Depuis le 19 janvier, Sami Hamida se sent plus léger. Envolé, l’étau comprimant la poitrine du délégué central CFDT. Oubliés, les regards de défiance entre les 2 500 blouses noir et jaune, chacun se demandant pour qui voterait l’autre… Depuis que huit Continental sur dix ont renouvelé leur confiance aux deux syndicats (61 % des votes cumulés) qui ont refusé, sans faillir depuis 2010, tout sacrifice sur les salaires ou le temps de travail, malgré les menaces de suppressions d’emplois, « l’ambiance s’est détendue ».

« Les salariés savent que toute nouvelle tentative de la direction est vouée à l’échec », continue sobrement le représentant de la CFDT, propulsée premier syndicat devant son alliée cégétiste. Avec 39 % des suffrages (+ 10 points), la CFDT est devenue incontournable, en capacité de signer ou d’invalider seule les accords.

Camouflet pour la direction de l’équipementier automobile, le résultat des élections professionnelles marque surtout un revirement des salariés. En septembre 2010, ils votaient à 52 % les sacrifices en échange d’un maintien des effectifs sur cinq ans… contre l’avis de la CFDT et de la CGT, qui ont brandi leur droit d’opposition, arguant de la bonne santé de l’entreprise. Pour Sami Hamida, depuis vingt-quatre ans chez l’équipementier qui a changé quatre fois de nom au gré des rachats, la crédibilité de la parole syndicale explique ce retournement. « Tous nos arguments ont été étayés, chiffres à l’appui. L’actualité nous a donné raison », martèle ce quinqua. La baisse de profitabilité, au nom de laquelle l’équipementier demandait des sacrifices par anticipation, n’a pas eu lieu. Pas plus la réduction drastique des commandes pronostiquée dès 2011, et toujours pas effective.

Le succès cédétiste doit beaucoup aussi au talent d’animateur de ce chef de projet en informatique embarquée. « Les militants ont choisi une stratégie et s’y sont tenus. Cela n’aurait pas été possible sans une personnalité de sa trempe : Sami Hamida sait structurer les débats et porter la synthèse », souligne Philippe Portier, chargé des politiques industrielles à la Fédération CFDT de la métallurgie. « La direction a mis un millier d’emplois dans la balance ! Il était primordial d’avoir un espace d’expression. Pour que chaque militant ait le même degré d’informations, puisse exprimer ses craintes et conforter sa décision », commente le DSC, qui leur a fait voter « toutes les grosses décisions, et pas à bulletins secrets ! ». Symptomatique, « depuis deux ans, les effectifs des sections sont en constante progression ».

Devenu DSC en 2010, après cinq ans de militantisme, Sami Hamida aura vécu un sacré baptême du feu. Entre les trois tentatives de la direction de faire passer son plan de réduction des coûts, une médiation avortée, les appels à sa démission lancés par 1 200 salariés « indépendants »…« Qui est préparé à une telle pression ? Lorsqu’on a accepté un mandat, on y va. », minimise le Toulousain d’origine qui avoue « ne pas jeter facilement l’éponge ». Sa ténacité s’est nourrie de la « cohésion du groupe », de la collaboration avec IG Metall, confronté sur le sol allemand au même projet de l’équipementier, et de la « trahison » vécue par les Conti de Clairoix (Oise). En 2007, ils acceptaient un retour aux 40 heures hebdomadaires contre une promesse de maintien d’emplois jusqu’en 2012 ; en 2009, ils étaient licenciés… Reste une grosse déconvenue pour le DSC, engagé à la CFDT alors qu’il est « issu d’un milieu ouvrier CGT ». Lui qui a toujours cru aux vertus de la négociation est bien obligé de reconnaître que « celle-ci n’est pas toujours possible. Je regrette qu’il n’y ait pas de dialogue social dans notre entreprise, ni même un simple espace d’échanges ».

Délégué central CFDT de Continental Automotive France.

1988

Entre comme technicien intérimaire chez Bendix, devenu Continental Automotive France.

1990

Embauché en CDI.

2005

Adhère à la CFDT.

2007

DS du site toulousain.