selon Jean-Baptiste Bruzac : « En école d’ingénieurs, j’ai fait deux stages de cinq mois. En alternance, on passe quatorze mois dans l’entreprise, ce qui nous permet d’être intégrés à des projets au long cours et d’avoir des relations d’égal à égal avec les collègues. » D’ailleurs, « les alternants disent “nous” pour parler des méthodes de leur entreprise, contrairement aux stagiaires, qui privilégient le “ils” », a remarqué Martine Very, chargée de mission apprentissage à l’université Paris-Sud.

Elle balaie d’un revers de main la réputation de « sous-formations » qui court parfois sur les masters en alternance : « Les masters classiques et en alternance ont la même valeur universitaire, validée par des examens similaires. » Mourad Attarça, de l’université de Versailles Saint-Quentin, acquiesce : « C’est la même maquette pédagogique, avec autant d’heures de cours, sauf que l’année s’étale différemment. » Sans compter l’expérience professionnelle, qui constitue évidemment un plus : « Les alternants ont des échanges riches avec les enseignants car ils comparent les pratiques de leur entreprise avec celles qui leur sont exposées en cours », affirme Francis Vasse, de l’Upec.

Alors, le master en alternance serait la formule miracle ? Oui, à condition d’être très motivé… « Ce n’est pas une promenade de santé ! Il est très difficile à la fois de satisfaire les exigences académiques et d’assurer au niveau professionnel, affirme Henri Zimnovitch, responsable du master comptabilité, contrôle, audit de Paris-Sud. Certains étudiants privilégient un master classique pour disposer de plus de temps afin de potasser le droit et d’obtenir leur diplôme d’expertise comptable. » Même écho du côté de Stéphanie Mignot-Gérard, de l’Upec : « C’est très dense. Les alternants travaillent leurs cours le soir et le week-end… C’est une année pendant laquelle ils perdent des kilos, mais ça vaut le coup ! » Même à charge de travail supérieure, le taux de réussite au diplôme est sensiblement le même chez les alternants que chez les autres. À l’université Paris-Sud, qui compte 1 100 apprentis, 97 % d’entre eux valident leur master. Et l’insertion professionnelle se fait plus facilement : deux mois après avoir obtenu leur diplôme, 80 % des étudiants ayant opté pour un master en alternance ont trouvé un emploi, contre 60 % pour les autres. « Leur salaire est également plus élevé de 200 à 300 euros net par mois, confie Francis Vasse. C’est logique, ils peuvent faire valoir deux années d’expérience en plus ! »

La moitié des étudiants en master en apprentissage de l’Escem trouvent un emploi avant même d’être diplômés de cette école de management. « L’apprentissage est une garantie ou, du moins, un accélérateur d’embauche, affirme Alain Martinès, directeur des relations entreprises de l’établissement. L’implication d’un étudiant est plus forte dans le cadre d’un contrat d’apprentissage que d’un stage, et cette expérience fait office de prérecrutement pour l’entreprise. Si sa culture plaît à l’alternant, cela aboutit à de vrais bons mariages, de raison. »

Reste que, du côté des entreprises, l’alternance a un coût. Un étudiant en apprentissage revient en moyenne à 13 000 euros par an, pour une présence à mi-temps. Mais, en contrepartie, cette formule permet de faire connaître la culture d’entreprise et, même, de créer des formations sur mesure. C’est dans cette optique que La Redoute s’est associée à l’Ieseg, école de commerce lilloise, pour créer un master en apprentissage marketing, distribution et commerce, à la rentrée 2012. « L’idée est de labelliser un certain savoir-faire La Redoute. Il était important d’implanter une formation dans le Nord. Nous sommes basés à Roubaix, et il est parfois difficile de faire venir des compétences dans la région, surtout dans le Web, où beaucoup de choses se passent à Paris. Pourtant, les métiers de community manager, business developer ou e-merchandiser peuvent s’exercer partout », indique Annick Legros, DRH de La Redoute. Par ailleurs, sur ces postes, l’enseigne roubaisienne connaît un fort turnover : « La population qui travaille sur le Web est très volatile, elle reste seulement deux à trois ans. Il y a des postes émergents dans l’entreprise. » Et donc des emplois à pourvoir.

Le master spécialisé en alternance séduit les professionnels

Depuis cinq ans, l’alternance mania touche aussi les mastères spécialisés (MS). Ces formations uniquement délivrées par les grandes écoles, au nombre de 450 en France, attirent de plus en plus de salariés en poste. 42 % des étudiants en MS ont plus de quatre années d’expérience derrière eux.

« Les professionnels qui souhaitent évoluer dans leur entreprise et atteindre un poste seulement accessible à bac + 5 sont partants pour un mastère spécialisé, à condition que cela soit en alternance car, ainsi, ils n’ont pas besoin de quitter leur société, affirme René Joly, responsable des mastères spécialisés de l’école d’ingénieurs ParisTech. Cela fait une dizaine d’années que nous proposons des MS, mais le format classique ne convenait pas aux professionnels car ils souhaitaient garder un pied dans l’entreprise. » « Chaque trimestre, une bonne dizaine de mastères spécialisés s’inscrivent au Répertoire national des certifications professionnelles pour s’ouvrir à l’alternance », indique Éric Parlebas, de la Conférence des grandes écoles.

Auteur

  • Rozenn Le Saint, Mariette Kammerer