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Enquête

Douloureuse fusion du Trésor et des impôts

Enquête | publié le : 01.10.2011 | Éric Béal

Entre réductions d’effectifs et nouvelles tâches à intégrer, le guichet unique des finances publiques soumet les agents à rude épreuve. Obligés de laisser des missions de côté, ils sont gagnés par le stress.

Les contribuables du sud de la Vendée reçoivent leur avis d’imposition les uns après les autres depuis la mi-août. Certains se déplacent jusqu’à leur guichet de trésorerie, à Maillezais, La Châtaigneraie, Moutiers-les-Mauxfaits ou encore Chaillé-les-Marais, pour contester le montant de leur impôt ou demander un délai de paiement. D’autres sont impatients de recevoir la prime pour l’emploi. C’est le début d’une période agitée pour les agents. La règle du non-remplacement de deux départs à la retraite sur trois, imposée par Philippe Parini, le directeur général des Finances publiques à Bercy, pèse de tout son poids sur ces petites trésoreries rurales, devenues « centres des finances publiques », dans lesquelles les départs à la retraite sont difficilement remplacés. « Nous sommes tenus de fournir une réponse à chaque contribuable qui vient nous voir. Mais nous ne sommes que trois. Alors, dès qu’ils sont nombreux à se déplacer, l’accueil prend le pas sur nos tâches habituelles », indique une responsable. Lorsque la question dépasse les compétences du service, leurs agents sollicitent leurs collègues du service des impôts des particuliers (SIP) de Luçon ou de Fontenay-le-Comte, grâce au logiciel Gaia. « Mais ces démarches prennent du temps. Il faut comprendre le dossier et en déduire la bonne question. Je passe plus de la moitié de ma journée au guichet en ce moment, et mon travail habituel sur la comptabilité des collectivités locales prend du retard », déplore la jeune femme.

La RGPP est bien arrivée jusqu’au fin fond du Marais poitevin. En Vendée, elle a modifié les conditions de travail des 950 agents de la direction départementale des finances publiques, répartis dans 32 implantations à travers le département.

Nathalie Loirat, une responsable locale du Syndicat national unifié des impôts, a longtemps été membre de l’équipe de renfort, chargée de pallier le manque de personnel ici et là. Cette spécialiste de la fiscalité des entreprises était moins à l’aise avec la feuille d’impôts des particuliers lorsqu’elle était envoyée à l’accueil. « Mais l’administration a décrété que nous pouvions répondre à tout sans mettre les moyens nécessaires pour nous former, explique-t-elle. Et le retard pris dans l’unification des anciens systèmes informatiques ne facilite pas la recherche d’informations. » Une recherche effectuée sous la surveillance d’un logiciel de gestion du temps. « Après vingt minutes, nous avons un signal rouge indiquant que nous avons dépassé le temps imparti pour chaque contribuable. C’est stressant. »

La fusion des services des impôts et de ceux de la comptabilité publique est certes appréciée par le contribuable, qui trouve au même endroit des réponses à ses questions sur le calcul et sur le paiement de ses impôts. Mais les agents sont victimes d’un stress montant et beaucoup font des heures supplémentaires non rémunérées.

« Mon effectif a été réduit d’un tiers en un an et demi, indique un chef de poste du recouvrement des impôts et amendes. Nous sommes passés de huit à cinq personnes car ma hiérarchie anticipe les gains de productivité censés découler des investissements dans l’informatique. » Résultat, les réponses aux questions des contribuables et l’accueil du public deviennent prioritaires. Les vérifications et le travail en back-office viennent après. La hiérarchie passe son temps à redistribuer le travail entre ceux qui restent ou modifie le mode de fonctionnement des équipes. « En 2009, j’ai noté beaucoup d’inquiétude, d’angoisse des agents face aux restructurations. Actuellement, face à la charge croissante de travail, aux changements organisationnels, des troubles psychologiques apparaissent : anxiété, découragement, insomnie, voire des syndromes anxiodépressifs », note un médecin de prévention dans son rapport annuel 2010, dévoilé par un tract de FO Trésor Vendée.

Les responsables locaux en viennent à conseiller aux équipes de fermer une demi-journée par semaine pour être tranquilles, afin de s’attaquer aux dossiers en retard

« Depuis dix ans que je milite, c’est la première fois que je vois autant de collègues au bord de la rupture. Sans compter ceux qui ont déjà pété les plombs », souligne Sébastien Lièvre, secrétaire adjoint de FO Trésor. Et d’ajouter que les responsables locaux en viennent à conseiller aux équipes de fermer une demi-journée par semaine pour être tranquilles, afin de s’attaquer aux dossiers en retard. Quand ce n’est pas d’abandonner provisoirement des missions non prioritaires. Une situation difficilement admissible pour des agents dont la majorité défend mordicus la qualité du service public.

Auteur

  • Éric Béal