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Vie des entreprises

Le covoituragee encore en rodage

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.01.2012 | Éric Béal

Développement durable aidant, des entreprises incitent leurs salariés à covoiturer pour se rendre au travail. Une solution qui ne va pas de soi…

Ecologique, économique et pra­ti­que. » Stagiaire à l’Afpa, Émilie a utilisé une vingtaine de fois le site de covoiturage de l’organisme de formation pour ses déplacements hebdomadaires entre son domicile cannois et Lyon, où se déroulaient ses cours durant six mois. Trois fois moins cher que le train, plus pratique que l’avion, ce mode de transport lui convient. Mais, sur les 9 000 salariés et 180 000 stagiaires destinataires du service, seuls 700 s’y sont inscrits. Et, parmi eux, peu d’utili­sateurs. « Fort heureusement, notre site incorpore des propositions déposées sur le site de notre prestataire. Sans quoi l’offre de transport ne serait pas assez attractive. Mais nous allons entreprendre une campagne d’affichage pour augmenter le nombre d’utili­sateurs internes », indique Florent Longuépée, directeur du développement durable de l’Afpa.

Tout se passe sur Internet. Pour autant, Émilie n’est pas une exception. Les spécialistes de la mobilité assurent que les jeunes générations sont moins « accros » à la voiture et plus susceptibles d’emprunter ou de partager un véhicule. Mais pas dans n’importe quelle condition. Aujourd’hui, tout se passe sur Internet où les sites spécialisés comme Covoiturage.fr, La Roue verte ou encore Écolutis fleurissent. Non sans succès, à l’instar de Covoiturage.fr qui est en tête sur le marché français. « Nous avons 1,4 million d’inscrits et nous assurons 350 000 trajets par mois », assure Laure Wagner, responsable de la communication du site.

Développement durable et responsabilité sociale des entreprises (RSE) aidant, cette évolution des mœurs n’a pas laissé les entreprises indifférentes. D’autant plus que, depuis la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000, elles sont vivement encouragées à se doter d’un plan de déplacements d’entreprise (PDE), dont l’objectif est de favoriser l’usage de transports alternatifs à la voiture individuelle. « Il y a dix ans, le sujet n’intéressait pas les sphères patronales. Mais les mentalités évoluent et le covoiturage est devenu un ­enjeu important », explique Gilles Mériodeau, à la direction régionale Pays de la Loire de l’Ademe.

Les collectivités locales, qui ont des obligations en matière de PDE, encouragent les entreprises en ce sens. En Rhône-Alpes, la Communauté du Grand Lyon a ouvert un portail interentreprises dédié au covoiturage en février 2009. « Nous avons également été sollicités par des chefs d’entreprise, à l’instar du directeur de l’hypermarché Auchan de Calluire qui rencontrait des problèmes de recrutement à cause des horaires d’ouverture décalés. Les salariés sans voiture ne pouvaient répondre à ses offres d’emploi. Depuis, les choses se sont améliorées », explique Michel Fourot, l’animateur du plan de déplacements interentreprises du Grand Lyon. Avec 4 800 salariés inscrits sur les 35 000 concernés, issus des 400 entreprises installées dans les zones d’activité du Grand Lyon, l’expérience n’est pas négligeable. Néanmoins, seuls 21 % des inscrits sur le site utilisent effectivement ce moyen de transport. Une majorité d’entre eux (60 %) n’ont pas trouvé d’annonce compatible avec leurs besoins ou n’ont pu se mettre d’accord sur les horaires avec le conducteur (25 %). Ces résultats n’étonnent pas Ludovic Bu, consultant en mobilité et déplacement et fondateur de Mobility Plus. « Le covoiturage est le mode de déplacement le plus compliqué à mettre en place, indique-t-il. C’est le transport en commun par excellence, car il suppose un accord parfait entre le chauffeur et le ou les passagers. » Mais, pour emporter l’adhésion des salariés, il faut, selon lui, « offrir des petits plus, comme des places de parking réservées ou une voiture joker, qui permettent aux salariés de rentrer chez eux si leur “chauffeur” est absent ».

Malgré ces difficultés, les entreprises investissent dans des sites de covoiturage dont le développement et la gestion sont confiés à des prestataires spécialisés. Une question d’image pour Éric Chastang, responsable de l’intranet chez BNP Paribas. « Un site consacré au covoiturage est un outil qui s’inscrit dans la stratégie de développement durable de l’entreprise et permet de valoriser son image auprès des partenaires, des jeunes diplômés et des clients. De plus, il ne coûte pas cher. »

La dimension image prend parfois une importance démesurée. Chez le prestataire Green Cove, on cite l’exemple d’une entreprise dont le service de covoiturage n’est utilisé par personne mais qui continue d’en vanter l’intérêt auprès de ses salariés. Car les enquêtes sociales montrent qu’une majorité d’entre eux apprécient fort cette initiative. Responsable du développement durable au sein du groupe d’assurances mutuelles Covéa, Esperanza Duval-Galache y voit aussi un moyen de renforcer la culture de groupe. « Covéa comporte des enseignes aussi connues que MMA, GMF et Maaf, dont les agences sont souvent situées non loin les unes des autres. Partager une voiture pour des trajets domicile-travail, ou pour se rendre à des réunions communes, constitue non seulement une économie pour l’entreprise et les salariés, mais développe le lien social en interne », assure-t-elle. Parfois, l’entreprise n’est motivée que par des considérations matérielles. « Un de nos clients ne voulait pas augmenter la capacité de son parking et a incité les salariés de son siège social à covoiturer », note Édouard Duboille, président de Green Cove. N’en déplaise aux chasseurs de CO2, le covoiturage risque de mettre autant de temps à décoller que le télé­travail. C’est dire !

Auteur

  • Éric Béal