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Enquête

Dans les agences, on ne chôme pas

Enquête | publié le : 01.01.2012 | Éric Béal

Services offerts, clientèle, organisation du travail, portefeuille de demandeurs d’emploi…, toutes les agences ne sont pas logées à la même enseigne. Mais ne désemplissent pas. Reportage dans trois sites.

AULNAY-SOUS-BOIS

L’importance de la gestion des flux

L’immeuble qui abrite l’agence Pôle emploi d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pourrait abriter un siège social. Il était d’ailleurs auparavant utilisé par L’Oréal. Coincé entre une zone industrielle en friche, un rond-point et des immeubles HLM, il est situé non loin du site de production de Citroën. La porte vitrée donne sur un hall spacieux et lumineux, gardé en permanence par un agent de sécurité. « Nous avons subi plusieurs agressions ces derniers mois ; la plupart sont restées verbales, heureusement, indique Nicolas Simon, le directeur de l’agence. Il s’agit de gens exaspérés par l’attente ou rendus désespérés par l’arrêt de leur allocation. Il y a beaucoup de travailleurs intérimaires qui négligent de déclarer leurs heures travaillées. Lorsque l’entreprise de travail temporaire nous le signale, nous amputons l’allocation suivante. Et ils viennent chercher des explications. »

14 h 20. Un flot de personnes entrent soudainement dans l’agence, toutes débarquées de l’unique bus qui dessert les lieux. « Nous avons gagné au change avec la fusion des agences ANPE et Assedic locales en septembre. Les locaux sont agréables et spacieux, mais nous sommes très décentralisés, ce qui gêne les demandeurs d’emploi pour venir jusqu’à nous », estime le directeur. Dans le hall, tout le monde est debout. Pas une chaise à l’horizon.

Dans cette banlieue parisienne comme ailleurs, la gestion des demandeurs d’emploi (DE) subit les aléas de la conjoncture économique locale. En début de mois, le hall d’accueil est plein à craquer. « Toutes les personnes en fin de CDD viennent signaler leur disponibilité », explique la jeune femme embauchée en contrat aidé pour accueillir les arrivants. « Dans ce cas, il règne une certaine confusion entre ceux qui attendent pour un simple renseignement, ceux qui ont rendez-vous et ceux qui désirent clarifier un problème concernant leurs indemnités », ajoute-t-elle. Nicolas Simon admet que le dispositif a besoin d’être repensé. « Nous avons embauché deux personnes en plus pour aller au devant des gens dans la file et faire un premier tri. Mais, fin octobre, nous avions 6 300 DE à gérer, dont 5 118 immédiatement disponibles. Il est difficile d’éviter les attentes trop longues pour tout le monde. »

Au premier étage, de petits bureaux sont destinés à réaliser les EID, les entretiens d’inscription et de diagnostic. Ce premier rendez-vous entre Pôle emploi et un nouveau chômeur comprend la constitution du dossier pour le calcul de la future allocation, un premier diagnostic sur le niveau de compétences et les pistes de recherche du nouveau chômeur. Dans chaque bureau trône une lampe UV pour vérifier la véracité de la pièce d’identité présentée. « En 2007, la police a démantelé un réseau qui vendait des kits d’inscription pour des sans-papiers », explique Nicolas Simon. À l’étage du dessus, des box pour les entretiens de suivi mensuel personnalisé (SMP). À raison de quatre rendez-vous planifiés par conseiller sur une demi-journée, comme dans toutes les agences locales. Les carnets de rendez­vous sont pleins un mois à l’avance.

Fazia est conseillère depuis 2005. Son portefeuille comporte 289 DE et elle prospecte également les entreprises locales de l’industrie et du bâtiment. « Nous avons beaucoup plus de travail qu’avant la fusion, estime-t-elle. Les EID prennent plus de temps et nous avons aussi une séance de permanence téléphonique hebdomadaire. » La jeune femme a rarement le temps de descendre aider ses collègues à l’accueil. Son collègue Joaquim suit 295 DE actifs et 106 non actifs. « On aurait besoin de renfort. Les départs ont été compensés par des CDD qui ne font ni les EID ni les SMP. »

Certains conseillers restent très spécialisés. Pierre travaille uniquement à la prospection des entreprises. L’agence peut mettre à leur disposition des salles de réunion pour rencontrer les postulants. Au back-office, au deuxième étage, ils sont quelques-uns à travailler exclusivement sur les dossiers issus des EID. Des spécialistes de l’indemnisation issus de l’ancienne Assedic. « 96 % des dossiers sont traités en deux semaines, explique, non sans fierté, Nicolas Simon. Deux semaines après son inscription, le DE a un premier rendez-vous avec celui ou celle qui sera son conseiller pour le restant de son parcours chez nous. » Des taux flatteurs, qui ne disent rien des difficultés rencontrées par les conseillers surbookés.

SAINT-AMAND–MONTROND

Un accueil soigné

Cyril attend tranquillement que l’ordinateur de Karine accepte d’ouvrir son dossier. L’adolescent n’a pas de CV mais ne s’inquiète pas. À 16 ans, son parcours tient en quelques lignes. Début décembre, il est venu s’inscrire dans l’unique agence Pôle emploi de Saint-Amand-Montrond (Cher), un bassin d’emploi rural constitué de 84 communes situées à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bourges. Il a démissionné de son poste d’apprenti cuisinier au bout quatre mois et envisage de se relancer dans le secteur des espaces verts. Le volet « demande d’allocation » terminé, l’entretien d’inscription et de diagnostic (EID) se poursuit par l’orientation de la recherche d’emploi. Pour se refermer assez rapidement lorsque le jeune homme précise qu’il est suivi par Adrien, de la mission locale. Après une rapide concertation téléphonique avec ce dernier, Karine explique au jeune homme qu’elle ne va pas doublonner. La réorientation de Cyril sera directement pilotée par l’animateur de la mission locale, en concertation avec Karine.

Située au plein centre-ville, l’agence Pôle emploi de Saint-Amand-Montrond n’a pas encore déménagé depuis la fusion de l’ANPE et des Assedic. La direction départementale envisage de faire construire un bâtiment neuf pour abriter les équipes issues des deux maisons. Pour le moment, l’enseigne Pôle emploi a remplacé celle de l’ANPE. Et l’ancien site Assedic est utilisé en back-office pour le calcul des indemnités. Régulièrement, des demandeurs d’emploi passent la porte d’entrée de l’agence et attendent leur tour. Sans être débordée, Sophie, la chargée d’accueil en contrat aidé, n’a pas le temps de chômer. Malgré l’exiguïté des lieux, deux files sont organisées dans le hall d’accueil de cet ancien hôtel. L’une pour ceux qui ont rendez-vous, l’autre pour les gens qui viennent sans s’être annoncés. Dès que la file dépasse une dizaine de personnes, un conseiller vient épauler sa collègue de l’accueil afin de fluidifier l’attente.

L’équipe de conseillers fait preuve d’une solidarité sans faille malgré la charge de travail. « Nous avons tous un planning sur huit semaines, explique Jean-Claude Boury, directeur depuis six ans. Chaque conseiller dispose de deux jours et demi par semaine pour organiser ses entretiens de suivi mensuel personnalisé. Le reste du temps, il réalise des EID, il est d’astreinte à la plate-forme téléphonique du département ou il “travaille” son panel d’entreprises pour susciter des offres d’emploi. » Sauf les jeudis après-midi, lorsque les agences de la région sont fermées pour permettre l’organisation de réunions de concertation ou de formation.

« Nous sommes tous censés renseigner les gens sur l’indemnisation comme sur la recherche d’emploi. Mais, dans la réalité, cela ne marche pas », affirme Olivier, conseiller depuis 1994, dont le portefeuille s’élève à plus de 200 DE. « Je suis juste capable de savoir si un dossier de demande est complet avant de le transmettre à mes collègues de l’indemnisation. » Ce n’est pas le cas de Sylvie, comme lui issue du placement, qui a accepté de faire une formation de cinq semaines suivie par un tutorat afin de pouvoir travailler sur des dossiers d’indemnisation. « Je suis suffisamment à l’aise pour renseigner un demandeur d’emploi, mais je ne peux pas avoir l’expertise de mes collègues spécialisés », indique néanmoins la conseillère.

À l’agence de services spécialisés de Nanterre, les conseillers travaillent uniquement sur rendez-vous sans se préoccuper des dossiers d’indemnisation, source de mécontentement

15 heures. Une dizaine de personnes attend dans le hall. Sophie, conseillère référente, quitte son box pour donner un coup de main à l’accueil. « Même dans une petite agence comme la nôtre, la charge de travail est assez lourde, affirme-t-elle. On passe d’un sujet à un autre sans pouvoir approfondir. J’ai 220 demandeurs d’emploi actifs dans mon portefeuille, auxquels s’ajoutent 164 DE dont le suivi est confié à d’autres institutions, plus des entreprises à solliciter. » 16 h 45. L’agence ferme ses portes. Dans un bureau, la responsable d’équipe prépare le planning et affecte les nouveaux inscrits aux conseillers.

NANTERRE

Des services spécialisés sans le stress

Pas de file d’attente. Si ce n’étaient les ordinateurs à disposition des demandeurs d’emploi, on ne se croirait pas dans une agence de Pôle emploi. L’accueil est installé au deuxième étage d’un immeuble discret du vieux Nanterre (Hauts-de-Seine). On entre en se faisant reconnaître par l’Interphone. Tous les demandeurs d’emploi doivent avoir un rendez-vous pour être invités à entrer. La conseillère à l’accueil a largement le temps d’effectuer quelques tâches administratives et de répondre au téléphone pendant sa permanence. « Je suis responsable d’une agence de services spécialisés, une A2S, qui regroupe quatre dispositifs différents. Nos clients nous sont adressés par les conseillers des agences Pôle emploi du nord et du centre du département », explique Éric Troquereau, le directeur.

Un manager et trois agents animent une plate-forme de vocation qui utilise la méthode de recrutement par simulation. Six personnes, dont des psychologues, constituent l’équipe d’orientation spécialisée. Parmi les conseillers, 28 assurent un accompagnement renforcé avec le dispositif « cap vers l’entreprise » (CVE), et quatre ne s’occupent que des demandeurs d’emploi issus d’un plan social et en contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Seules 13 agences de ce type existent en Ile-de-France, pour le moment. « Nous ne gérons pas les problèmes d’indemnisation. Ils sont pris en compte par l’agence locale du DE. De la même façon, nous n’assurons pas l’EID », note le directeur.

Une chance énorme pour les conseillers, qui travaillent uniquement sur rendez-vous et se consacrent à l’appui à la recherche d’emploi sans se préoccuper des dossiers d’indemnisation, source de mécontentement chez les DE. Autre avantage, chaque conseiller n’a qu’une soixantaine de personnes en moyenne dans son portefeuille. « C’est vrai, mais nous avons l’obligation de les voir plus régulièrement, indique Dominique, une conseillère en CSP. Et nous sommes là pour aller au fond des choses avec eux. Je vois par exemple arriver des gens qui étaient en poste un mois plus tôt. Au cours du premier entretien, je dois généralement les aider à faire le deuil de leur ancien emploi pour leur permettre d’aborder ensuite la recherche d’emploi de façon positive. » Et de préciser que ces personnes sont reçues deux fois par mois et qu’elles bénéficient également, au minimum, d’un contact hebdomadaire par mail ou au téléphone.

En réalité, Dominique exerce un rôle semblable à celui d’un consultant en outplacement. « Au début de leurs recherches, ils me sollicitent souvent par mail ou par téléphone pour un conseil ou pour valider une préparation d’entretien », explique-t-elle. La conseillère est également censée prospecter les entreprises et faire de la recherche d’offres ciblées. Mais, en ce moment, avec une centaine de DE en portefeuille, elle n’arrive pas à dégager suffisamment de temps. Wilfrid, un collègue de CVE, n’a que 51 demandeurs d’emploi dans son portefeuille en ce moment. Des conditions idéales pour leur assurer un appui de qualité. Il s’inquiète cependant du regroupement à venir sur un seul site. « Nous serons 105 agents sur un même lieu, avec l’agence cadres et l’agence Nanterre Seine. Cela bousculera probablement notre organisation et risque de nous donner des obligations supplémentaires en termes de remplacement au standard ou à l’accueil », calcule-t-il. Reste qu’il y a peu de risques pour que les agents de l’A2S voient leur portefeuille de DE augmenter de ­façon spectaculaire. Son faible volume est une condition sine qua non pour leur permettre d’apporter une aide efficace aux personnes qui leur sont confiées.

FICHE SIGNALÉTIQUE

55 salariés, dont 17 issus de la branche indemnisation. 6 300 demandeurs d’emploi inscrits fin octobre, dont 4 800 de catégorie A. Un seul site depuis quelques semaines.

Évolution du nombre de DE en un an : + 4,1 %.

FICHE SIGNALÉTIQUE

22 salariés, dont 5 issus de l’ancienne Assedic. 2 299 demandeurs d’emploi inscrits fin octobre, dont 1 836 de catégorie A. Deux sites pendant encore un an et demi.

Évolution du nombre de DE en un an : + 4,7 %.

FICHE SIGNALÉTIQUE

46 personnes réparties sur quatre services : le « cap vers l’entreprise », la plate-forme de vocation, le contrat de sécurisation professionnelle, l’orientation professionnelle spécialisée. Et trois sites qui seront regroupés en mars prochain. Zone d’intervention : nord et centre des Hauts-de-Seine.

Le département compte 62 000 demandeurs d’emploi.

Auteur

  • Éric Béal