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La directive qui met les assureurs en ébullition

Dossier | publié le : 01.06.2011 | V. D.

La directive solvabilité II et le nouveau cadre prudentiel soumettent les assureurs à des exigences accrues de maîtrise des risques et de reporting. Les coûts de gestion et les tarifs en pâtissent.

À dix-huit mois de la mise en œuvre de la directive solvabilité II, le monde de l’assurance est sous tension. En dépit des résultats, jugés de prime abord plutôt rassurants pour les 515 participantsfrançais,delacinquième étude d’impact réalisée grandeur nature – QIS 5, pour les initiés –, le nouveau cadre prudentiel harmonisé, censé régir à partir du 1er janvier 2013 toutes les familles d’assureurs (mutuelles, institutions de prévoyance et sociétés d’assurance), n’est toujours pas stabilisé. Au point que, face aux sonnettes d’alarme tirées par les représentants européens de la profession, Bruxelles a été contraint de revoir sa copie et de lancer plusieurs groupes de travail thématiques pour tenter, d’ici à l’été, de mieux appréhender les marges de solvabilité et les provisions nécessaires à la couverture de certains risques, comme la santé ou la retraite.

En parallèle, le nouveau cadre de supervision marqué par la création, en mars 2010, de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) – fruit du rapprochement des autorités de contrôle de la banque, de l’épargne et de l’assurance – se traduit par des exigences accrues en matière de maîtrise des risques et de reporting. Exigences qui ne font toutefois que préfigurer les nouvelles contraintes de gouvernance et de contrôle interne qui seront imposées aux organismes dans le cadre du pilier numéro deux de la directive, adopté en novembre 2009.

Pour les contrats collectifs d’entreprise, l’enjeu de ces nouvelles règles n’est pas mince : « Solvabilité II risque de se traduire par un alourdissement de nos coûts de gestion au moment même où la part des complémentaires dans le financement de la protection sociale est appelée à s’accroître », avertit Jean-Louis Faure, délégué général du Centre technique des institutions de prévoyance. Certaines grandes entreprises commencent à s’en préoccuper lors du renouvellement des appels d’offres de leurs contrats collectifs, note Norbert Gautron, actuaire associé du cabinet Galea, qui a estimé à plus de 20 % l’impact potentiel de solvabilité II sur les tarifs des contrats collectifs en santé-prévoyance. Car « les assureurs vont être contraints de mobiliser des fonds propres considérables », prévient Bernard Lemée, vice-président (Medef) du CTIP.

Les résultats du QIS 5 en témoignent. Ainsi, pour 100 euros de cotisation versés au titre d’une complémentaire santé, solvabilité II imposerait de mobiliser 45 euros de fonds propres, soit plus du double des exigences actuelles (20 euros). Idem pour la garantie arrêt de travail où, avec 42 euros de fonds propres exigés pour 100 euros d’engagement (contre 27 euros), le ratio de couverture apparaît deux fois plus élevé dans le QIS 5 que les besoins réels observés sur les marchés européens représentatifs. La raison ? « Le QIS 5 se fonde sur des hypothèses de volatilité qui ne se vérifient pas », explique José Sanchez, responsable financier du CTIP, qui a participé aux travaux européens de calibrage du module santé conduit par la profession. « Pourquoi pénaliser les assurés et les entreprises en leur imposant des besoins de marge non justifiés ? » reprend Jean-Louis Faure, qui revendique d’appliquer aux différents risques « le juste prix ».

Sensibilité aux variations de taux d’intérêt. Les nouvelles modalités de calcul de marges frisent aussi parfois l’absurde ! Ainsi, au motif que les cotisations des contrats collectifs du quatrième trimestre sont encaissées à terme échu au début de l’année suivante, le QIS 5 les considèrent comme perdues à 90 %, au chapitre des risques de défaut de recouvrement des créances. Et le summum est atteint en matière de rente viagère (invalidité ou retraite), une activité très sensible aux variations de taux d’intérêt : sous l’effet d’une baisse des taux de 1 %, le ratio de couverture d’un régime de retraite, par exemple, peut chuter brutalement de 186 à 75 % et passer sous la ligne de flottaison du capital de solvabilité requis. « Impossible, dans ces conditions, de piloter ces régimes qui requièrent au contraire un environnement et une gouvernance stabilisés », abonde Bertrand Boivin-Champeaux, responsable technique du CTIP. « Vouloir imposer à tout prix à ces risques longs une vision de leur risque de faillite à un an n’a aucun sens », renchérit Christophe Ollivier, conseiller auprès du directeur général de la Mutualité française.

Mais même si les assureurs français obtenaient gain de cause sur les modalités de calcul des provisions, ils ne seraient pas au bout de leurs peines. Car, comme l’a rappelé Danièle Nouy, secrétaire générale de l’ACP, lors de la présentation des résultats du QIS 5, ils vont devoir aussi faire des efforts importants en matière de reporting : « La fiabilité du traitement des données et l’industrialisation des processus assurantiels doivent être renforcées pour se rapprocher du niveau de qualité atteint par les banques », a-t-elle rappelé en pointant des insuffisances en la matière, notamment de la part des petites structures. Sachant que, dans la perspective de la mise en œuvre de solvabilité II, les organismes vont devoir se doter de procédures écrites dans tous les domaines ; définir les responsabilités des différents organes dirigeants ; mettre en place des fonctions clés (conformité, audit interne, fonction actuarielle, gestion des risques) et renforcer la formation des membres de leur conseil d’administration.

« Un beau casse-tête en perspective ! » résume Michel Dupuydauby, directeur général de la MACSF SGAM. Notamment pour « les petites et moyennes structures, qui sont encore loin de s’être approprié les enjeux de cette révolution culturelle et juridique », reconnaît Fabrice Sauvignon, président de l’Institut des actuaires. Les grands groupes ne seront toutefois pas épargnés, comme en témoigne la création, l’an dernier, d’une nouvelle division des risques chez Malakoff Médéric. « Dotée d’un budget de 5 millions d’euros, elle est chargée de superviser l’ensemble de nos processus administratifs et de nos systèmes d’information », indique Yann Charron, le numéro deux du groupe.

« Vu la complexité et les exigences que recouvre cette professionnalisation, les membres de nos conseils d’administration peuvent être enclins à laisser les clés aux opérationnels », redoute Thierry Beaudet, pré­sident de la MGEN. Pour éviter cet écueil, les partenaires sociaux du CTIP ont diffusé, début 2011, une grille d’analyse des risques couverts. Destiné aux 1 350 administrateurs patronaux et syndicaux siégeant dans les entités des groupes de protection sociale paritaires, ce document propose, explique ce dernier, « un référentiel et des indicateurs de suivi de risques leur permettant de savoir ce qui se passe dans les GPS et ce qu’on attend désormais d’eux ».

Auteur

  • V. D.