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L’intégration des filiales, un défi pour les grands groupes

Dossier | publié le : 01.11.2011 |

Les entreprises européennes implantées à l’étranger cherchent à intégrer leurs acquisitions et à développer une culture commune tout en attirant les talents nécessaires.

Les grands groupes européens regardent de l’autre côté du globe, vers les marchés en émergence. Mais ce n’est pas le cas de la majorité des entreprises de taille moyenne. Si 34 % des participants au baromètre Liaisons sociales-CSC déclarent que le développement d’une culture de groupe est une préoccupation prioritaire (2 points de moins qu’en 2010), seuls deux sur dix en moyenne semblent particulièrement concernés par la GRH à l’étranger : 22 % des répondants se disent préoccupés par l’attraction des talents dans les marchés en développement ; 20 % mettent en avant l’identification des potentiels dans les différentes cultures. Et, surtout, 18 % d’entre eux s’inquiètent de la bonne intégration de nouvelles acquisitions à l’étranger, soit 6 points de plus que l’an dernier. Une minorité d’entreprises se sentent donc concernées. Pour preuve, à ces différentes questions, entre 45 % et 65 % des répondants indiquent que le sujet n’est pas du tout prioritaire ou qu’il ne s’applique pas à leur entreprise. Un bref coup d’œil aux caractéristiques du panel d’entreprises (voir page 78) en donne l’explication. Les trois quarts sont des entreprises moyennes (de 1 000 à 2 999 salariés) et 94 % des responsables RH interrogés ont un périmètre essentiellement national.

Le processus RH d’abord. Pour autant, les réponses des entreprises impliquées à l’étranger sont significatives. Professeur associé à Arts et Métiers ParisTech, directeur du mastère spécialisé Gestion des RH et de la mobilité internationale et président du Cercle Magellan, Yves Girouard n’est pas surpris du moindre intérêt pour la culture de groupe (– 7 points en deux ans). « Les entreprises qui se développent à l’étranger travaillent d’abord sur leurs processus RH, note-t-il. Surtout en temps de crise. Une culture de groupe permet toutefois de faciliter l’intégration de nouvelles filiales et de développer un sentiment d’appartenance. » À l’inverse, il s’étonne que l’attraction des talents et l’identification des potentiels perdent de leur intérêt pour les répondants (respectivement – 6 et – 7 points). « En Chine, au Brésil ou en Russie, les entreprises occidentales ont besoin de gens d’expérience qu’elles ont du mal à fidéliser », indique-t-il. Et de citer l’exemple d’une grande entreprise française qui est parvenue à enrayer la fuite de ses cadres chinois le jour où elle a eu l’idée d’inclure les parents de ses salariés locaux dans la couverture santé proposée en Chine.

Reste que la culture de groupe est importante pour rassembler des filiales disparates. Le groupe Orangina Schweppes internationalise sa politique RH pour accélérer son développement à l’étranger tout en gardant une culture d’entrepreneuriat local. « Nous devons à la fois créer une culture de groupe pour développer une identité Orangina Schweppes au sein du groupe Syntory et identifier des hauts potentiels capables de devenir des dirigeants internationaux dans quelques années », précise Bertrand Delmas, le DRH groupe d’Orangina Schweppes. À l’inverse, SEB s’appuie sur sa culture de groupe pour attirer des talents dans les pays émergents et identifier les hauts potentiels au Brésil, en Chine et dans ses filiales à l’étranger. « Notre culture de groupe est solide, note Harry Touret, le DRH groupe. Il n’y a qu’à voir l’implication des salariés dans la fondation SEB. »

Dans la conjoncture actuelle, la recherche d’équilibre entre politiques de groupe et politiques RH locales n’est pas la priorité. Seuls 17 % des responsables RH interrogés la citent, soit 11 points de moins qu’en 2010. Pour autant, ce sujet préoccupe les entreprises qui connaissent des transformations importantes. Comme SGS, dont la direction internationale à Genève compte faire passer les effectifs de 67 000 à au moins 80 000 employés d’ici à 2014. La majorité des recrutements seront effectués dans les pays émergents, où les marchés de la certification qualité sont en pleine expansion. En toute logique, les politiques RH corporate prennent du poids. « C’est la fin de l’époque où les responsables RH avaient une grande liberté de manœuvre sur leur périmètre, constate Francis Bergeron, le DRH France. Pour Yves Girouard, cette situation est probablement commune à nombre de groupes internationaux car « il y a eu beaucoup de créations de postes d’animation de la DRH internationale ces cinq dernières années », indique-t-il. Cela explique peut-être que l’animation de la fonction RH à l’international ne préoccupe qu’une minorité d’entreprises (14 %). Une proportion d’ailleurs constante dans les trois dernières éditions du baromètre.

17 % des DRH mettent en avant la mobilité internationale

YVES GIROUARD

Directeur du mastère spécialisé Gestion des RH et de la mobilité internationale

“En moyenne, cette question ne concerne que 0,2 % des salariés des grands groupes. Ce n’est donc pas une problématique centrale des RH. Un DRH sur cinq en fait toutefois une priorité, sans doute dans les entreprises très tournées vers l’international.”

Questions à Filippo Abramo,

président de l’EAPM (European Association for People Management)

Lors du dernier congrès de l’EAPM, en septembre, vous avez abordé les évolutions de la fonction RH. Quelle est votre analyse ?

La première chose qui ressort, c’est que les responsables RH sont très touchés par la crise économique. Elle les oblige à surveiller le coût du travail, à procéder à des restructurations et à des transferts de charge en off shoring pour suivre les évolutions du business. Au point que l’on peut prévoir un changement drastique de la fonction de DRH groupe dans quelques années. Les directions générales ont besoin d’un DRH qui comprenne l’économie et connaisse le business de l’entreprise pour participer aux discussions du comité directeur.

Le DRH devra-t-il se changer en DAF ?

Non, il a aussi des préoccupations qui lui sont propres. La gestion des talents rares, comme les jeunes diplômés et les ingénieurs, en est une. Les pays d’Europe du Nord, par exemple, sont confrontés à une pénurie sur ces profils. En Allemagne, les entreprises pourraient embaucher 100 000 nouveaux ingénieurs chaque année. Faute de candidats, elles n’y parviennent pas et vont débaucher des ingénieurs en Pologne, en République thèque, en Bulgarie ou en Roumanie. Pour les fidéliser, il faut faire preuve d’imagination et proposer des évolutions de carrière intéressantes, autre défi pour les DRH.

Cette évolution vers des DRH orientés business est-elle durable ?

Elle est inévitable, mais peut constituer un facteur de fragilité pour l’entreprise si cela conduit la GRH vers des procédures de plus en plus éloignées de la réalité humaine de l’entreprise. Pour résister à la concurrence et à la crise économique, les entreprises ont intérêt à miser sur le dynamisme de leur personnel. À tous les niveaux de responsabilité. Ce qui signifie ne pas gérer les hommes à court terme.

Les grands groupes cherchent à diversifier l’origine de leurs managers. Le début d’un changement de culture interne ?

C’est possible. Les grandes entreprises sont implantées partout dans le monde et ont besoin de talents locaux pour se développer. En Occident, nous commençons à comprendre que la diversité des managers est synonyme de dynamisme. Cela nous conduit à remettre en question le modèle anglo-saxon de management qui s’est imposé partout dans le monde. À terme, il est possible que cela modifie la gestion RH des groupes internationaux.

Quelles sont les préoccupations de votre entreprise à l’international ?

34 %

Développement d’une culture de groupe

22 %

Attraction des talents dans les marchés en développement

20 %

Identification des potentiels dans les différentes cultures

18 %

Intégration des nouvelles acquisitions à l’étranger

17 %

Équilibre entre politiques de groupe et politiques locales

17 %

Mobilité internationale