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Tableau de bord

La rupture conventionnelle a-t-elle fluidifié le marché du travail ?

Tableau de bord | publié le : 01.03.2012 |

Jacques Freyssinet Économiste, président du conseil scientifique du Centre d’études de l’emploi

À l’évidence, la rupture conventionnelle a contribué à « fluidifier » les fins de CDI. Son succès quantitatif le prouve. Ses avantages sont certains pour l’employeur, surtout dans les petites entreprises. Ils le sont souvent pour le salarié, sauf s’il est victime de harcèlement. Il reste à préciser son impact sur la nature des flux de sortie. Dans quelle mesure constitue-t-elle une substitution aux licenciements économiques ou pour motif personnel, donc seulement un habillage juridique différent ? Dans quelle mesure offre-t-elle une nouvelle forme de financement socialisé des cessations anticipées d’activité, mécanisme que les pouvoirs publics s’attachent depuis des années à supprimer ?

Le recul manque pour mesurer avec précision ces deux effets. Peut-on alors parler de fluidification du marché du travail ? En 2010, l’Acoss a reçu, hors intérim, 19,4 millions de déclarations d’embauche, dont 12,4 pour des CDD de moins d’un mois, 3,9 pour des CDD de plus d’un mois et 3,1 pour des CDI. La même année, 255 000 ruptures conventionnelles ont été enregistrées. Massivement, la fluidification du marché du travail emprunte d’autres canaux.

Julie Valentin Maître de conférences, Centre d’économie de la Sorbonne

La place des ruptures conventionnelles (RC) dans les sorties d’emploi et les entrées dans l’indemnisation du chômage est significative – respectivement 12,8 % et 12,1 % en 2011. Comme les taux de sortie et d’entrée en emploi sont plus élevés qu’en 2008, année de création de la RC, on peut croire qu’elle a « fluidifié » le marché du travail. Mais une part de cette évolution s’explique par la hausse du nombre de CDD dans les embauches. En outre, les flux de sortie du chômagesont,eux,en baisse. Pour saisir le rôle de la RC dans l’augmentation de ces mouvements, il faudrait savoir si ces ruptures auraient eu lieu si la RC n’avait pas existé. Comment le savoir en période de récession ? Par ailleurs, cette « fluidité » n’a d’intérêt que si elle accroît l’emploi. Pour que la RC ait un tel effet, il faut que les modalités de rupture influent sur le volume d’emploi. Le propre de la RC, côté employeur, est le consentement donné par le salarié à sa rupture, lequel explique l’extrême faiblesse du contentieux post-RC – moins de 0,1 %. Est-ce le risque de contentieux qui bloque les embauches ? Cela reste à étayer. Or le contentieux est un levier de régulation sociale. Il ne faudrait pas le gripper face à la montée des risques psychosociaux.

Francis Kramarz Directeur du Crest, professeur à l’Ensae et à l’École polytechnique

Le nombre mensuel de ruptures conventionnelles (RC), parti de zéro en août 2008, date de leur création, est d’environ 25000 à la mi-2011. Ce nombre est à peu près stabilisé à ce niveau depuis 2010. Ces RC étaient destinées à favoriser l’embauche en CDI. Or il ne semble pas y avoir de preuve claire que les CDD ont été remplacés par des CDI. La croissance de la part des RC entre 2009 et 2011 a eu lieu dans tous types d’établissements, mais surtout les plus petits comme les plus grands, pour atteindre 18 % des sorties pour ceux de 1 à 9 salariés contre 9,1 % pour ceux de 50 salariés et plus. Elle a aussi concerné toutes les catégories d’âge, même si les RC restent plus fréquentes chez les 55 ans et plus. Simultanément, la part des licenciements économiques comme des autres licenciements dans les sorties diminuaient, marquant là un phénomène possible de substitution des RC. La crise économique que nous traversons rend un jugement définitif impossible à ce stade. Aucun élément ne semble toutefois démontrer que la RC pousse les entreprises à préférer le CDI au CDD, et résorbe ainsi la dualité du marché du travail, ce qui fluidifierait ce marché.

Pour en savoir plus

La Rupture convention­nelle : objectifs officiels versus enjeux implicites. N. Berta, C. Signoretto, J. Valentin. Revue française de socio-économie, n° 9, avril 2012.

Ruptures conventionnelles

www.unedic.fr/etudes/ ruptures-conventionnelles.

Ruptures conventionnelles

www.travail-emploi-sante.gouv.fr/ etudes-recherche-statistiques-de,76/statistiques, 78/emploi,82.

Études économiques de l’OCDE : France 2011

(chapitre I)

http://books.google.fr/books?id=XyaCTt0hOIMC&printsec=frontcover&dq=OCDE.