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Enquête

Des métiers qui carburent à la flexibilité

Enquête | publié le : 01.11.2011 | L. D.

Il y a des secteurs plus générateurs de précarité que d’autres. En maintenant leurs salariés en position de fragilité, ils se paient une forme de flexibilité, voire de paix sociale. Attention, dégâts !

Marc*, la trentaine enjouée, est du genre dynamique. Après son diplôme d’une école de commerce, il crée son entreprise. Par sécurité, il choisit de travailler en parallèle, à temps partiel, et décroche, il y a cinq ans, un deuxième emploi, chez Décathlon. Ses entretiens d’évaluation révèlent un « bon élément », comme on dit, prometteur même, puisque, très rapidement, le jeune homme reçoit les encouragements de sa hiérarchie. Toutes les portes lui semblent alors ouvertes. Mais quand Marc, obligé de vendre sa petite entreprise, demande à augmenter son temps de travail au magasin, il déchante rapidement. « C’est là que les problèmes ont commencé, raconte-t-il. Je savais qu’il y avait 55 heures disponibles dans mon rayon, mais la direction a préféré les attribuer à d’autres, quitte à embaucher deux personnes pour scinder cet horaire en deux temps partiels de 20 heures. Depuis, mes demandes restent sans suite. On me dit qu’il faut que je fasse mes preuves. » Ses preuves, Marc les a faites pourtant. Et il a besoin de travailler à plein temps… Mais, manifestement, son employeur ne l’entend pas de cette oreille, il préfère multiplier les temps partiels et maintenir ainsi ses salariés dans la précarité.

50 % en temps partiel. Officiellement, Décathlon se targue d’offrir des postes « flexibles » pour attirer étudiants et sportifs de haut niveau. De fait, près de 50 % des 12 000 salariés du groupe Oxylane, auquel appartient le leader de l’équipement sportif, occupent des temps partiels. Ils s’avèrent en outre « de plus en plus subis et de moins en moins choisis », constate un représentant des salariés qui précise : « Le turnover est élevé, l’ancienneté moyenne est inférieure à cinq ans et la moyenne d’âge, de 28 ans. Ce qui intéresse ici, c’est de recruter des “bras”, pas des personnes. Les gens sont traités en conséquence. »

Certes, avec ses légions de caissières aux emplois du temps gruyère, la grande distribution n’a jamais brillé par ses pratiques en matière sociale et se fait d’ailleurs régulièrement sanctionner par les tribunaux. Elle figure à l’index des secteurs professionnels les plus « précarisants », comme le BTP, l’hôtellerie-restauration et les florissants services à la personne. Tous les lundis, de 14 heures à 16 heures, à la Bourse du travail de Paris, l’association AC ! (Agir contre le chômage !) tient une permanence pour accueillir et conseiller les chômeurs et travailleurs précaires. « Nous avons une forte proportion de femmes issues de l’immigration, qui sont payées en Chèque emploi service et qui n’arrivent pas à reconstituer leur historique et à faire valoir leurs droits au RSA ou aux Assedic, indique Alain Marcu, d’AC ! Nous suppléons aux impossibilités de Pôle emploi qui n’arrive plus à jouer son rôle de conseil. Les gens sont perdus. »

Lancé en 2009 pour redonner du cœur à l’ouvrage aux travailleurs précaires, justement, le RSA suscite bien des interrogations. « Le RMI était un statut d’où découlait automatiquement un certain nombre d’aides comme les APL, constate Alain Marcu. Le RSA est un dispositif ultracompliqué à calculer. La CAF est débordée et les retards s’accumulent. » Sans parler des trop-perçus pour mauvais calculs et renseignements erronés. Ils concernent 7 % des dossiers. Leur remboursement enfonce des personnes qui peinaient déjà à garder la tête hors de l’eau.

* Le prénom a été modifié.

17 % de la population en emploi travaillait à temps partiel en 2009 contre 10 % en 1982.

75 % des salariés à temps partiel sont des femmes.

Source : Dares, mars 2011.

Auteur

  • L. D.