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Politique sociale

Un boulot, des bébés, c'est plus facile dans le nord de l'Europe

Politique sociale | ZOOM | publié le : 01.06.2000 | Sandrine Foulon, Agnès Baumier, Sabine Syfuss-Arnaud

Concilier travail et vie de famille reste un casse-tête pour beaucoup de mères. Mais toutes les Européennes ne sont pas logées à la même enseigne. Les Scandinaves sont les mieux loties, bénéficiant d'allocations pour garde d'enfant et de congés parentaux rémunérés et partagés avec les pères. Car le marché du travail a besoin d'elles…

Tony Blair quittant le 10 Downing Street pour pouponner ? La presse d'outre-Manche a fait ses choux gras des discussions entre le chef du gouvernement britannique et son épouse, Cherie Blair, afin de savoir lequel d'entre eux allait s'occuper de leur quatrième enfant, Léo, né le 20 mai. Dans un pays où l'immense majorité des femmes renonce à toute ambition professionnelle lorsque l'enfant paraît, la First Lady voulait que son Premier ministre de mari délaisse pendant quelques semaines les affaires publiques pour prendre soin du bébé, et lui laisse ainsi poursuivre sa brillante carrière d'avocate. Sensible aux arguments de son épouse, prônant l'égalité hommes-femmes, Tony Blair n'avait pas exclu, dans un premier temps, l'idée d'un congé de paternité. Avant, en définitive, d'y renoncer.

Tout comme les Anglais, les Allemands, les Irlandais, les Autrichiens, voire les Suisses s'accommodent volontiers du fait que leurs femmes délaissent leur vie professionnelle pour les couches-culottes. Faute de structures publiques et d'une vraie politique familiale, Italiens, Espagnols, Grecs… comptent sur les grands-mères et, plus globalement, sur le clan familial pour permettre aux femmes de continuer à travailler. En Europe, les seuls à innover restent les pays nordiques : congés parentaux de plusieurs mois entièrement rémunérés, jusqu'à trente jours par an d'absence pour enfant malade payés à 80 % du salaire pour la Suède, subventions allouées aux parents en cas de déficit de structures d'accueil pour leur permettre de financer une garde à domicile au Danemark… Outre cette panoplie de mesures familiales, les gouvernements ont réussi l'impossible : impliquer les pères.

« Les observateurs sont unanimes, assure Jeanne Fagnani, chercheuse au CNRS et conseillère à la Caisse nationale d'allocations familiales. Les femmes pourront concilier enfants et travail uniquement si les rapports au sein de la famille se modifient. Comment changer la donne si l'on continue d'exiger des cadres qu'ils rentrent après 20 heures ? Beaucoup de jeunes pères revendiquent à présent le droit à s'occuper de leurs enfants. Encore faut-il que les mères acceptent culturellement de lâcher une part de leurs prérogatives, mais aussi que les politiques familiales et le monde du travail évoluent. » Signe des temps, Paavo Lipponen, l'homologue finlandais de Tony Blair, n'a, lui, pas hésité une seconde à la naissance de sa petite dernière. Il a pris un congé de paternité. D'une semaine…

Même si nos hommes politiques arpentent rarement les jardins d'enfants, le modèle hexagonal n'est pas à clouer au pilori. Les Françaises réussissent le miracle de faire plus d'enfants que la moyenne européenne (juste derrière les Irlandaises, les Danoises et les Finlandaises) tout en continuant à travailler, en partie grâce à l'existence des écoles maternelles, gratuites et ouvertes aux 3-6 ans, enviées par toutes les femmes européennes. Les politiques familiales mises en place dans les années 70, favorisant les crèches collectives, la professionnalisation des assistantes maternelles ou encore la mise en place d'un congé parental non rémunéré, ont certes contribué à faciliter la vie des mères au travail. « Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de lacunes, tempère Jeanne Fagnani. De promesses électorales en promesses gouvernementales, le nombre de places en crèches reste notoirement insuffisant : seuls 7 % des enfants y sont accueillis. L'allocation parentale d'éducation [3 000 francs mensuels versés jusqu'aux 3 ans de l'enfant. Elle a été instaurée par Simone Veil en 1985, NDLR], attribuée à 530 000 femmes à ce jour, est trop longue et pas assez généreuse. Pourquoi léser les femmes qui travaillent et ne pas verser l'APE aux salariées qui pourraient la cumuler avec leur bas salaire ? Ce cadeau empoisonné n'aide pas les femmes à retrouver le chemin de l'emploi. » Cette prime est en effet largement utilisée par des femmes peu qualifiées qui troquent un emploi mal rémunéré contre l'opportunité de rester chez elles.

Un travail valorisant, du temps pour s'occuper des enfants, et pas seulement des nouveau-nés, un accueil satisfaisant : autant d'éléments difficiles à concilier pour les Françaises. À l'heure où se déroule la Conférence sur la famille, les pouvoirs publics feraient bien de jeter un œil sur les États providence du Nord, les premiers à avoir dessiné un « contrat social entre les sexes », synonyme, selon Béatrice Majnoni d'Intignano – auteur d'un rapport du Conseil d'analyse économique sur l'égalité entre femmes et hommes –, decroissance, d'emploi, voire de hausse de la natalité.

Suède

Des congés de paternité bien rémunérés

En Suède, le daddy month (« mois des papas ») est devenu une véritable institution. Dans ce pays où l'égalité des sexes n'est pas un vain mot, les naissances ne donnent pas droit à un congé de maternité, comme en France ou au Royaume-Uni, mais à un long congé parental, indemnisé à 80 % du salaire, que pères et mères sont obligés de se partager. Depuis 1995, les hommes doivent pouponner au minimum un mois, sinon le couple perd d'office trente des trois cent soixante jours de congé rémunérés auxquels il a droit entre la naissance et les 7 ans de l'enfant.

« C'est un système très incitatif. Les pères prennent rarement la majorité du temps de congé parental, mais la plupart d'entre eux s'arrêtent désormais au moins pendant ce mois », témoigne Michael Magneusson, conseiller politique au ministère des Affaires étrangères, qui vient de consacrer deux mois et demi à sa petite dernière. « Je m'étais absenté juste dix jours pour mes deux premiers enfants. Cette fois, j'ai profité du dispositif. Mes collègues ont un peu tiqué, mais ma femme a un poste analogue au mien au ministère des Finances. Il n'y a pas de raison qu'elle soit seule à s'occuper des petits », affirme-t-il.

« L'entreprise doit s'organiser. Il faut passer le relais dans de bonnes conditions. Mais c'est tout à fait jouable, pour les hommes comme pour les femmes », confirme Erik Larsson, analyste financier de 30 ans, qui a choisi de prendre quatre mois de congé pour la naissance de sa deuxième fille, Hannah. « La coupure a peut-être été un peu longue. Je m'ennuyais un peu, et j'ai repris mon travail avec plaisir. Mais ma vie familiale a été complètement transformée. Mon aînée réclamait toujours sa mère lorsqu'elle avait un problème. Depuis que j'ai passé du temps à la maison, elle ne se précipite plus systématiquement dans les bras maternels », explique ce jeune cadre.

« Cette législation a effectivement un impact important sur la manière dont les hommes s'impliquent dans l'univers familial. Ils sont appelés à jouer davantage leur rôle de père », observe Ulla Bjornberg, professeur à l'université de Göteborg, spécialisée dans ces questions familiales. « Le coût de ce long congé parental est élevé, reconnaît-elle, mais il permet à 85 % des mères de famille suédoises de travailler, ce qui est un record européen. Et l'ensemble de la société bénéficie de cette activité professionnelle. » De fait, ce système de congé parental est loin d'être remis en cause. De grandes entreprises, tel Ericsson, incitent leurs cadres supérieurs à prendre le temps de s'occuper de leurs enfants en complétant la subvention d'État, plafonnée à environ 14 000 francs net mensuels, pendant la période de congé parental. « La pause professionnelle d'un mois est désormais devenue vraiment banale pour les hommes », affirme Ulla Bjornberg.

Dans les années à venir, ce congé de paternité devrait se développer encore. En période de pénurie de main-d'œuvre qualifiée, le travail salarié des femmes s'avère plus nécessaire que jamais. Le Parlement suédois étudie actuellement un projet de loi visant à étendre à deux mois la part du congé parental prise obligatoirement par les pères. Le raisonnement est simple : s'ils prennent davantage en charge l'éducation des enfants, leur épouse prendra plus volontiers le chemin du bureau…

Norvège

Une allocation d'éducation extrêmement souple

En Norvège, la plupart des crèches ferment leurs portes à 16 h 30. Mais il est rare de voir les parents débarquer en trombe pour récupérer leur progéniture : la journée de travail se termine à 16 heures. « Tous les soirs, nous dînons ensemble, mon mari, notre fils et moi, explique Hélène Bolvin [Française mariée à Trond, universitaire comme elle], installée depuis quelques mois à Tromsø, la capitale du nord du pays. Je découvre une autre vie. Nous avons encore trois longues heures après la crèche pour nous occuper d'Aurélien. Plus encore que les aides et les structures d'accueil, ce temps est précieux. »

Comme dans le reste de la Scandinavie, l'enfant est roi dans ce petit pays de 4 millions d'habitants qui s'est doté d'un ministre de l'Enfance et des Affaires familiales, responsable des crèches et de l'égalité entre les sexes. Tout comme en Suède, les congés parentaux s'étalent sur plusieurs mois. Secrétaire, Janne Fjeller vient de bénéficier d'une année rémunérée à 80 % de son salaire pour voir grandir sa fille Vilde, aujourd'hui âgée de 19 mois. Mais elle aurait tout aussi bien pu opter pour quarante-deux semaines de congé parental et percevoir 100 % de son salaire ou encore choisir de travailler à temps partiel. « Pendant cette première année, mon compagnon a pris quatre semaines pour s'occuper de Vilde. Par ailleurs, la société informatique qui l'emploie octroie quatorze jours de congés payés après la naissance d'un enfant. » Le nombre de pères bénéficiaires est passé de près de 200 en 1988 à quelque 30 000 dix ans après. Il est vrai que le système les y incite fortement. Si les pères ne prennent pas ces semaines, ce mois est décompté de l'allocation.

Depuis août 1998, les Norvégiens peuvent consacrer encore plus de temps à leurs enfants. Le gouvernement démocrate-chrétien de l'époque a fait voter le Kontant Stotte, une variante de notre APE, versé aux parents d'enfants âgés de 1 à 3 ans. Les parents perçoivent près de 3 000 francs mensuels. Mais si leurs enfants sont admis dans une crèche publique, cette subvention est directement versée à la structure. « Ce système a suscité de grands débats, poursuit Janne. À l'origine, il avait été créé pour que des parents puissent rester à la maison s'occuper de leurs enfants. Toutefois, si l'on décide de travailler et de confier son enfant à un grand-parent, une nounou, voire une crèche privée, on continue de percevoir cette allocation. Beaucoup de Norvégiens considèrent qu'on aurait pu utiliser cet argent pour construire des crèches supplémentaires. »

Les places sont en effet plus ou moins nombreuses selon le lieu où l'on habite. À Tromsø, aucun problème. À Asker, où réside Janne, aux abords d'Oslo, seuls 38 % des enfants obtiennent une place. « Nous sommes sur une liste d'attente, explique-t-elle. En ce moment, tout le monde attend le facteur. Les réponses arrivent ce mois-ci. » Reste que la souplesse du Kontant Stotte avantage les femmes qui souhaitent continuer à travailler, à plein temps ou à temps partiel. Elles ne sont pas contraintes de renoncer à un emploi pour des seules raisons financières. « À la maison, je peux continuer à me former sur PC. Mon métier m'y autorise, reconnaît Janne, qui reste à son domicile dans l'attente d'une place en crèche. Mais toutes les femmes ne peuvent sans doute pas se permettre de couper les ponts avec leur entreprise. » Elles n'en ont peut-être pas toutes la volonté. Mais elles ont le choix.

Danemark

Un mois de congé de paternité

Diplômée de linguistique, Bettina Cronquist, 32 ans, est depuis trois ans directrice de la communication chez Mobilix, opérateur téléphonique privé du Danemark. Il y a un an et demi, elle a mis au monde Frederikke, son premier enfant. Conformément à la loi, elle s'est arrêtée quatre semaines avant la date présumée de la naissance et a pris le congé de maternité classique de six mois après l'accouchement.

Si le père a droit à un congé de quinze jours, à prendre dès l'arrivée de l'enfant, la mère doit rester auprès de son bébé au moins les quatorze premières semaines. Pour les dix suivantes, aux parents de choisir celui qui pouponnera. « J'allaitais le bébé. Il était plus logique que ce soit moi », indique Bettina. Lorsqu'elle est retournée au travail, Bjorn, son époux, a pris le relais, comme le lui permet la loi : les vingt-cinquième et vingt-sixième semaines reviennent au parent qui n'a pas bénéficié de l'essentiel du congé, en général le père. Pendant toute la durée du congé de « mater-paternité », celui qui ne travaille pas est rémunéré : 100 % du salaire pendant les dix-huit premières semaines, 60 % pour le reste, la loi garantissant un minimum (60 % du plafond de l'allocation chômage). Si Bettina ou Bjorn avaient choisi d'embrayer sur un congé parental, la famille aurait continué à toucher ces 60 % jusqu'au premier anniversaire de l'enfant.

Non seulement chaque petit Danois est élevé pendant six mois au moins par l'un de ses parents, mais il a droit à une place en crèche. La loi le garantit. Aux collectivités locales d'organiser l'offre. Selon les chiffres du ministère des Affaires sociales, la majorité des enfants danois âgés de 6 mois à 10 ans sont inscrits dans une crèche ou dans une structure d'accueil publique : 57 % dans la tranche 6 mois-2 ans, 83 % des 3-5 ans (contre 55 % il y a quinze ans). Quant aux 6-9 ans, 63 % d'entre eux sont pris en charge par des centres de loisirs assurant le relais après la classe.

Dans les faits, de nombreuses crèches ont des listes d'attente, en particulier dans la capitale, où, selon Bettina, on n'a pas la moindre chance de trouver une place avant les 18 mois du bébé. Du coup, depuis novembre 1999, la municipalité de Copenhague verse une allocation qui couvre les frais de garde, le logement, le transport et la nourriture de la nourrice, les couches de l'enfant et même… la carte d'abonnement au zoo. Soit près de 7 000 francs par mois. Pour les Cronquist, qui logent et nourrissent leur jeune fille au pair, la garde de Frederikke ne coûte rien !

Pays-Bas

Un temps partiel à la carte

« Si une femme travaille à temps plein alors qu'elle a des enfants, elle n'a très rapidement plus aucun temps libre. Entre les courses, le ménage, la cuisine, les devoirs à surveiller, elle ne s'arrête que pour dormir. C'est beaucoup plus confortable d'avoir un temps partiel. On peut aussi faire du sport, de la musique ou militer dans une association, comme le font les hommes », explique Yolanda, mère de deux enfants et secrétaire deux jours par semaine dans une fondation consacrée à la protection de l'environnement à La Haye…

Aux Pays-Bas, 68 % des femmes travaillent comme elle à temps partiel, parfois faute de mieux, car le système de garde des jeunes enfants est notoirement insuffisant. Mais souvent parce qu'elles le souhaitent. « Dans les années 70, au lieu de faire de l'emploi à plein temps le modèle à atteindre, les mouvements de femmes néerlandais ont privilégié le temps partiel, en exigeant une reconnaissance par les hommes du travail domestique qu'elles effectuent », explique Marie Wierink, chercheuse au ministère du Travail, qui consacre sa thèse de doctorat à la question de l'égalité entre hommes et femmes. Dans ce pays où la différence entre les sexes est traditionnellement très marquée, les femmes étaient, jusque dans les années 60, souvent licenciées ou contraintes de démissionner lorsqu'elles se mariaient. Le salaire minimal créé en 1968 était précisément calculé de manière à pouvoir faire vivre une famille de quatre personnes.

« L'accès des femmes à l'emploi n'est devenu massif que tardivement, dans les années 80, lorsqu'un gel des rémunérations a rendu nécessaire l'obtention d'un revenu complémentaire pour maintenir le niveau de vie familial. L'entrée des femmes sur le marché du travail s'est alors effectuée pour l'essentiel sur la base du temps partiel », constate Marie Wierink.

Mais le temps partiel néerlandais a peu de rapport avec celui qu'on observe en France. Les temps partiels longs (de vingt-huit à trente-deux heures) sont particulièrement fréquents, au point qu'en 1996 un salarié à temps partiel gagnait en moyenne seulement 25 % de moins qu'un salarié à temps plein, alors qu'en France l'écart était de 60 %. Le temps partiel néerlandais est aussi, dans la majorité des cas, un temps partiel choisi. « Je suis passée à quatre jours lorsque j'avais 24 ans, puis à trois jours quelques années plus tard, pour pouvoir partager plus de temps avec mon mari, qui est aiguilleur du ciel et dont les horaires sont très atypiques », explique Else, 41 ans, commerciale dans une société de distribution d'électricité. Monique, secrétaire, travaillait juste deux jours par semaine, « pour sortir de chez elle ». Elle a demandé à passer à trois jours hebdomadaires au moment de son divorce, afin de compléter ses revenus.

Depuis cette année, une loi prévoit explicitement qu'un employeur dont l'entreprise compte plus de 10 salariés ne peut s'opposer à une demande de modification des horaires faite dans les règles par l'un d'eux, à moins d'un motif sérieux, contestable devant les tribunaux. Il est ainsi facile d'augmenter ou de diminuer son activité en fonction de l'évolution de ses contraintes familiales et de ses désirs personnels. Pour compenser la relative fragilité financière qui résulte de leur mode d'insertion sur le marché du travail, les Néerlandaises bénéficient par ailleurs d'un soutien financier important de l'État. Jusqu'au cinquième anniversaire de leurs enfants, elles peuvent ainsi percevoir un revenu proche du salaire minimal lorsqu'elles se retrouvent isolées.

« Si je travaillais à plein temps, je gagnerais davantage, mais notre qualité de vie familiale serait considérablement moins bonne. Et je ne me sens pas le moins du monde dépendante de mon mari ou inférieure à lui parce que j'ai choisi un trois-cinquièmes. D'ailleurs, il participe largement aux tâches ménagères », explique Else. Contrairement à leurs homologues françaises, les Néerlandaises ne considèrent pas forcément que l'émancipation passe par le travail. Un trait culturel qui ne pousse pas les politiques à se mobiliser pour mettre en place les structures d'accueil adéquates. Quant aux maris, plus nombreux à travailler à temps partiel que les Français, ils laissent tout de même massivement leurs femmes renoncer à leur carrière. Si ces dernières travaillent généralement moins qu'en France, leur ardeur ménagère est également moindre. Aux Pays-Bas, ce sont les maris qui achètent les petits pots et qui passent l'aspirateur.

Les Allemandes de l'Est résistent au triptyque « enfants, cuisine, église »

Docteur en sciences politiques, Renate Schultz, 36 ans, a commencé une carrière brillante dans une ONG, avant de se marier et de suivre son époux à Bruxelles, où elle a pu concilier un très bon poste à la Commission européenne et la naissance d'un premier enfant. À l'arrivée du deuxième, le couple rentre en Allemagne. Et là, l'ancienne féministe militante découvre que le traditionnel KKK (« Kinder, Kuche, Kirche » : enfants, cuisine, église) a la vie dure, au moins pour ses deux premières composantes. Même si le nombre de femmes actives outre-Rhin a augmenté depuis dix ans (59 % d'entre elles travaillent, surtout entre 25 et 30 ans), il y a très peu de structures d'accueil pour les moins de 3 ans et pas d'écoles maternelle, primaire ou secondaire l'après-midi. Toute mère de jeune enfant qui persiste à vouloir travailler sera vite considérée comme indigne et se rangera à la raison : un congé parental prolongé et faiblement rémunéré. « Mieux vaut rester auprès de ses enfants, au moins jusqu'à ce qu'ils aient 10 ans », explique Renate, qui, gagnée par le mythe de la mère indispensable à sa progéniture, a mis entre parenthèses sa carrière, toute concentrée qu'elle est sur une troisième grossesse, qui s'achèvera cet été.

Le cas de Renate est exactement ce contre quoi luttent les Allemandes de l'Est. Quatre décennies durant, elles ont travaillé (90 % d'entre elles étaient actives) sur un pied d'égalité avec les hommes, sûres que leurs enfants seraient gardés en crèche d'entreprise ou municipale, sûres de retrouver leur poste après le congé de maternité. Aujourd'hui, elles font de la résistance, refusent de retourner au foyer, même si la pression est d'autant plus forte que le chômage est élevé et les femmes incitées à libérer des postes. Résultat : les Allemandes de l'Est font moins d'enfants. Les plus entêtées ont tout de même obtenu un résultat : quelques maternelles et écoles de Berlin, notamment dans la partie orientale de la capitale, restent ouvertes jusqu'à 17 h 30, voire 18 h 30.

Auteur

  • Sandrine Foulon, Agnès Baumier, Sabine Syfuss-Arnaud