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Politique sociale

Copé le provocateur attend son heure

Politique sociale | publié le : 01.06.2011 | Anne Fairise

TVA sociale, 35 heures, statut des fonctionnaires… Après avoir saturé le débat politique sans vraiment convaincre, le très libéral chef de l’UMP s’est assagi, présidentielle oblige. Lui, se réserve pour 2017.

Eclipsé ! Au chapitre des débats qui vrillent les déchirements internes de la droite, le patron de l’UMP, Jean-François Copé, s’est fait voler la vedette en mai par Laurent Wauquiez, ministre chargé des Affaires européennes, parti en croisade contre l’assistanat. Sans sortir de sa subite réserve. Le quadra nous avait pourtant habitués à son omniprésence, saturant depuis six mois, au nom du défrichage d’idées, la chronique politique de déclarations sur des thèmes chers aux libéraux : la fin des 35 heures, ou bien encore la remise en cause du statut des fonctionnaires… Au prix de passes d’armes avec plusieurs ministres et du tangage de l’UMP. Cette fois, motus ! D’habitude prompt à capter les caméras, Jean-François Copé a laissé la direction nationale qualifier les propos de Wauquiez de « contribution importante » au débat.

L’homme, qui n’a pas peur de se dire « 100 % libre et 100 % fidèle » au président, ne laisse plus s’exprimer que le bon soldat. « Je rassemble, je fais un bel effort », lâche-t-il, ambigu. Recadré par l’Élysée qui veut contenir les divisions de l’UMP au moment où le PS s’engage dans des primaires explosives, JFC, comme disent ses proches, rentre dans le rang. Nouveau juge de paix ripaillant avec ses ennemis d’hier (le ministre du Travail Xavier Bertrand, le Premier ministre François Fillon). Premier général en chef dans la bataille du bilan de la présidence Sarkozy. Organisateur de conventions pour alimenter le candidat. À un an de l’échéance, retour à la mise en ordre des troupes ! Comme il l’a fait à son arrivée, fin 2010, Rue La Boétie. Qu’il implique les gaullistes, les libéraux, les centristes aux postes de direction, jusqu’à nommer 201 secrétaires nationaux. Qu’il rassemble tous les cercles de réflexion, dont le sien, Génération France, pour créer un conseil des think tanks.

Savoir-faire politique. Le contraste est saisissant entre l’explosive convention d’avril sur la place de l’islam et celle de mai sur la croissance et les PME. Oubliée, sa vibrante allocution sur les raisons du débat sur la laïcité qu’il a imposé ; place au discours sur la méthode. « Nous rentrons dans la dernière ligne droite de la présidentielle, qui est une articulation optimale entre ce que fait le parti, les parlementaires et le gouvernement », argumente sur scène le patron de l’UMP, crispé à côté d’un exultant Xavier Bertrand. Et pour cause, le cabinet de ce dernier et celui de la ministre chargée de l’Apprentissage ont préparé le contenu de la convention, pas le libéral Hervé Novelli, secrétaire général adjoint de l’UMP et organisateur officiel, qui « a juste relu les 42 propositions ». Rien d’une défaite, selon Stéphane Rozès, président de Conseils, Analyses et Perspectives (CAP): « Jean-François Copé a été utilisé par Nicolas Sarkozy pour lancer des initiatives, libérales en économie ou conservatrices sur les sujets de société, et cadrer le Premier ministre sur sa droite afin d’apparaître comme le président pacificateur. Mais il en a profité pour s’ancrer dans le noyau dur de la droite. » Et préciser sa doxa.

On sait désormais que l’ex-ministre délégué au Budget, qui n’a attaché son nom à aucune réforme, emprunte aux libéraux sur les sujets économiques : anti-35 heures, désormais partisan d’une TVA sociale et d’un contrat social renvoyant salaires et temps de travail à la négociation. Qu’il est assez dur sur la sécurité mais pro-immigration choisie, avec une vision de l’Europe centrée sur l’axe franco-allemand. Des précisions salutaires pour qui planifie sa carrière avec la rigueur d’un coureur de fond, et est souvent comparé à Nicolas Sarkozy. Comme lui, il a enlevé jeune une mairie (Meaux, en Seine-et-Marne), est passé par Bercy, a gagné le parti et se construit pour la présidentielle… de 2017 ! C’est annoncé depuis 2007.

« Faire-savoir » médiatique. À l’époque, le chiraco-villepiniste n’a pas encore fait une tribune de la présidence du groupe parlementaire UMP, concédée par Nicolas Sarkozy qui n’en veut pas comme ministre. Il occupera la totalité de l’espace politique face à l’Élysée, en faisant feu de tous sujets. Parfois inattendus pour lui. « Sans Jean-François Copé, la loi sur la représentation équilibrée entre femmes et hommes au sein des conseils d’administration n’aurait jamais été votée avant la fin de la législature, martèle la députée UMP Marie-Jo Zimmermann. Ce n’est pas le dossier qui l’intéresse le plus. Mais il a acquis la conviction que l’égalité d’accès aux responsabilités doit être garantie. »

Parfois, il intervient à contretemps. La majorité renonce à plafonner les niches fiscales en 2009 JFC veut fiscaliser les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale aux salariés victimes d’accident du travail. Il était contre quatre ans avant. Qu’importe, il se met, et met les députés UMP, au centre des débats. Et peut toujours invoquer la « coproduction législative » permettant aux parlementaires de prendre l’initiative dans le cadre du rôle renforcé du Parlement (comme sur la loi interdisant le port de la burqa). Il en a fait sa marque déposée. Du pur marketing, selon Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, pour qui la pratique a toujours existé (dans Copé, l’homme pressé, éd. L’Archipel 2010).

La « coproduction sociale », qu’il tente d’initier avec syndicats et patronat en 2008 à coups de rencontres régulières, n’a pas plus convaincu. Les réunions organisées avec les signataires de l’accord sur le marché du travail, puis avec ceux de l’accord sur la représentativité syndicale n’ont pas été suivies de beaucoup d’autres. Quant au premier chantier de coproduction sociale lancé fin 2009 sur la souffrance au travail, il restera… sans suite. Pas plus soutenu sera le rythme des bilatérales entre numéros un : « Elles ont toujours existé, à raison d’une ou deux par an », rétorque Jacques Voisin, patron de la CFTC. Mais l’ambiance a viré à l’orage depuis que les députés UMP, emmenés par Jean-François Copé, ont amoindri mi-2010 la portée du projet de loi sur le dialogue social dans les TPE, en refusant la création de commissions paritaires territoriales régionales, contre l’avis du gouvernement !

La "coproduction sociale", qu’il tente d’initier avec syndicats et patronat en 2008, n’a pas convaincu

En janvier, la CFDT, la CGT et FO ont même décliné l’invitation du désormais patron de l’UMP à « faire un tour d’horizon » des dossiers sociaux… lancée en pleine polémique sur les 35 heures. « Pas question d’être associé à un programme électoral ! » tempête Jean-Claude Mailly, qui a appris l’invitation par une dépêche AFP alors qu’il se rendait aux vœux de l’Élysée. Cousu de fil blanc pour le patron de FO : « Jean-François Copé manque d’expérience en matière de relations sociales ; il est trop dans la communication et le rapport de force politique permanent. Alors, les portes se ferment. » Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, renchérit : « Je préfère discuter avec Hervé Novelli, qui est connu dans ses fondamentaux libéraux mais maîtrise ses dossiers. Les choix de Jean-François Copé n’apparaissent pas dictés par un projet global cohérent mais par les circonstances. »

Ancrage local. Trop de tactique, pas assez de fond ? Il faut aller à Meaux pour comprendre le très pragmatique JFC. Dans la sous-préfecture arrachée en 1995 au socialiste Jean Lion, loin du VIIe arrondissement où il a grandi, le fils de chirurgien ne jure que par le travail partenarial. Pour lutter contre l’insécurité, il lance le contrat opérationnel de prévention et de sécurité, regroupant autour de la table polices, justice… Pour faire reculer le chômage et pourvoir les emplois (4 000 annoncés) du prochain parc d’activité, il crée le contrat opérationnel pour l’emploi (Cope) avec Pôle emploi, la Direccte, la CCI, les entreprises… « Une initiative unique en France », affirme Laurent Kourilsky, directeur de la maison de l’emploi Nord-Est 77, qui en attend une baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Mais qui n’évoque pas le taux de chômage (pourtant 7,8 % mi-2010), chiffre tabou à Meaux où la mairie verrouille la communication. Chose certaine pour lui, « la baisse du chômage depuis 1995 s’explique en partie par la rénovation urbaine qui a changé la sociologie de la ville ». En absorbant toutes les aides possibles, Jean-François Copé a restructuré deux quartiers difficiles, détruit 1 500 logements pendant son second mandat, communiqué beaucoup. Et été réélu, en mars 2008, avec 68 % des voix !

“Une refondation sociale doit être imaginée”

La convention UMP sur la justice sociale promet-elle d’autres polémiques, après celle lancée par Laurent Wauquiez sur les dérives de l’assistanat ?

Cette convention du 8 juin permettra de revenir sur ce qui distingue une société de responsabilités partagées d’une société d’assistance. La proposition de Laurent Wauquiez a apporté une pierre au débat et je soutiens sa démarche. J’ai toujours été un peu réservé sur le RSA, tel que l’a conçu Martin Hirsch, car il ne permet pas toujours d’éviter la trappe à inactivité. J’étais partisan d’instituer une plus grande conditionnalité sur les aides connexes. Un autre choix a été fait.

D’autres controverses sont attendues, en juillet, avec la convention sur la compétitivité qui reviendra sur les 35 heures, la TVA sociale…

Il faut comprendre la logique des conventions thématiques qui est la mienne. Les cinq crises (monétaire et financière, économique, sociale, environnementale, géopolitique) que le monde vient de connaître imposent de repenser notre modèle de croissance fondé sur la consommation et un niveau élevé de dépenses sociales. En 2012, les Français seront face à ce choix. La solution que je porte est de tendre vers un modèle à l’allemande reposant sur l’innovation, l’investissement, l’exportation. Cela signifie moins de dépenses publiques, plus de travail. Les 35 heures, qui représentent 12 milliards d’exonérations de charges, sont intenables pour l’État. Elles sont tout aussi intenables pour les salariés, dont le pouvoir d’achat stagne. Et elles créent des rigidités pour les entreprises. C’est pourquoi une refondation sociale étendant le champ de la négociation à de nombreux sujets dont le temps de travail, par branche ou par entreprise, doit être imaginée. Comme doit être étudié un transfert des cotisations sociales sur la TVA pour alléger les charges pesant sur les entreprises et les salariés et pour freiner les délocalisations.

Vous faites vôtres les thèses libérales ?

Comment peut-on être libéral dans un pays consacrant 30 % de son PIB aux dépenses sociales ? Le débat n’est pas idéologique mais vise à trouver les moyens de maintenir notre mode de vie. Dans le passé, je me suis opposé à la TVA sociale. Mais la réussite allemande m’a fait changer d’avis.

Quelles orientations souhaitez-vous donner aux propositions UMP pour la présidentielle ?

Je vois trois thèmes : le courage, parce qu’il en faudra pour porter un nouveau modèle de croissance, le rassemblement et l’ouverture au monde. À la place des commémorations sur le 10 mai 1981, j’aurais préféré que la gauche parle d’avenir, ce qu’elle est manifestement incapable de faire.

Que pensez-vous du projet de prime aux salariés des entreprises augmentant leurs dividendes ?

Cette mesure gouvernementale a du sens dans la période actuelle. Elle doit nous inciter à revoir les moyens de redistribuer les fruits de la croissance qui redémarre grâce aux réformes portées par Nicolas Sarkozy et notre majorité. Propos recueillis par Anne Fairise et Sandrine Foulon

Auteur

  • Anne Fairise