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Idées

Les infortunes de l’égalité

Idées | Livres | publié le : 01.10.2011 | Jean Mercier

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Les infortunes de l’égalité

Crédit photo Jean Mercier

L’explosion des inégalités a atteint un niveau qui suscite régulièrement mises en garde et élans d’indignation. Or, constate Pierre Rosanvallon, « on n’a jamais autant parlé de ces inégalités et en même temps on n’a jamais aussi peu agi pour les réduire ». Pour tenter de comprendre ce paradoxe, le sociologue nous invite à remonter le fil historique qui conduit de l’abolition des privilèges à une société où le 1 % des plus riches possède 24 % de la richesse du pays. Le combat de 1 789 avait pour moteur la volonté d’instaurer une « société des semblables », face à une aristocratie qui en était venue à se considérer comme une autre espèce d’homme. Mais ce modèle idéal ne tarde pas à découvrir ses fissures, l’inégalité étant présentée comme le prix à payer de la liberté économique, voire politique. À l’opposé, le communisme utopique prône l’avènement d’un système où chacun pourra vivre selon ses besoins. L’entrée dans le XXe siècle semble apporter la réponse au problème, avec la mise en place de l’État providence. Rosanvallon distingue trois vecteurs de ce basculement : l’institution de l’impôt progressif sur le revenu ; les assurances sociales ; la création de procédures de représentation et de régulation collectives du travail. Comment expliquer le grand retournement survenu à la fin des années 70 qui a progressivement mis à bas les fondements idéologiques et sociologiques grâce auxquels s’était généralisée la notion de redistribution sociale ? L’auteur y voit une raison « mécanique », avec le ralentissement de la croissance et la mondialisation qui grippent le fonctionnement de l’État social, mais aussi morale. Le fonctionnement de la société s’apparente de plus en plus à celui d’une compétition sportive, reposant sur une forme radicale de concurrence généralisée et sur une égalité des chances qui pousse au paroxysme le mécanisme méritocratique. C’est un danger mortel pour le lien social. Pierre Rosanvallon conclut qu’« il n’y a rien de plus urgent que de retourner à l’esprit révolutionnaire de l’égalité ». Un peu abstraitement, il invite à réorienter les politiques publiques vers la recherche de « l’égalité des singularités ». Il regrette que, face aux difficultés financières de l’État providence, le seul traitement de la pauvreté ait prévalu sur celui de la réduction des inégalités. Les contours de la politique alternative qu’il souhaite restent flous mais son effort pour « désidéologiser » la question de l’égalité mérite considération.

La Société des égaux, Pierre Rosanvallon. Éditions Seuil . 430 pages, 22,50 euros.

Auteur

  • Jean Mercier