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Tableau de bord

Faut-il davantage accroître la flexibilité ?

Tableau de bord | publié le : 01.06.2011 |

Bernard Salanié Professeur d’économie à Columbia University, New York.

Au-delà des effets de la récession dont nous émergeons lentement, le marché du travail français reste caractérisé par une forte segmentation. La grande majorité des emplois sont régis par un CDI mais diverses formes de contrats temporaires (CDD, intérim…) couvrent environ 10 % des emplois. Cette situation est injuste parce qu’elle fait porter tout le poids de l’ajustement sur une catégorie d’autant plus durement touchée qu’elle est minoritaire. Elle est inefficace car cette minorité comprend beaucoup de jeunes peu qualifiés. Dans la mesure où leurs contrats ont un horizon très court, ni eux ni leurs employeurs n’ont intérêt à améliorer leur qualification. Ces jeunes sont ainsi piégés dans un cercle vicieux dont beaucoup ont du mal à sortir, et la performance de l’économie en souffre. Force est de constater que bien peu a été fait depuis 2007 (et avant !) pour remédier à cette segmentation. La rupture conventionnelle instaurée en 2008 a eu un grand succès, mais des effets d’aubaine y ont sûrement une bonne part. Il est plus que temps de considérer des réformes plus ambitieuses, qui accorderaient à chaque employé une protection croissant de manière graduelle avec son ancienneté.

Mathilde Lemoine Directrice des études économiques chez HSBC.

La flexibilité du marché du travail est mesurée par la vitesse d’ajustement de l’emploi aux variations de la valeur ajoutée. Durant la crise récente, cette flexibilité, qualifiée d’externe, a été assumée par les travailleurs temporaires. Les intérimaires ont représenté 60 % des emplois détruits fin 2008 et 75 % des emplois créés depuis la fin de l’année 2009. L’utilisation des contrats temporaires est avérée par le Code du travail, et ces contrats peuvent faciliter l’accès à un emploi stable. Un salarié en CDD a, en effet, selon l’Insee, 3,2 fois plus de chances qu’un chômeur d’accéder à un CDI, et un intérimaire 2,1 fois. Mais cette forme de flexibilité pèse sur la productivité si ces salariés ne sont pas formés ni aidés dans leur vie quotidienne. En effet, s’ils enchaînent les missions sans pouvoir améliorer leurs compétences générales, la flexibilité s’avère destructrice de capital humain. Il est donc urgent d’« équiper les salariés » avant d’envisager d’accroître la flexibilité du marché du travail français. La priorité consiste à développer les formations générales qui leur permettent de changer d’entreprise, d’environnement et de secteur. La France est le plus mauvais élève de l’Union européenne dans ce domaine.

Xavier Timbeau Directeur du département analyse et prévision à l’OFCE.

Chaque fois que le chômage est élevé revient sur la table le mythe de la flexibilité. Mythe, parce que celle-ci est relativement élevée en France, comme l’attestent les indicateurs de l’OCDE concernant la protection de l’emploi. Pour les CDD comme pour les licenciements collectifs, le score de la France la situe dans la moyenne des pays développés. L’emploi y est moins protégé qu’en Allemagne ou qu’en Espagne, plus qu’en Italie ou qu’en Angleterre. Mais le mythe a la vie dure, bien que l’OCDE n’établisse plus de lien univoque entre flexibilité et performance macroéconomique ou chômage. La grande récession en fournit un nouvel exemple. Face à une baisse considérable de l’activité, les Allemands ont sauvegardé un tissu d’entreprises grâce au maintien intelligent du contrat de travail (ce que n’ont pas su faire d’autres pays). Le recours au chômage partiel et l’ajustement des durées du travail ou des rémunérations (variables) ont permis de préserver les relations de long terme entre le salarié et son entreprise tout en s’adaptant aux contingences. La question importante est donc le juste partage des risques bien plus que la mise à disposition d’une main-d’œuvre flexible et corvéable à volonté.

Pour en savoir plus

Les mobilités des salariés,

M. Lemoine et E. Wasmer. Rapport du CAE n° 90.

www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/090.pdf.

Emploi et salaires,

mai 2011.

« Insee Références ».

http://insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=empsal11a.

Rigueur de la protection de l’emploi, OCDE.

www.oecd.org/document/21/0,3746,fr_2649_37457_40980181_1_1_1_37457,00.html#lpe.

Refonder le droit social : mieux concilier protection du travailleur et efficacité économique, J. Barthélémy et G. Cette.

www.cae.gouv.fr.